Française a imprimé récemment l’Introduction à la Méthode de Léonard de Vinci publiée autrefois dans la Nouvelle Revue de Madame Adam et qui n’avait jamais paru jusqu’ici en volume ; en tête de cette introduction qui date déjà d’il y a plus de 25 ans (1894), M. Valéry, sous forme de Note et Digressions, a placé en réalité une introduction à son Introduction, et les pages nouvelles font bien plus que doubler le prix des anciennes : elles sont comme le réflecteur puissant que l’artiste dirige d’une main expérimentée sur toutes les parties de la vieille toile, depuis longtemps retournée contre le mur, et qu’il vient d’exhumer d’un recoin sombre de l’atelier. Nous voudrions profiter de cette occasion pour présenter quelques-unes des réflexions que la lecture de ce livre suggère ; ces réflexions porteront du reste bien moins sur tel ou tel point particulier — les feux croisés de cette pensée si dense inciteraient à des considérations presque indéfinies — que sur l’attitude mentale que pareil ouvrage implique, sur la stature qui se dresse immobile derrière chacune des phrases et dont l’ombre se profile identique sur tout l’ensemble. Lire Valéry, c’est dès l’abord se sentir contraint au plus sévère examen de conscience intellectuel, et c’est en faisant cet examen de conscience que l’on a le plus de chances de comprendre à quelles disciplines s’aiguisent la pointe, le pouvoir perforant de cet esprit à la fois si complet et si singulier.
Revenons au mot de Gide. Il n’y a pas que ceux qui parlent sans penser ; il y a ceux qui parlent pour penser, ceux chez qui la parole fait véritablement jaillir la pensée. À de certaines heures qui n’a connu cet enivrement ? Le