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Espoir français

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L'Espoir français est un réseau clandestin secret créé en au lendemain de la défaite de 1940 et démantelé en 1943. Il marque les prémices de la Résistance française.

Naissance de l'Espoir français (1940)

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En 1940, l'armistice n'était pas encore signé que déjà de longues files de prisonniers de guerre commencèrent à traverser Metz. Robert Granthil et ses scouts voulurent intervenir avec la Croix-Rouge. Mais les Allemands interdisaient toute aide directe. Granthil (né en 1922), entouré par Bion, Alfred Dehlinger (né en 1925), Robert Gatelet (né en 1924), tous élèves à l’école professionnelle de Metz, décidèrent de créer une association d’aide secrète appelée « Espoir français ».

Quelques autres étudiants, apprentis et jeunes ouvriers, patriotes et antinazis, adhèrent rapidement.

En , Granthil prend contact à Nancy avec le capitaine Kleinmann, qu’il connaît, et qui est devenu chef du réseau clandestin « URANUS ». Celui-ci récupère l'Espoir français, pour en faire un réseau de renseignements et d’action.

Activité de l'Espoir français (1941-1942)

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En à peine six mois d’activité, les membres de l'Espoir Français ont[1] :

  • aidé des prisonniers de guerre à s’évader
  • fourni des fausses cartes d’identité
  • indiqué quelles sections d’artillerie, de génie et d’infanterie étaient à Metz
  • communiqué des mouvements de troupes, des photos de casernes et de matériels
  • rapporté sur le terrain d’aviation de Frescaty et la DCA autour de Metz
  • informé sur les sociétés nationales socialistes et les personnes ennemies de la France, sur le moral de la population, sur les chemins de fer et les ateliers de réparation, et les difficultés d’approvisionnement de pièces pour machines et wagons
  • dérouté des wagons par divers moyens au triage du Sablon
  • engagé des volontaires pour l’armée de De Gaulle, et assuré leur départ
  • commencé à établir des dépôts d’armes
  • tiré des tracts appelant à rester fidèles à la Patrie française

Selon l’avis de l’expert militaire témoin devant la justice, les rapports étaient dans l’ensemble appropriés pour permettre à l’ennemi, que ce soit le gouvernement de Vichy ou l’armée de De Gaulle, d’établir d’importantes conclusions sur les mesures militaires allemandes. Réponse de Pistorius, Kriminalinspektor de la Gestapo, témoin au procès, à la question du président du tribunal :

« L’association était-elle importante ?
- Oui, car après les arrestations, nos services nous annoncèrent que les gens du cercle KAYSER étaient consternés : l’un d’eux déclara que c’était le plus mauvais coup qui pouvait leur arriver, car l’affaire était bien partie et fonctionnait bien. (Et encore. ils ne savaient pas tout !) »

C'est le Docteur Bricka qui assure le courrier entre Nancy et Lons-le-Saunier. Il est arrêté à Nancy le porteur d'un courrier contenant une quantité d'informations militaires et économiques importantes.

Vingt et une arrestations sont faites en Moselle par le Kriminal-Inspektor Pistorius, assisté par Charles Cridlig, interprète, ancien sous-officier français, condamné pour espionnage par la justice militaire française et trois courriers sont arrêtés en Meurthe-et-Moselle.

Fin de l'Espoir français (1943)

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Les quatre courriers arrêtés en Meurthe-et-Moselle, après une incarcération à Charles-III à Nancy, attendront leur jugement en N.N. au KZ d’Hinzert. Ils sont jugés à Trèves par le Volksgerichtshof 2e Senat le . Condamnés à mort tous les quatre, Gillant est gracié, car il avait auparavant sauvé un soldat allemand d’une noyade dans la Moselle. Paul Simmiger, le docteur Bricka et Roger Noël sont décapités à Cologne le .

Les vingt et un mosellans sont transférés à la prison de Sarrebruck les 11 et . Puis Roger Bour et Marcel Ney[2], devenus malades contagieux, sont transférés à la prison hôpital de Mannheim où Marcel décède le de tuberculose, à l’âge de dix-neuf ans.

Müller et Guehl (nés en 1925) s'évadent le . Ils réussissent à se réfugier en zone non occupée et rejoignent un maquis lors de l’occupation de cette zone. Puis s’engagent dans l’armée de libération.

Le jugement (1942-1943)

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Mi-, les 18 accusés reçoivent l'acte d'accusation daté du , du Volkgerichtshof.

Le , 15 accusés sont transférés à Deux-Ponts, pour être jugés à huis clos du au par le Tribunal du peuple de Berlin. Bour les rejoint, venant de la prison hôpital de Mannheim. Paul Simmiger vient du KZ Hinzert pour témoigner, mais ne dira rien pour accabler ses amis. Le verdict final, prononcé en public, devant leurs parents effarés et anéantis, des membres des Jeunesses hitlériennes et des curieux, est sévère.

