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Page:NRF 14.djvu/683

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SUR L’INTRODUCTION A LA MÉTHODE DE LÉONARD DE VINCI

charme terrible de la conversation, celui contre lequel rien ne prévaut, est là, dans l’improvisation perpétuelle de la pensée. La conversation nous porte au-dessus de nous-mêmes, et rien n’égale sa force de propagation. Parmi les grands il en est qui lui ont tout sacrifié ; divinité meurtrière pour ses élus, pour ceux qui communiquent l’ivresse dont ils sont possédés, mais les simples fidèles eux-mêmes, ceux qui ne font que subir cette ivresse ne sont pas à l’abri de ses atteintes. Si la conversation a tué Rivarol, ne savons-nous pas que pour se désensorceler des prestiges de cette parole le jeune Chênedollé n’eut d’autre recours que la fuite ? Au sortir des plus belles conversations — de celles où nous nous sommes le plus libéralement, le plus joyeusement donnés — en même temps qu’une plénitude nous gonfle, un remords nous étreint ; plénitude et remords s’alimentent à une source unique : la facilité de la pensée. Nous l’adorons cette facilité, et jamais plus que quand nous nous abandonnons à elle, mais nous ne nous y sommes pas plus tôt abandonnés qu’elle nous irrite et que nous lui tenons rigueur de notre abandon même : « la volonté de puissance » reprendra plus tard tous ses droits, mais sur le moment plus rien ne nous agrée que le silence.

À l’inverse de ceux qui parlent pour penser, il y a ceux qui pensent pour parler. Mais gardons-nous de confondre « penser pour parler » avec « penser avant de parler ». Nous restons encore bien en deçà de ce que Gide revendique pour Mallarmé ; nous en sommes séparés par tout l’écart que mesure la distance entre les deux prépositions. Vide de tout contenu,