Le Dit des rues de Paris
Le Dit des rues de Paris est un poème de 554 vers octosyllabiques à rimes plates, écrit par Guillot de Paris, qui y recense les rues du Paris vers 1280-1300.
Contenu
[modifier | modifier le code]Le texte recense les rues du Paris de l'époque, en les abordant selon les trois quartiers qui composaient alors la capitale :
- au nord, rive droite, le quartier d'Outre-Grand-Pont, dit aussi la Ville ;
- au sud, rive gauche, le quartier d'Outre-Petit-Pont, dit aussi l'Université ;
- dans l'île, le quartier de la Cité, berceau de Paris.
Texte
[modifier | modifier le code]Le texte Le Dit des rues de Paris est reproduit dans la forme de l'ouvrage que l'on peut consulter en ligne ci-dessus. 310 rues sont recensées dans le texte. Ne sont pas compris les culs-de-sac que l'auteur nomme « rues sans chief ». Les notes et commentaires sont tirés de l'ouvrage cité précédemment, du Dictionnaire topographique, étymologique et historique des rues de Paris de Jean La Tynna[1] et de l'ouvrage Fabliaux et contes des poètes françois des XI, XII, XIII, XIV et XVe siècles Tome 2[2].
Ci commence Le Dit des rues de Paris
« Maint dit a fait de Roys, de conte
Guillot de Paris en son conte;
Les rues de Paris briément
A mis en rime. Oiez comment. »
Quartier d'Outre-Petit-Pont
[modifier | modifier le code]Le quartier d'Outre-Petit-Pont comprenait toute la partie de Paris située au Sud de la Seine, qu'on a appelé ensuite quartier de l'Université, ainsi que le bourg de Saint-Germain des Prés, qui, par la suite lui a été réuni et qu'on appelle désormais Rive gauche.
Ce quartier comporte 80 rues dans ce poème.
La rue de la Huchete à Paris
Première, dont pas n'a mespris.
Ases tost trouva Sacalie,
Et la petite Bouclerie,
Et la grant Bouclerie après,
Et Hérondale tout enprès.
En la rue Pavée alé,
Où a maint visage halé :
La rue a l'Abé Saint-Denis
Siet ases près de Saint-Denis,
De la Grant rue Saint-Germain
Des Prez[3], si fait rue Cauvain,
Et puis la rue Saint-Andri.
Dehors mon chemin s'estendi
Jusques en la rue Poupée.
Adonc ai ma voie adrecée,
En la rue de la Barre vins,
Et en la rue à Poitevins,
En la rue de la Serpent.
De ce de riens ne me repent;
En la rue de la Platrière,
La maint une Dame loudière
Qui maint chapel a fait de fueille.
Par la rue de Haute Feulle,
Ving en la rue de Champ-petit[Note 1].
Et au desus est un petit
La rue du Puon vraiement.
Je descendi tout belement
Droit à la rue des Cordeles :
Dames i a, le descort d'elles
Ne voudroie avoir nullement.
Je m'en alai tout simplement
Diluecques au Palais de Termes
Où il a celiers et citernes,
En cette rue a mainte Court,
La rue aus hoirs de Harecourt.
La rue Pierre-Sarrazin
Où l'en essaie maint roncin
Chascun an, comment con le hape.
Contre val[4] rue de la Harpe
Ving en la rue Saint-Sevring,
Et tant fis cau carrefour ving :
La Grant-Rue trouvai briément.
De là entrai, premièrement
Trouvai la rue As Escrivains;
De cheminer ne fu pas vains
En la petite ruelete
Saint-Sevrin; mainte meschinete
Si louent souvent et menu
Et font batre le trou velu
Des fesseriaus, que que nus die.
En la rue Erembourc de Brie
Alai; et en la rue o Fain;
De cheminer ne fu pas vain.
Une femme vi batre lin
Par la rue Saint-Mathelin,
En l'en Cloistre m'en retourné
Saint-Beneoit le bestourné.