  • Condamnation pour espionnage de guerre et haute trahison :
    • à mort : Geiger et Harter, car âgés de plus de 21 ans lors du jugement.
    • à de la prison : 10 ans pour Dehlinger, 8 ans pour Gatelet, encore mineurs.
  • Condamnation pour haute trahison :
    • à des peines de bagne : 10 ans pour François, 8 ans pour Houillon, Joly, Noël, Parisot, Wittmer, Sutter, Reinachter, 6 ans pour Tissier, 4 ans pour Weber, 3 pour Hoerdt, tous âgés de plus de 18 ans,
    • à des peines de prison, ceux qui ont moins de 18 ans : 6 ans pour Varini, 3 ans pour Bour
    • Lettler est déclaré innocent. Libéré, arrêté par Cridlig à sa sortie du tribunal, il est aussitôt embrigadé dans une unité spéciale SS : il tombera en Russie.

Épilogue (1943-1945)

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Transfert vers les prisons (1943)

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Prisons de Wittlich et de Rockenberg

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Dehlinger, Gatelet et Varini, mineurs, partent en transport pour la prison de Wittlich. Devant l'avance des armées alliées, la prison de Wittlich est évacuée par wagons de marchandises sur la prison de Rockenberg. Gatelet, qui vient de passer un mois au cachot, décède à Rockenberg le . Varini est atteint de typhus à la libération. Dehlinger est incorporé de force dans la Kriegsmarine.

Prison de Mannheim

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Bour rejoint la prison-hôpital de Mannheim. Il est libéré règlementairement le et plonge dans la clandestinité pour éviter d’aller dans un KZ.

Prison de Stuttgart

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Geiger et Harter partent vers Stuttgart le . Tous les mardis les exécutions ont lieu à la guillotine électrique dans la cour, devant les lucarnes occultées des cellules. Ils attendront jusqu'au pour apprendre que le Führer leur a accordé sa grâce. Le 43, ils arrivent à Ulm pour purger leurs dix ans de prison.

En , Geiger s'évade en compagnie de Hermann Debus, étudiant autrichien, condamné, comme lui, à mort et gracié à 10 ans. Debus et Geiger seront repris près d'Ehingen. Ramenés à Ulm, mis au bunker, tous deux se voient promis à l'exécution dès le retour du dossier envoyé pour avis à Stuttgart. Le , les troupes françaises occupent Ulm et les libère.

Prisons de Ensisheim et de Ludwigsburg

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Depuis Deux-Ponts, François, Hoerdt, Joly, Parisot, Weber aboutissent le à la prison d'Ensisheim. Ils y restent isolés en cellule, considérés comme N.N. Hoerdt est libéré à la fin de sa peine, Cridlig l’attend pour l’envoyer dans un KZ, il lui fausse compagnie et devient clandestin.

Fuyant l'avance des armées alliées, la prison d'Ensisheim est évacuée, François, Joly, Parisot, Weber arrivent à Ludwigsburg. Ils y retrouvent leurs camarades qui sont là depuis 1942, et Joly part en commando à Aischach.

Houillon, Noël, Reinachter, Sutter, Tissier, Wittmer se retrouvent à Ludwigsburg fin 1942.

La Libération (1945)

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Évacuation de la prison de Ludwigsburg

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Ludwigsburg est évacué le devant l'avancée des libérateurs. Le , dans la débâcle, Wittmer s'évade avec Tissier. Ils seront reçus à Strasbourg par le général Touzet du Vigier, commandant la place, qui facilitera leur retour à Metz.

Évacuation des autres prisons

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Tous les autres partent à pied le . Sutter s’évade du convoi. Les autres s'arrêtent à Ulm et après quelques jours, continuent vers Ravensburg où ils sont bombardés : Noël est blessé, Parisot tué. Noël et Reinachter sont libérés le à Raisholz. Houillon, Joly et Weber le sont à Aichach, commando de Dachau, le . François et Harter aboutissent à Dachau et sont atteints du typhus.

Le sort de Cridlig

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Quant à Cridlig : le , il se promène à Nancy et tombe nez à nez avec le frère de Lettler venu au ravitaillement. Lettler avise un policier qui passe, lui demande d'arrêter Cridlig. Cridlig est jugé à Metz et condamné à mort le . Pour obtenir une grâce, il dénonce les commissaires Mehl et Hirschoiegel de la Gestapo de Metz pour l'assassinat de deux aviateurs anglais en , rappelle qu'ils ont assisté aux exécutions sommaires de neuf jeunes gens dans la forêt de Longeville-lès-Saint-Avold, donne le lieu de la cachette de Hempen, le bourreau de Queuleu, dénonce à la BST divers agents doubles ayant occasionné des arrestations dans le groupe Mario et le groupe Derhan. Il est fusillé en au fort Miolis dans l'île Chambière à Metz, par un peloton du 146e RI, et inhumé dans le carré des suppliciés du cimetière de l'Est à Metz.

