Dikerogammarus villosus
Règne | Animalia |
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Embranchement | Arthropoda |
Sous-embr. | Crustacea |
Classe | Malacostraca |
Ordre | Amphipoda |
Famille | Gammaridae |
Genre | Dikerogammarus |
La crevette tueuse (Dikerogammarus villosus) ou gammare du Danube est une espèce de crustacés amphipodes originaire du bassin ponto-caspien. C'est un prédateur qui tend à devenir rapidement dominant là où il est naturellement présent et qui présente un caractère envahissant là où il a été introduit ou dans les zones proches qu'il a colonisées. Il peut éliminer les espèces natives de gammares, ainsi que d'autres espèces exotiques[1].
Cette espèce est surtout étudiée depuis l'an 2000 à la suite d'un phénomène d'invasion biologique dans divers bassins-versants d'Europe de l'Ouest où elle peut atteindre des densités importantes (60 à 9 000 individus par mètre carré[2]).
Dans le réseau trophique, des analyses isotopiques laissent penser que D. villosus occupe la même niche écologique qu’un poisson benthivore.
Description
[modifier | modifier le code]Mesurant jusqu'à 31 mm (contre 1,84 mm pour la larve à l'éclosion) il est nettement plus grand que les gammares de type pulex. Il est également caractérisé par un polymorphisme de pigmentation[3] et on peut le différencier des autres gammares par deux petites épines dorsales sur les derniers segments de la carapace, une par segment, perpendiculaire à la carapace.
La maturité sexuelle est atteinte à partir d'une taille de 6 mm soit entre 2 et 3 mois[4].
Fécondité : 27.3 œufs par femelle en France, contre 19 à 70 selon la littérature, avec 6 à 94 œufs par ponte, pouvant produire 3 générations par an en Europe de l'Ouest[5], chaque génération nécessitant 1 an pour accomplir son cycle (selon les données du programme Invabio, et 6 mois selon la littérature).
Habitat
[modifier | modifier le code]Il semble préférer les courants faibles ou moyens. On l'a trouvé dans presque tous les types d'habitats de lacs et grandes rivières de l'épipotamon à l'estuaire sauf sur un substrat totalement sableux. En laboratoire, après une phase d'adaptation, il s'est montré capable de vivre dans une eau saumâtre. La salinité de son habitat étant de 8 à 12 dans la nature en Europe de l'Ouest hors de sa zone d'origine, elle semble être optimalement de 10 en laboratoire[6] mais grimpe à 20 après acclimatation.
Alimentation
[modifier | modifier le code]L'espèce est considérée comme prédatrice, elle est avant tout omnivore et peut également consommer toute sorte de nourriture comme des algues, du biofilm et des débris organiques[7]. Sa prédation s'exerce sur une grande variété de macroinvertébrés aquatiques[8]. Quand il est présent en fortes densités, il peut altérer la composition, la structure et le fonctionnement de l’écosystème.
Espèce invasive
[modifier | modifier le code]Il est considéré comme invasif[9] dans diverses régions (Lac Léman en Suisse par exemple[10]) et nuisible à la suite de son introduction récente et involontaire hors de son aire naturelle de répartition (l'isthme ponto-caspien qui a pourtant été utilisé dès l'Antiquité pour la circulation de marchandises). D. villosus a voyagé vers le sud en colonisant d'abord le Danube aval puis le Danube moyen[11]. L’espèce a ensuite été trouvée dans le Haut-Danube en 1992[12] et peu de temps après (1994) dans le Rhin[13],[14].
Le Canal Rhin-Main-Danube est un des axes qui lui ont permis de coloniser de nouveaux territoires.
En France[15], il aurait été signalé pour la première fois en 1996 (dans la Moselle)[16] qui semble avoir été rapidement colonisée, probablement par le biais de péniches. L'espèce a alors très rapidement dominé les communautés d’autres amphipodes du cours d'eau[17]. La colonisation du reste du pays semble ensuite avoir été très rapide : en 2003 il semblait déjà présent dans tous les grands bassins hydrographiques (sauf peut-être dans celui de la Garonne). Cette espèce relativement ubiquiste a également colonisé de nombreux lacs et étangs ce qui laisse suggérer que l'espèce pourrait être dispersée sur de courtes distances (par des oiseaux peut-être). Elle a été trouvée en 2007 dans le lac du Bourget[18].
L'espèce a également atteint les îles britanniques à l'été 2010, repérée par des pêcheurs à la ligne au plan d'eau de Grafham Water dans la région de Cambridge (nord de Londres)[19].
Impacts écologiques
[modifier | modifier le code]En France Dikerogammarus villosus semble avoir un impact négatif sur les autres espèces de crustacés amphipodes et isopode des zones où il a été introduit ou qu'il a colonisées et d’autres espèces de gammares phylogéténiquement plus éloignés de G pulex semblent en difficulté face à ce nouvel arrivant, au moins là où il développe des populations importantes.
Génétique
[modifier | modifier le code]Selon la littérature, sa variabilité génétique est faible[20].