En la rue As Hoirs de Sabonnes
A deux portes belles et bonnes
La rue à l'Abbé-de-Cligny
Et la rue au Seigneur d'Igny
Sont prés de la rue o Corbel
Desus siet la rue o Ponel,
Y la rue à Cordiers aprèz,
Qui des Jacopins siet bien prèz
Encontre est rue Saint-Estienne;
Que Diex en sa grâce nous tiengne
Que de s'amour aions mantel.
Lors descendi en Fresmantel.
En la rue de l'Oseroie,
Ne sai comment je desvouroie
Ce conques nul jour ne voué
Ne à Pasques, ne a Noué.
En la rue de l'Ospital
Ving; une femme i despital
Une autre femme folement
De sa parole moult vilment.
La rue de la Chaveterie
Trouvai; n'alai pas chies Marie
En rue Saint-Syphorien,
Où maingnent li logipcien.
En prés est la rue du Moine
Et la rue au Duc de Bourgoingne.
Et la rue des Amandiers prèz
Siet en une autre rue enprèz
Qui a non rue de Savoie.
Guillot de Paris tint sa voie
Droit en la rue Saint-Ylaire,
Où une Dame débonnaire
Maint, con apele Giete Das;
En contre est la rue Judas,
Puis la rue du Petit-Four,
Con apelle le Petit-Four;
Saint-Ylaire et puis Clos-Burniau,
Ou l'en a rosti maint bruliau,
Et puis la rue du Noier,
Où pluseurs Dames pour louier
Font souvent batre leur cartiers.
En prèz est la rue a Plastriers,
Et parmi la rue As Englais
Ving à grant feste et à grant glais.
La rue a Lavendières tost
Trouvai; Prèz d'iluec assez tost
La rue qui est belle et grant
Sainte-Genevieve-la-grant,
Et la petite ruelete
De quoi l'un des bous chiet sus l'Ètre[5],
Et l'autre bout si se raporte
Droit a la rue de la Porte
De Saint-Marcel; Par Saint Copin
En contre est la rue Clopin,
Et puis la rue Traversainne
Qui siet en haut bien loins de Sainne.
En prèz est la rue des Murs :
De cheminer ne fut pas mus.
Jusqu'à la rue Saint-Vitor,
Ne trouvai ne porc ne butor,
Mes femme qui autre conseille;
Puis truis la rue de Verseille
Et puis la rue du Bon-Puis;
La maint la femme à i Chapuis
Qui de maint home a fait ses glais.
La rue Alexandre Lenglais
Et la Pavee-Goire,
La bui-ge de bon vin de beire.
Et la rue Saint-Nicolas
Du Chardonnai ne fu pas las.
En la rue de Bièvre vins;
Ilueques i petit m'assis.
D'iluec en la rue Perdue,
Ma voie ne fu pas perdue.
Je m'en reving droit en la place
Maubert, et bien trouvai la trace
D'iluec en la rue a Trois-Porte
Dont l'une le chemin raporte
Droit a la rue de Gallande,
Où il n'a ne forest ne lande
Et l'autre en la rue d'Aras,
Ou se nourrissent maint grant ras.
En prés est rue de l'Escole,
La demeure Dame Nicole;
En celle rue, ce me samble
Vent on et fain et fuerre ensamble.
Puis la rue Saint-Julien
Qui nous gart de mauvais lien.
M'en reving en la Bucherie
Et puis en la Poissonnerie.
C'est verité que vous despont,
Les rues d'outre-Petit-Pont
Avons nommées toutes par non
Guillot qui de Paris ot nom;
Quatre-vingt par conte en y a,
Certes plus ne mains n'en y a.
En la Cité isnelement
M'en ving aprés privéement.
La Cité
[modifier | modifier le code]Le quartier de la Cité se composait de l'île de la Cité et qu'on a également appelé île du Palais et de l'Île Notre-Dame.
