Série harmonique
En mathématiques, la série harmonique est une série de nombres réels. C'est la série des inverses des entiers naturels non nuls : Elle tire son nom par analogie avec la moyenne harmonique, de la même façon que les séries arithmétiques et géométriques peuvent être mises en parallèle avec les moyennes arithmétiques et géométriques.
Elle fait partie de la famille plus large des séries de Riemann, qui sont utilisées comme séries de référence : la nature d'une série est souvent déterminée en la comparant à une série de Riemann et en utilisant les théorèmes de comparaison.
Définition
[modifier | modifier le code]Le terme général (un) de la série harmonique est défini par
- .
On appelle n-ième nombre harmonique (noté classiquement Hn) la n-ième somme partielle de la série harmonique, qui est donc égale à
- .
Divergence de la série harmonique
[modifier | modifier le code]Calcul des premiers termes
[modifier | modifier le code]En calculant les premières sommes partielles de la série harmonique, il apparaît que la suite de nombres obtenus est croissante, mais à croissance lente : on pourrait croire qu'il s'agit d'une série convergente.
Valeur de n | 1 | 2 | 3 | 4 | 5 | 6 | 7 | 8 | 9 | 10 | 11 | 12 | 13 | 14 | 15 | 16 | 17 | 18 | 19 | 20 |
---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
Valeur approchée de Hn | 1 | 1,5 | 1,8 | 2,1 | 2,3 | 2,5 | 2,6 | 2,7 | 2,8 | 2,9 | 3,0 | 3,1 | 3,2 | 3,25 | 3,32 | 3,38 | 3,44 | 3,49 | 3,55 | 3,60 |
En fait, la série harmonique diverge, ses sommes partielles tendent vers +∞.
Valeur de n | 10 | 102 | 103 | 104 | 105 | 106 | 107 | 108 | 109 |
---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
Valeur approchée de Hn | 2,9 | 5,2 | 7,5 | 9,8 | 12,1 | 14,4 | 16,7 | 19,0 | 21,3 |
Dans le tableau ci-dessus, à chaque fois qu'on multiplie la valeur de n par 10, il semble qu'on rajoute une constante à Hn, de l'ordre de 2,3 ≃ ln(10). Ce comportement apparent est de type logarithmique en n. C'est bien ce qu'on obtient en faisant une étude asymptotique plus poussée.
Démonstrations de divergence
[modifier | modifier le code]La première démonstration de la divergence de la série harmonique est due à Nicole Oresme, parue dans Questiones super geometriam Euclidis (1360)[1],[2]. Elle consiste à remarquer que :
- H4 = 1 + 12 + (13 + 14) ≥ 1 + 12 + (14 + 14) = 1 + 12 + 12
- H8 = 1 + 12 + (13 + 14) + (15 + 16 + 17 + 18) ≥ 1 + 12 + (14 + 14) + (18 + 18 + 18 + 18) = 1 + 12 + 12 + 12
et ainsi de suite, les H d'indice une puissance de 2 augmentant indéfiniment.
On peut aussi[3] montrer que la suite (Hn) tend vers +∞ en remarquant que pour tout n, H2n – Hn ≥ 12, donc que cette suite n'est pas une suite de Cauchy.
On peut également comparer la série harmonique à la série télescopique bien choisie, définie par :
- .
Alors est le terme général d'une série divergente, à termes positifs, donc par comparaison, la série harmonique diverge elle aussi.
On peut aussi montrer le résultat à l'aide de la méthode de comparaison série-intégrale (c'est un peu ce qui est caché, d'ailleurs, dans le choix « judicieux » de la série télescopique ci-dessus).
Développement asymptotique de Hn
[modifier | modifier le code]Tous les termes du développement asymptotique peuvent s'obtenir par exemple par la méthode de comparaison série-intégrale.
