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Page:NRF 14.djvu/266

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26o LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

rent : M'Bala !.. Aia !.. Aia !.. avec des voix creuses et sonores comme si ces hommes avaient parlé la bouche à des tubes de métal.

Montert se leva : " Ce sont des contrebandiers en caoutchouc du Kameroun allemand... ils m'ont surnom- mé M'Bala, c'est-à-dire la banane à cause de mon vêtement kaki... "

Et, afin de procéder au troc, il se dirigea, suivi des M'Fan, vers la porte du magasin à camelote qui s'ouvrait sous le chimbeck. Mogounga ne bougeait pas, immobile, il rêvassait à je ne sais quoi, les yeux à la Forêt qui égouttait. A côté de tous les arbres, masse noire à reflets verts crus, mouillée, molle au regard comme une éponge chargée d'eau, cet homme me paraissait avachi. Moi, je le regardais ; je sentais mes paupières fripées par la chaleur d'une sueur légère ; elles étaient alourdies ; elles m'étaient deux petits poids, tièdes et mouillés, qui me rendaient sensible le vide de l'air qui me pesait dessus. Par à-coups un besoin de sommeil les afiFaissait un peu et Mogounga m'était voilé par un éblouissement et c'était sur un petit effort qu'elles se relevaient.

Le soir, je racontai à Montert ce que furent les quinze journées de marche au bout desquelles j'atteignis Mogoun- ga. Les hamacs de toile de nos deux lits pliants avaient été tendus côte à côte et nous bavardions d'une moustiquaire à l'autre. Allongé à l'intérieur de la mienne, ces quatre parois de gaze blanche m'enfermaient dans une raideur diaphane dont l'odeur d'empois moulait mon nez ; et durant quelques minutes avant d'adresser la parole à Montert, je me pris à penser à ces boutiques de blanchis- seuses où, le samedi, des corsages de mousseline, empesés

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