Faille
En géologie, une faille est une structure tectonique consistant en un plan ou une zone de rupture le long duquel deux blocs rocheux se déplacent l'un par rapport à l'autre. Ce plan divise un volume rocheux en deux compartiments qui ont glissé l'un par rapport à l'autre dans un contexte de déformation fragile. Ce déplacement et la déformation cisaillante sont dus aux forces exercées par les contraintes tectoniques, qui résultent de la tectonique des plaques ou à la force gravitaire (instabilité gravitaire). La valeur du déplacement est le rejet de faille.
Le langage touristique emploie souvent à tort le mot faille pour désigner des diaclases, fissures sans décalage des compartiments. La fracture est un terme plus général désignant toute cassure avec ou sans rejet, de terrains, de roches, voire de minéraux.
Les failles existent depuis l'échelle microscopique (millimétrique) jusqu'à celle des plaques tectoniques (plusieurs centaines de kilomètres). Les grandes failles se trouvent aux limites de plaques et aussi au sein des zones déformées intraplaques. Les failles plus modestes sont souvent masquées par le couvert végétal ou les formations superficielles.
De façon simplifiée et de manière pratique, les sismologues distinguent[1] : les failles inactives (aucun mouvement depuis plusieurs milliers d'années[note 1] et qui a priori n'en engendreront pas de nouveau), les failles actives (en) asismiques (ayant subi un mouvement récent, elles ne génèrent aucun séisme ou ont une sismicité diffuse de très faible magnitude, leur vitesse de glissement annuel étant de l'ordre millimétrique ou inframillimétrique) et les failles actives sismogènes qui sont responsables de la majorité des tremblements de terre. Ceux-ci sont dus au glissement rapide (quelques secondes à quelques dizaines de secondes) sur le plan de faille lors du brusque relâchement des contraintes accumulées de façon élastique pendant une longue période intersismique. En réalité, la complexité d'une faille qui montre des relais et des portions diverses (actives, asismiques et inactives), interdit d'appliquer des modèles simples explicatifs.
Les failles conjuguées résultent d’une même contrainte. Elles peuvent être synthétiques ayant le même sens qu’une autre faille plus importante servant de référence, ou antithétiques ayant un sens opposé à une autre faille plus importante servant de référence.
Terminologie
Origine du terme
Faille est un déverbal de l'ancien français faillir, littéralement « manquer », terme utilisé par les mineurs du Nord-Est de la France lorsqu'il ne trouvaient plus le filon ou la couche qu'ils exploitaient. Ils disaient alors que cette couche avait « failli », c'est-à-dire qu'elle manquait car elle avait été décalée par une discontinuité[2].
Nomenclature relative aux failles
Il existe toute une terminologie autour de la faille[6] :
- Champ de failles : recoupement de failles dans plusieurs directions dans un secteur donné
- Compartiments : blocs rocheux séparés par une faille, l'un est « soulevé », l'autre « affaissé »
- Cosismique : mouvement sur la faille lors du séisme, qui montre souvent plusieurs zones de glissement dont la répartition spatiale est contrôlée par les variations de résistance de la faille
- Crochon de faille : courbure brusque des couches au contact d'une faille, la torsion de ces couches s'effectuant en sens inverse du déplacement des deux compartiments
- Dislocation : déplacement moyen des deux blocs le long de la faille, appelé aussi coulissage, glissement ou glissement cosismique
- Escarpement de faille : talus entre les deux blocs, donné par le jeu de la faille[note 2]
- Faisceau de failles : ensemble de failles ayant globalement la même direction (failles parallèles ou subparallèles) dans un secteur donné
- Jeu : mouvement qui déplace les lèvres d'une faille l'une par rapport à l'autre (on dit que la faille joue)
- Lèvres : Surfaces de contact engendrées par la cassure sur chacun des bloc séparés
- Miroir de faille : section du plan de faille ayant subi par frottement un polissage mécanique ou affecté de stries, de rayures, de cannelures orientées dans le sens du déplacement. Morphologiquement, il s'agit de la partie visible en surface du plan de faille, souvent recristallisée
- Plan de faille : surface de glissement, verticale ou oblique, d'un compartiment par rapport à l'autre
- Regard : côté vers lequel plonge la lèvre du compartiment soulevé
- Rejet de faille : ampleur du déplacement relatif d'un compartiment par rapport à l'autre le long du plan de faille
- Rejeu : réactivation d'une faille ancienne (dans le même sens ou un autre sens) qui présente une seconde dénivellation.
Types de failles
Suivant le type de mouvement relatif, on définit trois principaux types de failles : faille normale, faille inverse, décrochement.
