Force 136
La Force 136 était une unité du Special Operations Executive (« Direction des opérations spéciales ») formée par les Britanniques pendant la Seconde Guerre mondiale, pour encadrer les maquis dans les territoires d’Asie occupés par les Japonais et y mener des actions subversives. Elle était constituée de militaires britanniques ou d’autres pays alliés.
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Les Britanniques et leurs alliés américains ou français ne pouvant pas opérer seuls en Asie, ils sont secondés par des Asiatiques notamment en Thaïlande et en Malaisie, entraînés par le SOE et formant des groupes de résistance et de guérilla.
Ce n'est qu'une fois que ces groupes sont engagés dans la rébellion ouverte qu'ils peuvent recevoir une aide efficace de la part de personnels des forces armées alliées qui connaissent les langues et les gens et qui se révèlent précieux pour les liaisons avec les forces conventionnelles.
Histoire
modifierDès 1941, le SOE prépare des plans d’opérations dans les pays d'Asie du Sud-Est occupés par les Japonais. Comme en Europe, après les désastres militaires initiaux des Alliés, le SOE établit une branche particulière, qui reçoit le nom de couverture de Force 136 en 1943. Cette branche est dirigée par des officiers et des civils britanniques.
Les officiers britanniques David Smiley, Peter Kemp, Rowland Winn, Christopher Blathwayt, Sydney Hudson, John Davies, Richard Broome, Spencer Chapman et les colonels français Jean Le Morillon, Jean Sassi et Jean Deuve furent membres de la Force 136. Bob Maloubier, également de la Force 136, est parachuté au Laos[1] en .
L'officier singapourien Lim Bo Seng (1909-1944), qui s'y engagea et recruta de nombreux agents, est considéré à Singapour comme un héros national.
Dès la chute de Singapour, le Kuomintang replié à Chungking cherche à fédérer les énergies des Chinois d’outre-mer. C’est ainsi que plusieurs centaines de jeunes Chinois de Singapour, de Malaisie, d’Indonésie, de Hong Kong et d’ailleurs, rejoignent Chungkinq. Après une sélection sévère, quelques-uns sont ensuite transférés en Inde britannique pour y suivre un entraînement intensif (notamment dans les environs de Pune) en vue d’une infiltration en Malaisie.
De à , 10 opérations de débarquement par sous-marin (y compris un sous-marin néerlandais rescapé des Indes orientales néerlandaises) infiltreront en Malaisie une cinquantaine d’agents de liaison et de renseignement chinois sous le commandement d’officiers britanniques. Les deux premières opérations prirent le nom de code Gustavus 1 et Gustavus 2, commandées par les capitaines Richard Broome et John Davies.
L’objectif de la mission était de faire la liaison avec les maquis de la Malayan People Anti-Japanese Army (MPAJA), bras armé du MCP, parti communiste de Malaya, aux fins d’entraînement, de ravitaillement en armes et munitions et de financement. Un accord formel (Joint Action Agreement) fut signé au camp de Bukit Bidor fin entre les capitaines Davies et Broome et Chin Peng pour la MPAJA. Dans le même temps, il s’agissait d’établir un réseau de renseignement et d’espionnage dans les villes.
Les Britanniques infiltrèrent un nombre équivalent d’officiers et de soldats, essentiellement basés dans des camps dans la jungle, alors que les agents chinois étaient basés dans les villes sous des couvertures diverses. Les agents chinois avaient le titre de Special Chinese Liaison Agents (Agents spéciaux de liaison chinois).
Parmi les officiers britanniques débarqués, on peut citer également le major Spencer Chapman (Freddie), un officier du SOE, resté « derrière les lignes » après la chute de Singapour, et le capitaine Fenner. Les officiers britanniques restaient en pratique confinés dans les camps de jungle et n'avaient qu'une vision partielle de la réalité. Ce n'est qu'au début 1945 qu'une liaison radio put être établie avec le centre opérationnel de Kandy (Ceylan). Les opérations étaient supervisées en Inde par le colonel Basil Goodfellow.
