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Page:NRF 14.djvu/901

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LE NÈGRE LÉONARD ET MAITRE JEAN MULLIN 895

Puis elle s'écroula sur le sol en murmui-ant :

— Douceur, douceur, je fonds dans la douceur, répétez avec moi, douceur, douceur, mon maître.

Avec des efforts qui me laissèrent les jambes et les mains tremblantes — car elle était grande et lourde — je pus la hisser sur son lit.

Cette nuit-là, malgré les rites, nous ne pûmes partir pour le rendez-vous du Bois Friquet.

Ces échecs successifs m'inquiétaient. J'avais accepté sans surprise une situation, qui pour l'époque pouvait paraître merveilleuse. La porte de la fantaisie se fermait devant moi. C'était comme une diminution de mon intelligence : un cataclysme cérébral, avec rupture de vaisseaux sanguins à l'appui.

Je pus me ronger les ongles à plaisir durant cette étrange maladie de langueur qui fit dépérir Katje en lui ôtant l'usage de la parole et en la privant de ses idées familières.

J'en étais là dans mes divagations, quand en me ren- dant chez le médecin pour acheter de h quinine, je croisai, en débouchant sur la route de Châteauneuf-le- Fief, un étrange cortège, dont je ne pus tout de suite reconnaître les éléments.

Devant quelques douzaines d'enfants des deux sexes, des oisifs et des femmes à la bouche tordue par la médi- sance, j'aperçus, conduisant un grand bouc par un licol de cuir blanc, deux baladins, à l'ancienne mode, dont l'un, vêtu de rouge, marchait avec la souplesse d'un boxeur, et l'autre, portant l'habit marron, trottinait comme un dévot d'un certain âge. Je reconnus le nègre Léonard et Jean MuUin, son compère.

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