36 rues sont référencées par Guillot de Paris dans ce quartier
La rue du Sablon par m'ame
Puis rue Neuve-Nostre-Dame
En près est la rue à Coulons
D'iluec ne fu pas mon Cuer lons,
La ruele trouvai briement
De Saint-Christofle, et ensement
La rue du Parvis bien prés,
Et la rue du Cloistre aprés;
Et la Grant-rue Saint-Christofle:
Je vi, par le trelis d'un coffre
En la rue Saint-Père a Beus
Oisiaus qui avoient piez beus
Qui furent pris sus la marinne.
De la rue Sainte-Marine
En la rue Cocatris vins,
Ou l'en boit souvent de bons vins,
Dont maint homs souvent se varie.
La rue de la Confrarie
Nostre-Dame et en Charoui
Bonne taverne achiez ovri.
La rue de la Pomme assez tost
Trouvai, et puis aprèz tantost
Ce fu la rue as Oubloiers.
La maint Guillebert a braiés.
Marcé-Palu, la Juerie,
Et puis la petite Orberie,
Qui en la Juerie siet;
Et me samble que l'autre chief
Descent droit en la rue à Fèves
Par de ça la maison o Fèvre,
La Kalendre et la Ganterie
Trouvai, et la grant Orberie;
Aprèz, la Grant Bariszerie;
Et puis aprés, la Draperie
Trouvai et la Chaveterie,
Et la ruele Sainte-Crois
Ou l'en chengle souvent des cois,
La rue Gervese-Lorens,
Ou maintes Dames ygnorens
Y maingnent qui de leur quiterné;
En prés rue de la Lanterne,
En la rue du Marmouset
Trouvai i homme qui mu fet
Une muse corne bellourde.
Par la rue de la Coulombe
Alai droit o port Saint-Landri;
La demeure Guiart Andri:
Femmes qui vont tout le cheves
Maingnent en rue du Chevés
Saint-Landri est de l'autre part,
La rue de l'Ymage départ
La ruele[6], par saint Vincent,
En bout de la rue descent
De Glateingni, ou bonne gent
Maingnent et dames o cors gent
Qui aus hommes, si com moi semblent,
Volentiers charnelment assamblent.
La rue Saint-Denis-de-la-Chartre,
Ou pluseurs dames en grant chartre
Ont maint vis en leur con tenu,
Comment qu'ils soient contenu.
En ving en la Peleterie;
Mainte penne i vi esterie.
En la faute du pont m'asis;
Certes il n'a que trente-sis
Rues contables en Cité,
Foi que doi benedicité.
Quartier d'Outre-Grand-Pont
[modifier | modifier le code]Le quartier d'Outre-Grand-Pont comprenait toute la partie de Paris située au Nord de la Seine. Ce quartier reçu le nom de la Ville, sans doute à cause de l'Hôtel de ville qui s'y trouvait et qu'on appelle désormais Rive droite.
194 rues sont citées dans Le Dit des rues de Paris
Par deça Grant-Pont erraument
M'en ving, sachiez bien vraiement,
N'avoie alenas ne poinson.
Premiere, la rue o Poisson,
La rue de la Saunerie
Trouvai, et la Mesgneiscerie,
L'Escole et rue Saint-Germain
A Couroiers bien vint à main,
Tantost la rue à Lavendières
Ou il a maintes lavendières
La rue à Moingnes de Jenvau
Porte a à mont et porte à vau;
En prèz rue Jehan-Lointier;
Là ne fu-je pas trop lointier
De la rue Bertin-Porée,
Sanz faire nule eschaufourrée.
Ving en la rue Jehan l'Éveillier;
La demeure Perriaus Goullier.
La rue Guillaume Porée prés
Siet, et Maleparole em prés,
Ou demeure Jehan Asselin.
