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Tourangeau (idiome)

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tourangeau
torengiau
Pays France
Région Touraine
Typologie SVO
Classification par famille
Échantillon
Article premier de la Déclaration universelle des droits de l'homme (voir le texte en français) :
Tertozs les houms noaquiçont liberĕs. D'ansaiment is haont les metussĕms dĕreits e la metussĕm deinitaiy. Is haont coumĕ adouniĕzon eun antendouerĕ e eunĕ riĕzon e is devont s'ajidair les euns d'aus outĕrs coumĕ des fraizĕrs.

Le tourangeau ou langue tourangelle (en tourangeau : torengiau ou nenguĕ torengelĕ ‒mentionné dans "La Nouvelle République", [1], 23/10/2022.‒) est une langue d'oïl parlée en Touraine[1].

Le parler de Touraine ne présente pas de règles orthographiques officielles à ce jour, les dictionnaires existant utilisent généralement une graphie francisante. Il est différent du français standard grammaticalement, phonologiquement et lexicalement, bien qu'il se fonde de plus en plus dans un français régional, où ses caractéristiques phonologiques disparaissent peu à peu.

Le premier peuple attesté dans l'histoire de la Touraine est celui des Turones. Il s'agissait d'un peuple gaulois issu de Celtes venus d'Europe Centrale et d'indigènes celtisés. La première attestation que l'on ait de celui-ci remonte à l'année 57 av. J.-C. lors de la Guerre des Gaules. Cette tribu parlait une langue celtique.

En 52 av. J.-C., aux côtés de Vercingétorix, les Turones décident de se rebeller contre Rome. Cependant, à la suite de la bataille, ils ne seront pas concernés par les mesures de clémence de César et certains d'entre eux seront réduits en esclavage et déportés en Italie. Petit à petit, la population locale subit un processus de romanisation et abandonne progressivement sa langue et sa culture.

La population, latinisée, parle le latin populaire avec la conservation de certaines caractéristiques gauloises qui viennent s'appliquer au latin de Gaule, comme la palatalisation du /k/ en /ʃ/ ou bien encore la spirantisation du /p/ en /v/, par exemple de capra à chèvre (fr) / chiĕvĕr (to) ou même le passage de mots d'origine celtique au latin populaire, par exemple de calio à caillou (fr) / chighlou (to).

A partir du IIIe siècle, la Gaule est touchée par des invasions de peuples germaniques comme les Francs ou les Alamans, lesquels laisseront également des caractéristiques de leurs langues dans le latin populaire.

Finalement, au XIe siècle, les langues d'oïl émergent dont le tourangeau étant la variante du latin populaire en Touraine.

Prononciation

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Dans le présent article, le tourangeau est écrit d'une façon ; cependant, notons qu'aucune orthographe officielle n'existe pour le retranscrire. Dans l'orthographe proposée ici, dans la majorité des cas, le tourangeau se lit comme le français, sauf dans les cas suivants :

  • le <oa> se prononce /ɑ/
  • le <e> se prononce /e/
  • le <ĕ> se prononce /ə/
  • le <eun> se prononce /ʊ̃/
  • le <> se prononce /eə/ ou bien /jə/
  • le <ghl> se prononce /j/ ou bien /ʎ/
  • le <ghn> se prononce /ɲ/
  • le <r> se prononce /r/, c'est-à-dire qu'il est roulé

Caractéristiques phonétiques

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Consonantisme

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En comparaison avec le français, certaines consonnes disparaissent lorsqu'elles se trouvent en position finale.

Exemples
Tourangeau Français
moarz mars
defici difficile
neuh neuf

Dans les groupes consonantiques //bl//, //cl//, //fl// (le //f// devient //s//), //gl// et //pl//, le //l// subit un processus de palatalisation le transformant en <ghl> /j/.

Exemples
Tourangeau Français
bghlang blanc
pghleuyĕ pluie
sghleus fleur

Dans certains cas, les groupes consonantiques //di// et //ti// deviennent, respectivement, <gui> /gi/ et <qui> /ki/ par confusion des occlusives.

Exemples
Tourangeau Français
etuguiair étudier
Guieus Dieu
çumĕquierĕ cimetière
venquiers (du latin volontariu > sûrement *vontiers en vieux tourangeau) peut-être

Le /ē/ et /ĭ/ latins ont donné une diphtongue <ei> /ej/ dans le plus ancien français, mais alors qu'elle est devenue <oi> /wa/ en français moderne, elle est devenue <oue> /we/ en tourangeau (dans le cas où une consonne est accompagnée d'un <-r>, la diphtongaison n'a pas lieu, restant <ei> /e/).

