sentir l’infiltration subtile du néant. Successivement à chaque pensée qui surgit devant elle, la conscience de Valéry réitère l’injonction de Roxane à Bajazet :
Dégageons le mot de nihilisme de sa gangue grossière de notions adventices, ramenons-le à la nudité de son sens étymologique, et c’est encore lui qui convient le moins mal à ce je ne sais quoi de détachable, de déjà détaché, dans chaque idée, dans chaque mot, donné, traité isolément, — à l’étrange caractère qu’y prend toute chose d’être comme dite à son extrême limite, — à cet état de vacuité de la pensée qui n’est jamais vacuité de sens, qui est vacuité d’attache. Valéry est dépris, — délié des problèmes qu’il se pose par les solutions qu’il leur trouve. Il a toute la densité sans nulle épaisseur ; je ne puis me retenir de citer à cet égard cette page capitale : « Tous les phénomènes, par là frappés d’une sorte d’égale répulsion, et comme rejetés successivement par un geste identique, apparaissent dans une certaine équivalence. Les sentiments et les pensées sont enveloppés dans cette condamnation uniforme, étendue à tout ce qui est perceptible. Il faut bien comprendre que rien n’échappe à la rigueur de cette exhaustion ; mais qu’il suffit de notre attention pour mettre nos mouvements les plus intimes au rang des événements et des objets extérieurs : du moment qu’ils sont observables, ils vont se joindre à toutes choses observées. — Couleur et douleur, souvenirs, attente et surprise ; cet arbre et le flottement de son feuillage, et sa variation annuelle, et son ombre comme