Module libre
En algèbre, un module libre est un module M qui possède une base B, c'est-à-dire un sous-ensemble de M tel que tout élément de M s'écrive de façon unique comme combinaison linéaire (finie) d'éléments de B.
Définitions
[modifier | modifier le code]Une base de M est une partie B de M qui est à la fois :
- génératrice pour M, c'est-à-dire que tout élément de M est combinaison linéaire d'éléments de B ;
- libre, c'est-à-dire que pour toutes familles finies (ei)1≤i≤n d'éléments de B deux à deux distincts et (ai)1≤i≤n d'éléments de l'anneau sous-jacent telles que a1e1 + ... + anen = 0, on a : a1 = ... = an = 0.
Exemples et contre-exemple
[modifier | modifier le code]- Étant donné un anneau A, l'exemple le plus immédiat de A-module libre est An. Réciproquement, tout A-module libre de base à n éléments est isomorphe à An.
- Tout groupe abélien admet une unique structure de ℤ-module. Les groupes abéliens libres sont exactement les ℤ-modules libres.
- Contrairement aux espaces vectoriels, cas particuliers des modules sur un corps, un module n'est pas toujours libre. Par exemple les ℤ-modules ℤ/2ℤ et ℚ ne sont pas libres. En revanche, tout module est le quotient d'un module libre.
- Un sous-module d'un module libre n'est en général pas libre. Par exemple tout idéal (à gauche) de A est un A-module (à gauche), mais il n'est libre que s'il est engendré par un seul élément.
- Le théorème de construction des bases partant d'une partie libre ou génératrice n'est pas valide pour les modules. Ainsi la partie non libre {2,3} engendre ℤ en tant que ℤ-module (car elle engendre 1 par 3 - 2 = 1). En revanche, ni le singleton {2} ni {3} n'engendrent ℤ seuls. De même la partie libre {2} ne peut pas se compléter en une base de ℤ.
Propriétés générales
[modifier | modifier le code]- Si (Mi)i est une famille de modules libres sur A, alors leur somme directe ⊕i Mi est libre sur A.
Supposons que M et N sont des modules libres sur A.
- Leur produit tensoriel M ⊗ N est libre.
- L'ensemble HomA(M, N) des applications A-linéaires, qui possède une structure naturelle de A-module, est libre. En particulier, le dual HomA(M, A) est libre.
- Si C est une A-algèbre, alors M ⊗A C est libre sur C.
- Sur un anneau principal, tout sous-module d'un module libre F est libre et de rang inférieur ou égal à celui de F[1].
- Tout module libre est projectif et plus généralement plat. Ces dernières propriétés sont plus souples que la liberté : par exemple, si 0 → M → N → L → 0 est une suite exacte de modules avec N et L libres, cela n'implique pas en général que M est libre. En revanche cette propriété est vraie pour les modules projectifs et pour les modules plats.
Rang d'un module libre sur un anneau commutatif ou noethérien
[modifier | modifier le code]Une question naturelle est de savoir si, comme pour les espaces vectoriels, toutes les bases d'un module libre ont même cardinal. La réponse est négative en général[2], mais affirmative avec de faibles conditions supplémentaires sur l'anneau sous-jacent. Par exemple, il suffit que l'anneau soit commutatif, ou alors noethérien, pour que le résultat tienne ; on peut dans ce cas parler de la dimension, également appelée rang, du module libre.
Supposons dans ce qui suit A commutatif et non nul.
- Le rang d'une somme directe s'additionne, celui d'un produit tensoriel se multiplie, et reste inchangé par extension des scalaires.
- Si P est un idéal maximal de A, alors M/PM est un espace vectoriel sur le corps A/P, de dimension égale au rang de M.
- Si M → N est une application linéaire injective entre deux modules libres avec N de rang fini, alors M est de rang fini et inférieur ou égal à celui de N[3].
- Si M → N est une application linéaire surjective entre deux modules libres, alors le rang de M est supérieur ou égal celui de N (en effet on a alors une application linéaire surjective d'espaces vectoriels M/PM → N/PN).
- Si M → N est une application linéaire surjective entre modules libres de même rang fini, alors c'est un isomorphisme (son déterminant est inversible).
Les propriétés ci-dessus se traduisent également de la façon suivante : dans un module libre de rang α (fini ou pas), toute partie génératrice est de cardinal supérieur ou égal à α ; dans un module libre de rang fini n, toute partie libre a au plus n éléments et toute partie génératrice à n éléments est une base.
- Toute suite exacte courte 0 → M → N → L → 0 de modules libres est scindée (puisque L est projectif) et N est alors isomorphe à M ⊕ L, autrement dit : le rang de N est la somme des rangs de M et de L. Cela peut être vu comme la généralisation du théorème du rang, lequel concerne les espaces vectoriels.
- Supposons que B est anneau commutatif contenant A, et aussi un A-module libre pour le produit, de base { bi }. Si C est un B-module libre de base { cj }, alors C est un A module libre de base { bi cj }. En particulier, le rang de C sur A est le produit des rangs de B sur A et de C sur B (fini ou infini).
Notes et références
[modifier | modifier le code]- Ce théorème est démontré dans ce cours de Wikiversité pour F de rang fini, et dans Serge Lang, Algèbre [détail des éditions], appendice 2, §2 (en utilisant le lemme de Zorn) pour F de rang quelconque. Le cas particulier d'un module libre de rang fini sur un anneau euclidien est traité dans l'article Théorème des facteurs invariants.
- Voir l'article Invariance de la dimension (en)
- (en) Tsit-Yuen Lam, Lectures on Modules and Rings, Springer, coll. « GTM » (no 189), , 557 p. (ISBN 978-0-387-98428-5, lire en ligne) en donne deux preuves, p. 14-16, la première via un détour par les anneaux noethériens et la seconde, plus élémentaire, via l'algèbre extérieure et extraite de N. Bourbaki, Éléments de mathématique, Algèbre, chap. III, § 7.9, prop. 12 p. 519.