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Les 3 principaux types de failles qui correspondent aux trois types de mouvements tectoniques (transformant, divergent, convergent). Ce bloc-diagramme masque deux faits : bon nombre de failles sont composites et ont ces trois composantes ; les failles visibles sont rares par rapport aux failles aveugles qui ne se traduisent par aucun décalage en surface.
Faille normale
Une faille normale accompagne une extension ; le compartiment au-dessus de la faille ("toit") descend par rapport au compartiment situé en dessous de la faille ("mur"). La géométrie obtenue entre des failles normales de pendage convergent opposé est appelée graben. L'inverse (faille normale de pendage divergent opposé) correspond à un horst.
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Faille normale en bordure de Þingvellir (Islande).
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Animation.
Faille inverse
Une faille inverse, ou chevauchement accompagne une compression ; le compartiment au-dessus de la faille ("toit") monte par rapport au compartiment situé en dessous de la faille ("mur").
Décrochement
Un décrochement accompagne un mouvement de coulissage essentiellement horizontal ; les décrochements purs (faille verticale et déplacement horizontal) ne s'accompagnent d'aucun mouvement vertical. Les décrochements peuvent être dextres ou sénestres, suivant que le compartiment opposé à l'observateur se déplace vers la droite ou la gauche (respectivement).
Reliefs de failles
Le rôle géomorphologique des failles peut être direct (le relief traduit l'ampleur de la dénivellation verticale), indirect (l'érosion différentielle exploite les différences de dureté des roches de part et d'autre du plan de faille), direct et indirect (le relief résulte du jeu combiné de la tectonique et de l'érosion différentielle). Il résulte de ces différencers des types variés de reliefs de faille, avec ou sans[note 3] escarpement. L'influence de la structure faillée sur le réseau hydrographique peut être caractérisée par l'adaptation à cette structure (une vallée installée à l'emplacement de la faille sera dite vallée de ligne de faille)[note 4] ou l'inadaptation, soit par l'antécédence (le cours d'eau précède le jeu de la faille) soit par l'épigénie ou surimposition (le cours d'eau passe au-dessus de l'escarpement remblayé après l'avoir entaillé). Lorsque la faille met en contact des roches différentes, elle peut se traduire par une véritable dissociation entre les paysages, avec des variations en termes de végétation, de pratiques agricoles[7].
Relations hydrogéologiques et géochimiques
En surface, les failles et faillettes interfèrent fortement avec la circulation horizontale et verticale de fluides (eau minéralisée, entre autres) dans le sol (en surface et jusqu'à plusieurs mètres de profondeur) ainsi qu'avec le système racinaire des plantes et surtout des arbres dont certaines racines peuvent être retrouvées jusqu'à plusieurs dizaines de mètres de profondeur. On trouve parfois l'équivalent d'une véritable toile racinaire dans le plan d'une faille, jusqu'à plusieurs mètres de profondeur parfois. Dans les roches carbonatées (calcaires), les racines produisent des acides organiques qui leur permettent de dissoudre la roche et d'éviter le colmatage éventuel des fracturations de la roche par une (re)cristallisation du calcium dissous.
Localement des biofilms bactériens ou des concrétions ferrugineuses (dans un grès ferrugineux par exemple) peuvent se former.
Même en profondeur, les failles peuvent être le lieu d'une circulation préférentielle de l'eau, plus ou moins verticale. Ainsi, les mineurs détectaient-ils souvent l'approche d'une faille (dans un filon de charbon) par une augmentation des infiltrations et des suintements à travers les roches du gisements[8].
Les failles sont également fréquemment associées à des minéralisations (calcite, quartz, chlorite, épidote, hématite, etc) suivant les conditions minéralogiques et thermiques. Le broyage associé au mouvement forme des brèches de faille (incohésives), des cataclasites (cohésives) ou des véritables gouges de faille (argiles de faille formées par friction tectonique).
Relation avec les séismes
Des failles peuvent résulter de tremblement de terre, ou modifier les mouvements de la roche en cas de séismes. Inversement, les séismes tectoniques sont le résultat de mouvements sur une faille préexistante, dont les contraintes de blocage se sont suffisamment accumulées pour excéder la résistance des roches.
La rupture et le glissement le long de la faille s'accompagnent d'un tremblement de terre. Le potentiel sismogène d'une faille est évalué par le taux de déformation dans la zone de faille, la magnitude maximale et le temps de récurrence (période de retour). Dans les cas relativement rares de glissement libre, apparemment asismique (sur les temps d'observation humaine), on parle de fluage, de mouvement de convergence, ou encore de séisme lent.
