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Page:NRF 14.djvu/179

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SI LE GRAIN NE MEURT I73

La croyance indistincte, indéfinissable, à je ne sais quoi d'autre à côté du réel, du quotidien, de l'avoué, m'habita durant nombre d'années ; et je ne suis pas sûr de n'en pas retrouver en moi, encore aujourd'hui, quelques restes. Rien de commun avec les contes de fées, de goules ou de sorcières ; peut-être plutôt avec ceux d'Hoffmann ou d'Andersen. Pourtant je ne les connaissais pas encore. Non, je crois bien qu'il y avait plutôt là un maladroit besoin d'épaissir la vie — besoin que la religion, plus tard, serait habile à contenter ; et une certaine propension, aussi, à supposer le clandestin. C'est ainsi qu'après la mort de mon père, si grand garçon que je fusse déjà, n'allai-je pas m'imaginer qu'il n'était pas mort pour de vrai î ou du moins — comment exprimer cette sorte d'appréhen- sion — qu'il n'était mort qu'à notre vie ouverte et diurne, mais que de nuit, secrètement, alors que je dormais, il venait retrouver ma mère. Durant le jour mes soupçons se maintenaient incertains, mais je les sentais se préciser et s'affirmer, le soir, immédiatement avant de m'endormir. Je ne cherchais pas à percer le mystère ; je sentais que j'eusse empêché tout net ce que j'eusse essayé de surprendre ; assurément j'étais trop jeune encore, et ma mère me répétait trop souvent et à propos de trop de choses : Tu comprendras plus tard — mais certains soirs, en m'abandonnant au sommeil, il me semblait vraiment que je cédais la place.

Je reviens à la rue de Crosne.

Au second étage, à l'extrémité d'un couloir sur lequel ouvrent les chambres, se trouve la salle d'études, plus confortable, plus intime que les grands salons du premier, de sorte que ma mère s'y tient et m'y retient

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