Le leader chinois (de Singapour) Lim Bo Seng débarqua en et rejoignit le camp de Bukit Bidor, environ 50 km au sud d'Ipoh.
Des dissensions internes aux équipes du Kuomintang et entre Chinois du Kuomintang et du MCP entravèrent sérieusement le déroulement de la mission.
Les liaisons avec les sous-marins alliés au large de Pangkor échouèrent souvent.
Les relations entre les officiers britanniques et les agents chinois furent empreintes d’une méfiance réciproque[3].
Des trahisons intervinrent. Des fuites en provenance de guérillas de la MPAJA, capturés et torturés par les Japonais, mirent ces derniers sur la piste des agents chinois. Deux d'entre eux, capturés le , finirent par parler.
La Kenpeitai et le service de contre-espionnage japonais du colonel Satoru Onishi parvinrent le à démanteler le réseau d’espionnage et à capturer nombre d’agents, dont Lim Bo Seng qui périt sous la torture à Batu Gajah (10 km au sud d'Ipoh) le .
De février à , les Britanniques parachutèrent 30 commandos composés d’un nombre équivalent d’agents chinois et de militaires britanniques. Ces commandos, en liaison avec la MPAJA, contribuèrent grandement à la défaite des troupes japonaises.
La Force 136 en Malaisie se vit décerner par les Britanniques la "Malayan Command Service and Burmese Medal". Les officiers de liaison chinois de cette force furent démobilisés en .
La Force 136 en Indochine
modifierEn 1944, est mis en place à Calcutta un service de renseignement français, la Section de Liaison Française en Extrême Orient, qui dispose d’un service Action baptisé French Indo-China Section (lit. "section Indochine française"), dirigée par François de Langlade, qui dépend pour emploi de la Force 136. La S.F.L.E.O. disparaît rapidement au profit de la D.G.E.R. L’état-major de la FIS, la Mission Militaire Française d'Extrême-Orient, commandée par le général Blaizot, se trouve à Kandy, à Ceylan, tout comme le bureau central de la Force 136, et la centrale d’exécution à Calcutta, en Inde. À partir de , la FIS commence à parachuter un nombre limité d'équipes de commandos, notamment au Laos[4].
Les missions postérieures au coup de force des Japonais du ont un double objectif : lutter bien sûr contre les forces japonaises, mais aussi, et déjà, contre les maquis du Viêt Minh, alimentés par les Japonais en armes saisies aux Français et également soutenus par l'OSS américain.
La Force 136, dépendant du South East Asia Command britannique couvrant l'Inde et l'Asie du Sud-Est et l'OSS, dépendant du commandement nominal de Tchang Kai-Chek, mais effectif américain, sur le théâtre Chine-Pacifique, semblent poursuivre des objectifs pour le moins contradictoires. Les États-Unis ne voulant plus soutenir les "forces coloniales" (britanniques et françaises) cessent bientôt tout soutien logistique à la Force 136. Les dernières équipes parachutées le seront avec du matériel fait "de bric et de broc", tel le pistolet à crosse nacrée donné au lieutenant Jean Sassi pour sa mission au Laos ; "C'était un petit révolver pour femme !", s'exclama-t-il.
Anecdote
modifier- Dans le film Le Pont de la rivière Kwaï, le sabotage du pont est effectué par un commando d’une Force 316. En fait, il s’agit bien de la Force 136, les acteurs arborant d’ailleurs sur la manche de leur uniforme l'écusson de cette force spéciale[5]. Il s'agit là d'un "clin d'œil" de l'auteur du roman qui inspira le film. Pierre Boulle, membre de la France libre, fut lui-même un soldat de cette force spéciale.
Notes et références
modifier- Journal du Monde, Patricia Allémonière, 2009
- Tan Chong Tee Force 136, Story of a WWII Resistance fighter Asiapac Publications, Singapore, 1994
- Tan Chong Tee, Force 136, Story of a WWII Resistance fighter, chap. 16 et 19
- Le service action d'Extrême-Orient 1944-1945 - Premiers parachutistes en Indochine - Philippe Millour - Gaston Erlom-2022-Histoire et Collections].
