LE NÈGRE LÉONARD ET MAITRE JEAN MULLIN 72 1
sur quelque chose et j'aperçus un enfant vêtu d'un tablier noir qui lui fit un grand salut en disant d'une voix chantante d'écolier :
— Bonjour Mademoiselle !
— Par là ! Va par là, petit salaud ! lui cria Katje. L'enfant suivit la direction de la main et s'arrêta au
pied d'un gros arbre mort.
Alors, j'entendis de lourdes chutes entre les branches sur le sol, à mes côtés, dans l'ombre de la forêt. C'était comme une pluie pesante d'oiseaux énormes. Un chuchottis humain, dévot et provincial réveilla l'obscu- rité, qui se peuplait d'ombres comme on en voit dans les églises. Je m'efforçais à saisir les détails caractéristi- ques de cette foule imprévue, quand une lueur, sorte d'aube artificielle, éclaira le carrefour où ma servante se prosternait.
C'est alors que je vis le Maître sous la forme d'un grand bouc multicorne, dont une au front dont il éclairait l'assemblée. Le malin était assis dans une chaire noire. En le regardant bien, ce n'était ni un bouc, ni un homme : on pouvait à la rigueur le considérer comme un lévrier noir ou un bouc blanc. Il portait une queue d'une longueur démesurée dont il se servait pourcacher sa nudité obscène.
Il n'inspirait aucune terreur, mais donnait l'impression d'un vieux bohème déchu et démodé.
A ses côtés, deux hommes, ou du moins deux démons à formes humaines fixèrent mon attention. Leur ressem- blance avec l'homme les rendait plus terrifiants, moins terrifiants toutefois que Katje, dont la beauté parfaite dans ce décor résumait à elle seule, grâce à la qualité de
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