Le mécanisme de rupture d'une faille sismogène comprend 3 stades (notion de « cycle sismique »)[11] :
- Accumulation de contraintes au niveau de la faille qui est bloquée
- Initialisation de la rupture (modèle de la nucléation qui prend en compte la déformation élastique puis plastique lorsque le seuil d’élasticité est dépassé, enfin rupture)
- Fin de la rupture sismique (quelques secondes plus tard).
On représente en général le mouvement de la faille à la source du séisme par une projection stéréographique, le mécanisme au foyer.
Par des calculs de lois d'échelle sur de nombreux séismes, les sismologues établissent des relations statistiques entre la longueur de la rupture, la valeur de la dislocation sur une faille (exprimé en m)[note 5], la durée de la rupture et la magnitude d'un séisme notée Mw (associée à l'énergie sismique libérée lors de la rupture de la faille[note 6] à l'origine du séisme)[13],[14] :
Mw | Longueur de la rupture[note 7] (km) | Déplacement sur la faille (m) | Durée de la rupture[note 8] (s) | Nombre de séismes par an dans le monde |
---|---|---|---|---|
9 | 800 | 8 m | 250 | 1 tous les 10 ans |
8 | 250 | 5 m | 295 | 1 |
7 | 50 | 1 m | 15 | 10 |
6 | 10 | 0,2 | 3 | 100 |
5 | 3 | 0,05 | 1 | 1 000 |
4 | 1 | 0,02 | 0,3 | 10 000 |
Association des longueurs, profondeur, épaisseur, complexité
Dimensions
Il existe une relation entre :
- la longueur de la faille (en carte)
- la profondeur de la faille
- le mouvement total sur cette faille
- l'épaisseur de la zone fracturée
On peut souvent considérer qu'une faille longue d'environ 10 km affecte une épaisseur de roche d'un kilomètre environ, pour un mouvement total hectométrique (~100 mètres) et une épaisseur de la fracturée décamétrique (~10 mètres). Cette relation géométrique est néanmoins très variable suivant le contexte et le type de faille [réf. nécessaire].
Structures associées à une déformation cassante
Transition cassant-ductile
La transition entre la déformation ductile, continue et la déformation cassante (discontinue, faille) dépend de la vitesse de déformation, de la minéralogie de la roche encaissante et de la structure de la roche (présence ou non d'anisotropies).
Il est classiquement admis que la transition ductile-cassant se situe vers 15 km de profondeur pour le granite[15].
La transition cassant-ductile se fait à une température de 100 °C pour l'argile, 250 °C pour le calcaire, 450 °C pour le granite, 550 °C pour le gabbro et 650 °C pour la péridotite. Elle se fait donc à environ 4 km de profondeur pour les roches sédimentaires, 15 km pour le granite et 60 km pour la péridotite.
Notes et références
Notes
- « En fonction du contexte sismotectonique, la période examinée pour statuer de l’activité d’une faille est variable : dans les zones très actives, la pratique conduit à prendre en compte une période limitée aux 10 000 dernières années, tandis que dans les zones peu actives (comme la France métropolitaine par exemple), des périodes plus longues (de quelques centaines de milliers à quelques millions d’années) sont considérées nécessaires pour révéler de façon fiable la potentielle activité des failles et couvrir la durée nécessaire à l’accumulation puis le relâchement de la contrainte tectonique ». cf. « Risque sismique et installations nucléaires », sur irsn.fr (consulté le ).
- L'érosion peut faire reculer ce relief, voire l'atténuer (escarpement de ligne de faille), le niveler, ou l'inverser (escarpement de ligne de faille inversé ou rajeuni s'il a été recouvert par des dépôts).
- L'absence d'escarpement s'explique par la fossilisation ou le nivellement de failles.
- De telles vallées s'observent dans l'ouest du Morvan.
- Déplacement le plus souvent déduit de la mesure des ondes sismiques car les ruptures de failles atteignent rarement la surface, d'où leur observation directe difficile.
- Lors de cette rupture, l'énergie potentielle stockée dans la croûte terrestre est relâchée sous forme d’énergie sismique radiée ER (énergie des ondes sismiques), d’énergie de fracture EG et surtout d’énergie de friction EF sous forme de chaleur (une fusion par friction peut conduire à un remplissage local par des pseudotachylites dans la croûte supérieure fragile ou la croûte inférieure ductile, ou encourager le glissement par lubrification de la faille). Ce bilan énergétique, représenté en fonction du déplacement, montre qu'à l'initiation du séisme, la contrainte sur la faille, σ0, chute jusqu’à une valeur constante σf. Cette chute « est de l'ordre d'une dizaine de bars, associée à des déformations de quelque 1 pour 100 000 des roches au voisinage de la faille, soit quelques mètres sur une distance de 100 kilomètres ». En moyenne 20 à 30 % de l'énergie se propage au loin sous forme d'ondes sismiques (ce rapport entre l'énergie des ondes et l'énergie totale est appelé rendement sismique[12].