- Photographie de l'écusson de la Force 136
Voir aussi
modifierBibliographie et sources
modifier- Jean Le Morillon, Un breton en Indochine. Mission "Oiseau mouche", Cheminements, coll. « Gens d’ici », 2000, (ISBN 2-84478-106-3). Jean Le Morillon, officier du BCRA, de la Force 136, parachuté au Laos le , puis officier de la DGSE, a collaboré avec le colonel David Smiley pendant sa mission en Thaïlande en 1945.
- Guy de Chézal, Parachuté en Indochine, Éditions J'ai lu, Leur Aventure, A150/151, 1966.
- François Quenin Historia 586, . Article « L'incroyable aventure d'un officier français » consacré à la mission de Jean Le Morillon en Asie.
- Interview de Jean Le Morillon. Reportage diffusé sur la chaîne TV Breizh en .
- Bob Maloubier, Plonge dans l’or noir, espion, Robert Laffont, 1986 (ISBN 2-221-04722-2). Les mémoires d'un agent français du SOE (section F, en 1942 en Normandie, puis à la Libération dans le Limousin ; puis Force 136, parachuté au Laos en ) contés avec un humour très « british ».
- (en) Tan Chong Tee Force 136, Story of a WWII Resistance fighter Asiapac Publications, Singapore, 1994 (ISBN 981-3029-90-0). La Force 136 en Malaisie vue par un Chinois de Singapour recruté par le Kuomintang.
- (en) E. Bruce Reynolds, Thailand’s Secret War. The Free Thai, OSS, and SOE during World War II, Cambridge University Press, 2004. Cahier de photographies.
- (en) Extraits en ligne du livre Thailand's secret War
- (en) Peter Kemp, No Colours or Crest (1958). Les mémoires d'un autre officier britannique du SOE en Albanie en 1943-44, en Pologne en 1944 et en Asie en 1945 puis agent du MI6.
- Claude Faure, Aux Services de la République, du BCRA à la DGSE, Fayard, 2004.
- Philippe Franchini, Les mensonges de la guerre d'Indochine, Perrin, 2005, p. 55 (ISBN 2-262-02345-X)
- (en) David Smiley, Irregular Regular, Norwich, Michael Russell, 1994. (fr) Publié en français sous le titre Au cœur de l’action clandestine. Des Commandos au MI6, L’Esprit du Livre Éditions, 2008 (ISBN 978-2-915960-27-3). Les mémoires d'un officier du SOE en Albanie en 1943-44 puis du SOE en Asie du Sud-Est et enfin du MI6 après guerre (Pologne, Albanie, Oman, Yémen).
- Jean Sassi, En collaboration avec Jean-Louis Tremblais, Opérations Spéciales : 20 ans de guerres secrètes, Éditions Nimrod, 2009 (ISBN 978-2-915243-17-8), avec cahier photos. Les mémoires d'un officier du BCRA, de la Force 136 et des services spéciaux français.
- Jean Deuve, Seigneur de l'ombre, Corlet, 1995.
- (en) E. Bruce Reynolds, Thailand’s Secret War. The Free Thai, OSS, and SOE during World War II, Cambridge University Press, 2004. David Smiley et son équipe sont photographiés page 377. Extraits en ligne
- Jean Sassi, voir ses deux entretiens avec Philippe Raggi, donnés l'un à la Revue militaire suisse (no 5 de ) et l'autre dans Renseignement et opérations spéciales (no 4 de ).
- Philippe Millour et Gaston Erlom, L'ouvrage de référence le plus complet sur le sujet-Le Service Action d'Extrême-Orient, 1944-1945, Paris, Histoire & Collections, , 212 p. (ISBN 979-1-038-01288-2).
Articles connexes
modifierLiens externes
modifier- Vidéo d'archive : Interview de Bob Maloubier et archives de Jean Sassi
- Article - pages 127 à 134 - de Fabienne Mercet-Bernardet, Extrait des actes du colloque des 11 et 12 juin 2001 : Les forces spéciales : concept et histoire; Centre d’études d’histoire de la défense
- (en) Page internet de l'Association Burma Star listant des sites anglo-saxons consacrés à la Force 136