Exemples
Tourangeau Français
moue, toue, soue moi, toi, soi
creirĕ, dĕreit, freit croire, droit, froid

Certains /a/ latins étant devenus /aj/ se monophtonguent en /i/ en tourangeau.

Exemples
Tourangeau Latin Français
bijĕ < *baise basiu baiser
jitair < *jaiter jactare jeter

Conjugaison

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Le verbe être

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Le verbe avoir

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Le verbe pouvoir

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Le verbe savoir

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Le verbe vadair

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Le verbe venir

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Le verbe rester

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Le verbe écrire

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Le verbe dormir, se reposer

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Au présent :

Les verbes du premier groupe (en -AIR), dont la terminaison est précédée de deux consonnes, intercalent un "e", entre les deux consonnes en question, aux première, deuxième et troisième personnes du singulier.

  • SEMBGHLAIR (sembler) : jĕ sembelĕ, tu sembelĕs, i/a sembelĕt, jĕs sembghloms, vos sembghledzĕs, is/as sembghlont
  • ANTRAIR (entrer) : j'anterĕ, t'anterĕs, il/alĕ anterĕt, j'antroms, v'antredzĕs, is/as antront


Les "e" que les verbes du premier groupe ont en avant-dernière syllabe à l'infinitif deviennent "ĕ" au moment d'être conjugués, aux première, deuxième et troisième personnes du singulier.

  • ESPERAIR (attendre) : j'espĕrĕ, t'espĕrĕs, il/alĕ espĕrĕt, j'esperoms, v'esperedzĕs, is/as esperont
  • VOUETAIR (voter) : jĕ vouĕtĕ, tu vouĕtĕs, i/a vouĕtĕt, jĕs vouetoms, vos vouetedzĕs, is/as vouetont

Origines romanes

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Le tourangeau est une langue d'oïl, donc la majeure partie de son vocabulaire provient du latin populaire. Certains mots de la langue présentent des étymons non-présents en français moderne et même parfois non-présents en ancien français.

Exemples de termes d'origine romane :

  • aiguĕ, prononcé [o] ou [jo][2], (eau, latin : aqua)
  • an·nuit (aujourd'hui, latin : ad nocte)
  • astheurĕ (maintenant, latin : ad ista hora)
  • bijĕ (bisou, latin : basiu)
  • chĕau (cheval, latin : caballu)
  • geailughnĕ (poule, latin : gallina)
  • guiorĕ (dehors, latin : de fora)
  • dumaishuiy (jamais, latin : de magis hodie)
  • jiĕnĕ (porte, latin : janua)
  • leumaz (escargot, latin : limace)
  • mesiainĕ (sieste, latin : meridiana)
  • ouighlĕ (mouton, latin : ovicula)
  • pouesĕ (poire, latin : piru)
  • sorgin (souris, latin : soricinu)
  • terjos (toujours, latin : trans diurnos)
  • venquiers (peut-être, latin : volontariu)

Origines germaniques

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Le lexique d'origine germanique vient en grande majorité du francique, la langue des Francs.

Exemples de termes d'origine germanique :

  • ageacĕ (pie, vieux haut allemand : agaza)
  • crimpir (serrer, francique : *krimpōn)
  • ganghnair (gagner, francique : *waithanjōn)
  • gani (couteau, francique : *knif)
  • houghnair (honnir, francique : *haunijōn)
  • lichair (lécher, francique : *likkōn)

Origines celtiques

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Le tourangeau, comme bon nombre de langues d'oïl du Grand Ouest, présente un substrat celtique hérité du gaulois. Du fait du processus de romanisation, il est aujourd'hui difficile de distinguer les mots d'origine celtique des autres.

Exemples de termes d'origine celtique :

  • chiĕghnĕ (chêne, gaulois : cassanos)
  • chighlou (caillou, gaulois : calio)
  • dun (montagne, gaulois : dūnon)
  • ghlenair (lier des herbes / glaner, gaulois : *gleno)
  • lochĕ (limace, gaulois : *loucâ)
  • oasabĕl (érable, gaulois : *abalo-)
Français Tourangeau
terre tarrĕ
ciel cieu
eau aiguĕ
feu feuy
homme houmĕn
femme bouemĕ
manger mantiyair
boire bouerrĕ
grand hrand
petit pequioz
nuit nouerrĕtaiy
jour jos
maison houquiau
Tourangeau Français

I youavouet eun caut, dens eunĕ ceptolĕ de Torouenĕ, eunĕ draughlerĕ qui se mozouet à velocĕ. Cĕstelĕ-cit etouet coughneuçuyĕ de tozs les horzains. Alĕ restouet au limeroz 8 (ouez) dau Conze de la Basochĕ e solouet, choaz manquier, de s'audavançair aquante eul seun d'amiy Lissandĕr davant que de se derigeair tirand'loa gonalĕ. À advoueindĕr, davant eul seun d'houquiau, cĕsti-cit etouet fonmĕ perzent e adung alĕ s'hoat dizuy "venquiers qu'il hoat piĕçà deviraiy...". Alĕ hoat erpreins l'etraizĕ e hoat dessorsaiy laiz la Louerrĕ eyouqu'alĕ hoat visuy Lissandĕr, ghli-metussĕm, d'ampreis que de jiteair des chighlous dens l'aiguĕ...