- La longueur de faille ne doit pas être confondue avec la longueur de la rupture qui se propage rarement sur toute la faille. On observe généralement le déplacement de segments de faille. Elle ne doit pas être également confondue avec la profondeur de la faille. Les sismologues distinguent conventionnellement les séismes en trois classes suivant la profondeur de leur foyer : les séismes superficiels (0-33 km), les séismes intermédiaires (33-70 km), les séismes profonds (70-800 km). Les foyers peuvent atteindre 800 km dans certaines zones de subduction. Au-delà, plus aucun élément du manteau lithosphérique ne peut être cassant et subir une rupture. La majorité des séismes sont superficiels et se produisent à une profondeur de 10 km, au niveau des frontières divergentes (dorsales médio-océaniques, failles transformantes, rifts continentaux) ou convergentes (zones de subduction). Pour des événements de magnitude au moins égale à 5,5, la rupture de faille atteint la surface du sol et y induit un mouvement d'escarpement ou de coulissage.
- La durée de la rupture ne doit pas être confondue avec la durée de la secousse sismique, cette dernière étant généralement plus longue. La vitesse de rupture est très rapide (3 km/s, soit 10 800 km/h). Quand la faille est longue, cela représente un temps de rupture non négligeable, d'autant plus que le front de rupture se propage à des vitesses différentes selon la résistance des matériaux traversés.
Références
- Le Goff B., Bertil D., Lemoine A ., Terrier M., « Systèmes de failles de Serenne et de la Haute-Durance : évaluation de l'aléa sismique », sur InfoTerre, (consulté le ).
- Alain Foucault et Jean-François Raoult, Dictionnaire de Géologie - 7e édition, Dunod, , p. 133
- (en) Jonathan Saul Caine, James P. Evans, Craig B. Forster, « Fault zone architecture and permeability structure », Geology, vol. 24, no 11, , p. 1025–1028 (DOI 10.1130/0091-7613(1996)024<1025:FZAAPS>2.3.CO;2).
- Cataclasites, gouges (en), mylonites.
- Pierre Thomas, « Miroir de faille décrochante : faille du Vuache, la Petite Balme, Sillingy (Haute Savoie) », sur ens-lyon.fr, .
- Fernand Joly, Glossaire de géomorphologie, Armand Colin, , p. 40
- Bernard Delcaillau, Géomorphologie. Interaction Tectonique - Érosion - Sédimentation, Vuibert, , p. 103-109.
- Alfred Évrard, Traité pratique de l'exploitation des mines : Leçons professées à l'Institut industriel du Nord de la France, par M. Alfred Alfred, directeur de la Compagnie Houillère de Ferfay et de Ames, Mons et Paris, E. Dacquin (Mons) et Baudry (Paris), coll. « Institut industriel du Nord », (réimpr. 1879,1888,1890) (1re éd. 1878) (lire en ligne)
- (en) Jean-François Ritz et al., « New perspectives in studying active faults in metropolitan France: the “Active faults France” (FACT/ATS) research axis from the Resif-Epos consortium », Comptes Rendus. Géoscience, t. 353, no S1, , p. 381-412 (DOI 10.5802/crgeos.98).
- Hervé Jomard et al, « The SISFRANCE database of historical seismicity. State of the art and perspectives », Comptes Rendus. Géoscience, vol. 353, no S1, , p. 257-280 (DOI 10.5802/crgeos.91).
- [PDF] Séisme, Aléa Sismique, Vulnérabilité Sismique et Risque Sismique
- Pascal Bernard, Qu'est-ce qui fait trembler la Terre ? À l'origine des catastrophes sismiques, EDP Science, , p. 74-80.
- Article SÉISMES ET SISMOLOGIE - Ondes sismiques et paramètres du foyer. Encyclopædia universalis, Encyclopædia universalis France, , p. 837.
- Raoul Madariaga, Guy Perrier, Les tremblements de terre, Presses du CNRS, , p. 37.
- Scholtz, C.H., 1988, The brittle-plastic transition and the depth of seismic faulting: Geologische Rundschau, v. 77, p. 319-328.
Voir aussi
Articles connexes
Liens externes
- Notices dans des dictionnaires ou encyclopédies généralistes :
- « Comment fonctionnent les grandes failles ? », émission de France-Culture avec Anne Socquet, physicienne, Institut des sciences de la Terre, Bertrand Meyer, professeur à l’Institut des sciences de la Terre de Paris (iSTeP, CNRS/UPMC) et responsable du directoire de la recherche de l’UPMC.