Voir aussi
[modifier | modifier le code]Références taxinomiques
[modifier | modifier le code]- (en) Référence BioLib : Dikerogammarus villosus (Sowinsky, 1894)
- (en) Référence Fauna Europaea : Dikerogammarus villosus (Sowinsky, 1894) (consulté le )
- (en) Référence NCBI : Dikerogammarus villosus (taxons inclus)
- (en) Référence WoRMS : espèce Dikerogammarus villosus (Sowinsky, 1894)
Lien externe
[modifier | modifier le code]- Document de S. Jacquet (Hydrobiologie, lacs)
Bibliographie
[modifier | modifier le code]- Barnard, J.L. & Barnard C.M. (1983): Freshwater Amphipoda of the world I. Evolutionary patterns. II. Handbook and bibliography. - Hayfield Associates (éditeur) 717p.
- Cărăuşu, S., Dobreanu, e. & Manolache, C. (1955): Amphipoda. - Fauna Republicii Populare Romîne. - Vol. 4.
- Musko, I.B. (1993): The life history of Dikerogammarus haemobaphes (EICHW.) (Crustacea: Amphipoda) living on macrophytes in Lake Balaton (Hungary). - Archiv für Hydrobiologie 127: 227-238.
- Devin, Mémoire de thèse, 2003 (avec d'autres éléments sur la tolérance de cette espèce à la salinité).
Notes et références
[modifier | modifier le code]- DICK, J.T.A. & PLATVOET, D. (2000): Invading predatory crustacean Dikerogammarus villosus eliminates both native and exotic species. - Proceedings of the Royal Society of London - Series B: Biological Sciences 267: 977-983
- Programme Invabio
- Devin et al. 2004
- PISCART, C., DEVIN, S., BEISEL, JN. & MORETEAU JC(2003): Growth-related life-history traits of an invasive gammarid species: evaluation with a Laird-Gompertz model - Canadian Journal of Zoology 81: 2006-2014
- Données Invabio
- BRUIJS, M.C.M., KELLEHER, B., VAN DER VELDE, G. & BIJ DE VAATE, A. (2001): Oxygen consumption, temperature and salinity tolerance of the invasive amphipod Dikerogammarus villosus: indicators of further dispersal via ballast water transport. - Archiv für Hydrobiologie 152: 633-646
- MAAZOUZI C., PISCART, C., PIHAN J.C. & Masson G. (2009 ). Effect of habitat-related resources on fatty acid composition and body weight of the invasive Dikerogammarus villosus in an artificial reservoir. Fundamental and Applied Limnology 175: 327-338
- DICK, J.T.A., PLATVOET, D. & KELLY, D.W. (2002): Predatory impact of the freshwater invader, Dikerogammarus villosus (Crustacea: Amphipoda). - Canadian Journal of Fisheries and Aquatic Sciences 59: 1078-1084
- Document de l'Université de Metz (programme Invabio, de recherche soutenu par le ministère de l’Écologie et du Développement Durable/cadre : appel d’offres Invasions Biologiques (2003-2006)
- BOLLACHE L. 2004. Dikerogammarus villosus (Crustacea: Amphipoda): another invasive species in Lake Geneva. Revue Suisse de Zoologie. 111: 309-313
- Sporka, F. (1999): First record of Dikerogammarus villosus (Amphipoda, Gammaridae) and Jaera istri (Isopoda, Asselota) from the Slovak-Hungarian part of the Danube River. - Biologia 54: 538
- Nesemann et al. 1995 cité par le programme Invabio (Voir)
- BIJ DE VAATE, A. & KLINK, A.G. (1995): Dikerogammarus villosus SOWINSKY (Crustacea: Gammaridae) a new immigrant in the Dutch part of the Lower Rhine. - Lauterbornia 20: 51-54
- BIJ DE VAATE, A., JAZDZEWSKI, K., KETELAARS, H.A.M., GOLLASCH, S. & VAN DER VELDE, G. (2002): Geographical patterns in range extension of Ponto-Caspian macroinvertebrates species in Europe. - Canadian Journal of Fisheries and Aquatic Sciences 59: 1159-1174.
- BOLLACHE L., Devin S., Wattier R., Chovet M., Beisel J. N., Moreteau J. C. & Rigaud T. 2004. Rapid range extension of the Ponto-Caspian amphipod Dikerogammarus villosus in France: potential consequences. Archiv für Hydrobiologie. 160: 57-66
- Devin et al. 2001 cité par le programme Invabio
- Devin et al. 2001, cité par le programme Invabio
- Michał Grabowski, Karolina Bącela and Remi Wattier. 2007. Dikerogammarus villosus (Sowinsky, 1894) (Crustacea, Amphipoda) colonizes next alpine lake – Lac du Bourget, France. Aquatic Invasions 2 : 268-271
- AFP, « GB: une "crevette tueuse" identifiée », Le Figaro, (lire en ligne , consulté le ).
- MÜLLER, J., SCHRAMM, S. & SEITZ, A. (2002): Genetic and morphological differentiation of Dikerogammarus invaders and their invasion history in Central Europe. - Freshwater Biology 47: 2039-2048