Parmi le Perrin Gasselin,
Et parmi la Hérengerie,
M'en ving en la Tableterie,
En la rue à Petis Soulers
De Basenne tout fu souilliés
Desrer ce ne mie fortune.
Par la rue Sainte-Oportune
Alai en la Charonnerie
Et puis en la Feronnerie;
Tantost trouvai la Mancherie,
Et puis rue de la Cordoüanerie;
Prèz demeure Henri Bourgaie
La rue Baudouin Prengaie
Qui de boire n'et pas lanier.
Par la rue Raoul l'Avenier
Alai o siège à Descarcheeurs;
D'iluec m'en alai tantost ciex
Un tavernier en la viez place
A Pourciaus; bien trouvai ma trace
Guillot qui point d'eur bon n'as,
Parmi la rue à Bourdonnas
Ving en la rue Thibaut a Dez.
Un hons trouvai en ribaudez :
En la rue de Béthisi
Entré, ne fu pas éthisi :
Assez tost trouvai Tirechape;
N'ai garde que rue m'eschape
Que je ne sache bien nommer,
Par non, sanz nule mesnommer,
Sanz passer guichet ne postis.
En la rue o Quains de Pontis,
Fis un chapia de violete;
La rue o Serf et Gloriete,
Et la rue de l'Arbre Sel,
Qui descent sus un biau ruissel,
Trouvai, et puis Col de Bacon,
Ou l'en a trafarcié maint con.
Et puis le Fossé Saint-Germain,
Trou Bernart trouvai main à main,
Part ne compaigne n'atendi;
Mon chemin a val s'estendi,
Par le Saint-Esperit, de rue
Sus la rivière en la Grant-rue
Seigneur, de la porte du Louvre;
Dames y a gentes et bonnes,
De leur denrées trop sont riche.
Droitement parmi Osteriche
Ving en la rue Saint-Honouré;
La trouvai-ge mestre Huré,
Les lui séant dames polies.
Parmi la rue des Poulies,
Ving en la rue Daveron;
Il y demeure un gentis-hon.
Par la rue Jehan-Tison
N'avoie talent de proier,
Mès, par la Crois-de-Tiroüer
Ving en la rue de Neele;
N'avoie tabour ne viele :
En la rue Raoul Menuicet,
Trouvai un homme qui mucet
Une femme en terre et en siet.
La rue des Estuves en près siet.
En près est la rue du Four :
Lors entrai en un Carefour,
Trouvai la rue des Escus;
Un homs a granz ongles locus
Demanda : Guillot, que fes-tu ?
Droitement de Chastiau Festu
M'en ving à la rue à Prouvoires,
Où il a maintes pennes vaires;
Mon cuer si a bien ferme veue.
Par la rue de la Croiz-Neuve
Ving en la rue Raoul-Roissole,
N'avoie ne plais ne sole.
La rue de Monmatre trouvé;
Il est bien seu et prové
Ma voie fut délivre et preste.
Tout droit par la ruelle e Prestre
Ving à la pointe Saint-Huitasse.
Droit et avant sui ma trace
Jusques en la Tonnelerie,
Ne sui pas cil qui trueve lie.
Mais par devant la Halle au Blé
Où l'en a mainte foiz lobé,
M'en ving en la Poisonnerie
Des Halles, et en la Formagerie.
Tantost trouvai la Ganterie,
A l'encontre est la Lingerie.
La rue o Fevre siet bien prés,
Et la Cossonnerie après.
Et por moi miex garder des halles,
Par desouz les avans des halles,
Ving en la rue à Prescheeurs,
La bui[7] avec frères meneurs
Dont je n'ai pas chière marie[8].
Puis alai en la Chanverie,
Asez prés trouvai Maudestour
Et le carrefour de la Tour,
Où l'en giète mainte sentence[9]
En la maison à dan[10] Sequence[11],[12].
Le Puis le carrefour depart[13] :
Jehan Pincheclou d'autre part
Demoura tout droit a l'encontre.