Notes et références

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  1. D’après les sources allemandes énumérées ci-dessous.
  2. aassdn.org Anciens des Services Spéciaux de la Défense Nationale
  • Office national des anciens combattants de la Moselle
  • Archives du Bureau "Résistance"; Réseau Espoir Français de Metz" de Jean Geiger (A.A.S.S.D.N.)
  • Bibliographie :
- Années noires de Bernard Le Marec, éd. Serpenoise, 1990 (p.250 ).
- L’Orage sur Metz, de René CHAMBER, Marius Mutele, 1948, Metz.
- Moselle et Mosellans dans la seconde guerre mondiale par Henri HIEGEL, Ed.: Serpenoise.
- Services spéciaux 1939-1945 par le colonel PAILLOLE
- Une histoire d’Honneur : la Résistance, par Pierre VITTORI.
- Le Service de renseignements : 1871-1944, par Henri NAVARRE.
- L'homme des services secrets : Paul PAILLOLE : entretiens avec AG. MINELLI.
- Montigny, cité cheminote, par Fernand LEROY, édité par UDESM 57006 Metz.
- L'Alsace dans les griffes nazies, tomes 2-3-4, par Charles BENE, imprimerie FETZER à Raon-l'Étape.
- Kursbuch fûr die Gefangenenwagen gültig vom 6 Oktober 1941 an..., éditions DUMJAHN, Mayence 1979.
- Internements et déportations en Moselle 1940-1945, par Marcel NEIGERT, METZ 1978, centre de recherches relations internationales de l'université de Metz, SA Paradis LUNEVILLE.
  • Sources allemandes :
- Décret du Führer concernant l'exercice du droit de grâce en Alsace, en Lorraine et au Luxembourg, du 29-5-1941.
- Oberreichsanwalt : Volksgerichtshof.
--acte d'accusation du 7-7-42 466/41g /78/42.
--Jugement du Volksgerichtshof 4° Sénat à Deux-Ponts du 30-9 au 2-10- 1942.
--Jugement du Volksgerichtshof 2° Sénat à Trèves du 27-01-1943.
--Rapport d'exécution de la peine de mort à l'encontre des citoyens français Marcel BRIKA et deux autres du .

Ausschuss für Deutsche Einheit.-Gestern Blutrichtern, heute Bonner Elite: Internationale Presse-Konferenz am in BERLIN.

  • Extraits de bulletins :
- de liaison de l'Amicale des anciens membres des services spéciaux de la Défense nationale N°168 et 169.
- trimestriel de l'Association nationale des cheminots déportés, internés et familles No l12 de juillet et 113 d'.
- l'écho des CVR : XII° Congrès national CVR 10-
- Causeries de Monsieur Albert BOSCH, directeur de l'école Pougin, sur le passé de MONTIGNY LES METZ (13° causerie.)
- « Alsace-Lorraine » Terre d’exception, par R. Granthil
  • Extraits de journaux :
- Clartés, Républicain lorrain, Est républicain, le Lorrain, surtout pour jugement de Charles CRIDLIG et pour confirmer les dates ;
- Cahiers du cercle Jean-Macé de METZ ;
- Nuit et brouillard : organe trimestriel du souvenir de la déportation NN, N°59,
  • Témoignages recueillis :
– écrits : d'Alfred DEHLINGER, Roger BOUR, André CLAUDEL, FRIDERICH Jean, André GILLANT, Robert GRANTHIL, Roger GRAVIER, Charles HOERDT, René HOUILLON, Fernand JOLY, Paul KINSCHE. André VARINI, CRIDLIG ;
– oraux : de COLLET Raymond, Gaston DINCHER, Pierre MULLER, Georges NOEL, François REINACHTER, André VARINI, Arthur WEBER, madame veuve Thérèse WEBER, ma cousine Charlotte ERHARDT, mon père, Auguste ZIEGLER, et surtout Alfred HARTER avec qui j'ai été en cellule pendant trois mois à STUTTGART.
  • Enregistrements sonores :
– d'André DICOP, 8, allée des Tilleuls 57530 LANDONVILLERS ;
– témoignages : ESPOIR FRANÇAIS : TRIBOUT "DE MOREMBERT", Charles HOERDT et Jean GEIGER (déposés aux archives départementales à Metz-Saint-Julien) ;
– d'André VARINI.

Articles connexes

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