Il était une fois, dans une ville de Touraine, une fille qui se promenait à bicyclette. Celle-ci était connue de tous les voisins. Elle habitait au numéro 8 (huit) de la Rue de l'Église et avait l'habitude, chaque matin, de retrouver son ami Alexandre avant de se diriger vers l'école. En arrivant, devant sa maison, celui-ci n'était pas présent et alors elle se dit "peut-être qu'il est déjà parti...". Elle reprit la route et arriva à côté de la Loire où elle vit Alexandre, lui-même, en train de jeter des cailloux dans l'eau...

Expressions

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  • Havouerĕ mau au quieus (littéralement : Avoir mal au cœur) / etĕr anquieurdaiy : Avoir envie de vomir ;
  • Corrighlair la jiĕnĕ (littéralement : Condamner la porte) : Fermer la porte à clé ;
  • Coumenque t'hoas-ti lom ? (littéralement : Comment tu as nom ?) : Comment t'appelles-tu ? ;
  • Etĕr dampreis (que) (de) (littéralement : Être après) : Être en train de ;
  • Etĕr preinzĕ (littéralement : Être prise) : Être enceinte ;
  • Etĕr renduy(ĕ) (littéralement : Être rendu(e)) : Être arrivé(e) ;
  • Tardair l'amoumænt (littéralement : Tarder le moment) : Être sur le point de.

Vie culturelle

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Événements

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  • Le samedi 23 novembre 2019, à l'occasion du Festival des Langues de Tours organisé par l'association LinguaFest'37, un cours d'initiation à la langue tourangelle a été donné.
  • En 2021, l'Atlas sonore des langues régionales de France ajoute une première version tourangelle de la fable d'Esope « La bise et le soleil ».
  • Les samedi 22 octobre et dimanche 23 octobre 2022, le Festival des Langues de Tours, à l'occasion de sa reprise, accueille deux cours de tourangeau et un stand sur la Touraine et sa langue ("La Nouvelle République", [2], 23/10/2022.)
  • Le mardi 1er août 2023, sortie aux Éditions Tintenfaß de la traduction en tourangeau par Ludovic Hinsinger de Le Petit Prince d'Antoine de Saint-Exupéry : Eul Pequioz Houerrĕ.

Sur les autres projets Wikimedia :

Bibliographie

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  • Le vieux parler tourangeau, Maurice Davau, 1979, édition C.L.D.
  • Petit dictionnaire du parler de Touraine, Jacques-Marie Rougé, 2005, édition C.L.D.
  • André-Raoul-Claude-François-Siméon de Croÿ-Chanel (comte), Études statistiques, historiques et scientifiques sur le département d'Indre-et-Loire (ancienne Touraine), Tours/Paris, 1838[1].
  • Mots usités dans le 2e arrondissement du Département d'Indre-et-Loire avec l'acceptation de ces mots français, Manuscrit de réponse à l'enquête de Charles Coquebert de Montbret[1]
  • Hyppolyte-François Jaubert (comte), Glossaire du Centre de la France, Paris, 1856-1858[1]
  • Jacques-Marie Rougé, Le parler tourangeau (région de Loches), Paris, 1912[1]
  • Jacques-Marie Rougé, Traditions populaires. Région de Loches (Indre-et-Loire), Paris, 1907[1]
  • Jacques-Marie Rougé, Le folklore de la Touraine, Paris, 1931[1]
  • Auguste Brachet, Vocabulaire tourangeau, R1, 1872[1]
  • Pierre-Louis Malardier, Notes sur Le Grand-Pressigny et ses environs, Bulletin de la Société archéologique de Touraine 4 (1877-1879), 6 (1883-1885), 8 (1889-1891)[1]
  • Eul Pequioz Houerrĕ, Antoine de Saint-Exupéry (traduit par Ludovic Hinsinger), 2023, édition Tintenfaß

Lien externe

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Notes et références

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  1. a b c d e f g h et i Walther von Wartburg, Hans-Erich Keller, Robert Geuljans, Bibliographie des dictionnaires patois galloromans (1550-1967), Librairie Droz, 1969.
  2. Jules Gilliéron et Edmond Edmont, Atlas linguistique de la France 1902-1910, Paris, Champion, 9 vol., supplément 1920.