Or dirai sanz faire lonc conte[14] :
La Petite Truanderie
Et rues des Halles s'alie;
La rue au Cingne, ce me samble,
Encontre Maudestour assamble
Droit à la Grant-Truanderie.
Et Merderiau n'obli-je mie,
Ne la petite ruelete
Jehan Bingne, par Saint-Cler[15], surète[16],
Mon chemin ne fu pas trop rogue[17].
En la rue Nicolas Arode
Alai, et puis en Mauconseil;
Une Dame vi sus un seil[18]
Qui moult se portoit noblement;
Je la saluai simplement,
Et elle moi, par saint Loys!
Par la Saint rue Saint-Denis,
Ving en la rue As Ouës droit,
Pris mon chemin et mon adroit
Droit en la rue Saint-Martin,
Où j'oï chanter en latin
De Nostre Dame un si dous chans.
Par la rue des Petis Chans,
Alai droitement en Biaubourc,
Ne chassoie chièvre ne bouc :
Puis truis la rue à Jougleeurs
Con ne me tiengne à jengleeurs[19].
De la rue Gieffroi l'Angevin
En la rue des Estuves vin,
Et en la rue Lingarière,
Là où l'en a mainte plastriere
D'archal mise en œuvr pour voir[20]
Pluseurs gens pour leur vie avoir;
Et puis la rue Sendebours
La Trefilliére a l'un des bous,
Et Quiquenpoit que j'ai moult chier;
La rue Auberi-le-Bouchier,
Et puis la Conreerie aussi,
La rue Amauri-de-Roussi,
En contre Trousse-Vache chiet.
Que Diex gart qu'il ne nous meschiet.
Et la rue du Vin-le-Roy
Dieu grâce ou n'a point de desroy,
En la Viez-Monnoie par sens
M'en ving aussi con par à sens.
Au desus d'iluec un petit
Trouvai le Grant et le Petit
Marivaux, si comme il me samble
Li uns a l'autre bien s'asamble;
Au desous siet la Hiaumerie,
Et ases près la Lormerie,
Et parmi la Basennerie,
Ving en la rue Jehan-le-Conte.
La Savonnerie en mon conte
Ai mise : par la Pierre-o-Let
Ving en la rue Jehan-Pain-Molet
Puis truis la rue des Arsis;
Sus un siege un petit m'assis
Pour ce que le repos fu bon;
Puis truis les deux rues Saint Bon.
Lors ving en la Buffeterie,
Tantost trouvai la Lamperie
Et puis la rue de la Porte
Saint-Mesri : Mon chemin s'aporte
Droit en la rue à Bouvetins.
Par la rue à Chavetiers tins
Ma voie en rue de l'Estable
Du Cloistre, qui est honestable
De saint-Mesri, en Baillehoe,
Ou je trouvai plenté de boé,
Et une rue de renon,
Rue Neuve-Saint-Mesri a non.
Tantost trouvai la Cour Robert
De Paris; mes, par Saint Lambert !
Rue Pierre-o-Lart siet,
Et puis la Bouclerie aprés :
Ne la rue n'oublige pas
Symon-le-Franc. Mon petit pas
Alai vers la porte du Temple
Pensis, ma main de lez ma temple.
En la rue des Blans-Mantiaus
Entrai, où je vis mainte piaus
Metre en conroi, et blanche et noire;
Puis truis la rue Perrenele
De Saint-Pol, la rue du Plastre,
Ou maintes Dames leur emplastre[21],[22],
A maint compaignon ont fait batre
Ce me samble, pour eulz esbatre.
En près est la rue du Puis.
La rue à Singes après pris;
Contreval La Bretonnerie,
M'en ving plain de mirencolie;
Trouvai la rue des Jardins,
Où les Juys maintrent jadis;
O carrefour du Temple vins,
Où je bui plain henap de vin,
Pour ce que moult grant soif avoie[23].