Équivalent de Hn
[modifier | modifier le code]On utilise l'encadrement suivant, lié à la décroissance de la fonction inverse :
En sommant de 1 à N l'inégalité de gauche et, pour celle de droite, en sommant de 2 à N et en ajoutant 1, on arrive à :
Puis, en calculant les deux membres et en constatant qu'ils sont tous deux équivalents à ln N, on obtient :
Second terme du développement asymptotique
[modifier | modifier le code]La suite (Hn – ln n) admet une limite finie qui est traditionnellement notée avec la lettre grecque γ et appelée constante d'Euler-Mascheroni. On a donc la formule d'Euler[3] :
Les six premiers chiffres du développement décimal de la constante d'Euler sont :
Termes suivants du développement asymptotique
[modifier | modifier le code]La méthode est détaillée dans l'article comparaison série-intégrale et généralisée à d'autres séries (obtenant la formule d'Euler-Maclaurin). On peut également obtenir ces termes en utilisant le théorème de sommation des relations de comparaisons. Les premiers termes du développement sont
Série harmonique alternée
[modifier | modifier le code]Alors que les termes de la série harmonique sont tous positifs, on se propose ici de faire alterner les signes de la série. Le terme général (un) de la série harmonique alternée est défini par
C'est donc une variante de la série harmonique[4]. L'alternance des signes change tout puisque cette série converge, par le critère de convergence des séries alternées. On peut se servir de la formule d'Euler ci-dessus pour redémontrer sa convergence et déterminer sa somme[3],[5] :
Cette série n’est cependant que semi-convergente, et l’on peut, d’après le théorème de réarrangement de Riemann, la rendre divergente, ou la faire converger vers n’importe quel réel, en changeant l’ordre de ses termes.
Quelques propriétés des nombres harmoniques
[modifier | modifier le code]Les seuls nombres harmoniques décimaux sont H1 = 1, H2 = 1,5 et H6 = 2,45.
Pour tout nombre premier p ≥ 5, le numérateur de Hp–1 est divisible par p2.
Pour plus de propriétés, voir l'article détaillé.
Applications
[modifier | modifier le code]La série harmonique apparaît dans de nombreux problèmes de mathématiques récréatives, où sa lente divergence amène à des résultats contre-intuitifs, voire paradoxaux.
Dans le problème d'empilage de blocs, un calcul soigné montre qu'il est théoriquement possible d'empiler une arche formée de dominos identiques pour obtenir un surplomb aussi large qu'on veut, le surplomb obtenu à partir de dominos de longueur 2 étant le -ème nombre harmonique [6],[7]
De même, dans le problème de la fourmi sur un élastique, alors que la fourmi avance à un centimètre par minute, et que l'élastique mesurant au départ un mètre, est étiré d'un mètre par seconde, la fourmi atteindra néanmoins finalement l'autre extrémité : la fraction de ruban qu'elle parcourt en n secondes est , et la série étant divergente, ce nombre finira nécessairement par dépasser 1 (cependant, le temps de traversée est démesurément long, de l'ordre de e6000 secondes, soit plus de 102000 années).
La série harmonique apparaît également dans le problème de la traversée du désert, où une jeep doit traverser un désert en ayant la possibilité de faire des dépôts de carburant sur son trajet ; la distance pouvant être parcourue est aussi grande qu'on veut, mais le nombre de dépôts (et la quantité de carburant consommée) croît exponentiellement avec la distance.
Notes et références
[modifier | modifier le code]- (en) Victor J. Katz (dir.), Sourcebook in the Mathematics of Medieval Europe and North Africa, Princeton University Press, (lire en ligne), p. 184.
- (en) Eli Maor, To Infinity and Beyond : A Cultural History of the Infinite, Princeton University Press, (lire en ligne), p. 26.
- Voir par exemple le lien ci-dessous vers l'exercice corrigé de Wikiversité sur la série harmonique.
- La série harmonique alternée est parfois définie comme de terme général : Elle converge alors vers ln(2).
- On peut aussi utiliser la série de Mercator en x = 1 : .
- (en) Ronald Graham, Donald E. Knuth et Oren Patashnik, Concrete Mathematics, Addison-Wesley, , 258–264 p. (ISBN 978-0-201-55802-9)
- (en) R. T. Sharp, « Problem 52: Overhanging dominoes », Pi Mu Epsilon Journal, vol. 1, no 10, , p. 411–412 (lire en ligne)
Voir aussi
[modifier | modifier le code]Articles connexes
[modifier | modifier le code]Bibliographie
[modifier | modifier le code]- (en) R. P. Boas, Jr. et J. W. Wrench, Jr. (en), « Partial sums of the harmonic series », The American Mathematical Monthly, vol. 78, no 8, , p. 864-870 (JSTOR 2316476, lire en ligne)
- (en) Paul Erdős et Ivan Niven, « On certain variations of the harmonic series », Bull. Amer. Math. Soc., vol. 51, , p. 433-436 (lire en ligne)
- (en) Paul Erdős et Ivan Niven, « Some properties of partial sums of the harmonic series », Bull. Amer. Math. Soc., vol. 52, , p. 248-251 (lire en ligne)