Adonc me remis à la voie,
La rue de l'Abbeïe du Bec
Helouin trouvai par abec;
M'en alai en la Verrerie,
Tout contre val la Poterie.
Ving o carefour Guillori,
Li un dit ho, l'autre hari,
Ne perdi pas mon essien.
La ruelete Gencien
Alai, ou maint un biau varlet,
Et puis la rue Andri-Mallet.
Trouvai la rue du Martrai;
En une ruele tournai
Qui de Saint-Jehan voie a porte
En contre la rue à Deux Portes;
De la Viez Tiesseranderie,
Alai droit en l'Esculerie,
Et en la rue de Chartron,
Où mainte dame en chartre[24] ont
Tenu maint vit, par saint Norier[25].
En la rue du Franc-Monrier
Alai, et Vuiez-Cimetière
Saint-Jehan meisme en cetière.
Trouvai tost la rue du Bours
Tibout, et droit à l'un des bous
La rue Anquetil-le-Faucheur;
La maint un compains tencheeur.
En la rue du Temple alai
Isnelement sanz nul délai :
En la rue au Roy-de-Sezille
Entrai; tantost trouvai Sedile
En la rue Renaut-le-Fèvre
Maint, ou el vent et pois et feves.
En la rue de Pute-y-Muce,
M'en entrai en la maison Luce
Qui maint en rue de tyron,
Des Dames ymes vous diron.
La rue de l'Escouffle est près,
Et la rue des Rosiers près,
Et la Grant-rue-de-la-Porte
Baudeer, si con se comporte,
M'en alai en rue Percié.
Une femme vi destrecié
Pour soi pignier qui me donna
De bon vin. Ma voie adonna
En la rue des Poulies-Saint-Pou,
Et au-desus d'iluec un pou
Trouvai la rue à Fauconniers
Ou l'en trueve bien por deniers,
Femmes por son cors soulacier.
Parmi la rue du Figuier,
Et parmi la rue à Nonnains
D'Iere, vi chevaucher deus nains
Qui moult estaient esjoï[26];
Puis truis la rue de Joy,
Et la rue Forgier-l'Anier.
Je ving en la Mortelerie,
Où a mainte tainturerie.
La rue Ermeline-Boiliaue,
La rue Garnier-desus-l'Yaue
Trouvai, a ce mon cuer[27] s'atyre :
Puis la rue du Cimetire
Saint-Gervais, et puis l'Ourmetiau.
Sanz passer fosse ne ruissiau[28],
Ne sanz passer planche ne pont[29],
La rue a Moines-de-Lonc-Pont
Trouvai, et rue Saint-Jehan
De Grève, ou demeure Jouan,
Un homs qui n'a pas veue saine.
Prés de la ruele de Saine,
En la rue Sus la Rivière,
Trouvai une fausse estrivière;
Si m'en reving tout droit en Grève,
Le chemin de riens ne me greve;
Tantost trouvai la Tanerie,
Et puis après la Vanerie,
La rue de la Coifferie,
Et puis aprés la Tacherie,
Et la rue aus Commanderesses,
Ou il a maintes tencheresses,
Qui ont maint homme pris o brai.
Par le Carefour de Mibrai,
En la rue Saint-Jacque et ou Porce,
M'en ving, n'avoie sac ne poce;
Puis alai en la Boucherie,
La rue de l'Escorcherie
Tournai. Parmi la Triperie
M'en ving en la Poulaillerie,
Car c'est la derrenière rue
Et si siet droit sus la Grant-Rue.
Guillot si fait à tous savoir,
Que, par deça Grant Pont pour voir
N'a que deus cent rues mains sis;
Et en la Cité trente sis,
Outre Petit-Pont quatre vingt,
Ce sont dis mains de seize vingt,
Dedenz les murs non pas dehors.
Les autres rues ai mis hors
De sa rime, puisqu'il n'ont chief.
Ci vont faire de son Dit chief.
Guillot, qui a fait maint biaus dis,
Dit qu'il n'a que trois cent et dis
Rues à Paris vraiement.
Le dous Seigneur du firmament
Et sa trés douce chiere mere
Nous deffende de mort amere.
Notes et références
[modifier | modifier le code]Notes
[modifier | modifier le code]- Cette rue fut scindée en deux pour former la rue Mignon et la rue du Jardinet
Références
[modifier | modifier le code]- page LII et suivantes.
- Page 257 et suivantes.
- La Grande rue Saint-Germain-des-Prés devenue rue des Boucheries, rue de la Boucherie vers 1406 puis rue de la Porte Saint-Germain en 1604. Elle est absorbée lors de la construction du boulevard Saint-Germain
- De quelque façon qu'on le prenne
- Ètre : Jean de La Tynna indique qu'il faut y voir l’aitre, l’atrium ; c'est-à-dire une ruelle dont l'un des deux bouts tombe devant le parvis
- Le nom de la ruelle n'est pas indiquée, mais les diverses sources s'accordent comme étant probablement la Rue Haute-des-Ursins
- La bui = Je bus
- Dont je ne suis pas fâché
- Selon Jaillot, les sentences dont il est question ici, semblent être les plaintes contre les tributs injustes que l'on faisait payer pour les marchandises entrant à Paris
- Dan = dom, nom de respect pour monsieur
- Le sieur Séquence était chefcier de l'église Saint-Merri
- Définition de Chefcier
- Le puits sépare le carrefour
- faire lonc conte c'est faire une longue narration
- Manière de serment
- surète : un peu sûre
- Rogue = rude
- Le seil est un seuil de porte
- Con ne me tiengne à jengleeurs qu'on peut traduire par Qu'on ne me regarde pas comme railleur
- pour voir = Pour vrai
- Emplastre : Employé dans un sens obscène pour désigner la nature de la femme
- Auguste Scheler : Glossaire érotique de la langue française depuis son origine jusqu'à nos jours page 127
- Pour ce que moult grant soif avoie = Parce que j'avais une très grande soif
- Chartres se prend aussi pour prison, Carcer. Et d'autant que les prisons sont pleines de tristesses et langueurs, Chartre signifie en outre une maladie qui fait devenir la personne en langueur, ou par faute de nutriment, ou par abondance de mauvaises humeurs. Ainsi venir à tomber en chartre, c'est se alangourir, flaistrir, seicher, emmaigrir jusques aux os, Tabescere, Contabescere, Extabescere, Intabescere, Laborare atrophia, prins par metaphore de ceux qui sont detenus en prison, qui au long aller deviennent tels. Nicot, Thresor de la langue française (1606)
- Saint Norier n'existe pas.
Norier veut dire nourrir - Esjoï = joyeux
- cuer = cœur
- Sans franchir ni fossé ni ruisseau
- Ni franchir planche ni pont
Voir aussi
[modifier | modifier le code]Bibliographie
[modifier | modifier le code]- Guillot de Paris, Le Dit des rues de Paris avec préface, notes et glossaire par Edgar Mareuse.
- Étienne Barbazan, Crapelet, Méon, Joly de Fleury, Fabliaux et contes des poètes françois des XI, XII, XIII, XIV et XVe siècles, Tome 2.
- Jean de La Tynna, Dictionnaire topographique, étymologique et historique des rues de Paris.
- Jacques Hillairet, Dictionnaire historique des rues de Paris.
Articles connexes
[modifier | modifier le code]- Liste de rues médiévales du quartier du Chardonnet
- Liste des anciens noms de voies de Paris
- Quartier de la Cité
- Rues de Paris vers 1450
- Rues de Paris en 1636
Liens externes
[modifier | modifier le code]- Laurent Brun, « Guillot de Paris », sur Archives de littérature du Moyen Âge (Arlima), .
- Le Paris De Guillot avec plan et légende sur wikisource.
- Le dit des rues de Paris/Texte.