Reptilien
Le reptilien, également appelé reptile humanoïde ou reptiloïde, est une créature imaginaire mi-homme, mi-reptile, qui joue un rôle de premier plan dans la littérature fantastique, la science-fiction, l'ufologie et le complotisme.
La théorie des « reptiliens » est propagée par David Icke, un ancien journaliste sportif devenu ensuite fabulateur, il proclame que des extraterrestres reptiliens ayant pris forme humaine manipulent les sociétés humaines. David Icke déclare à plusieurs reprises (sans citer ses sources) que de nombreux dirigeants mondiaux sont des reptiliens ou sont possédés par ceux-ci.
Origines de la théorie des reptiliens
[modifier | modifier le code]Michael Barkun, politologue à l'université de Syracuse, explique que le concept de conspiration menée par des êtres reptiliens prendrait sa source dans la fiction sword and sorcery de Robert E. Howard (le créateur de Conan le Barbare et Kull le Conquérant entre autres), spécifiquement l'histoire The Shadow Kingdom publiée en août 1929 dans le magazine Weird Tales. Les « hommes-serpents » de l'histoire de Howard étaient décrits comme des humanoïdes à tête de serpent, capables de se métamorphoser à leur gré en adoptant un aspect humain, vivant dans des galeries souterraines, profitant de leurs pouvoirs de transformation corporelle et de contrôle de l'esprit pour infiltrer sans peine l'Humanité[1]. Clark Ashton Smith reprendra dans sa propre fiction les hommes-serpents de Howard et certains concepts imaginés par H. P. Lovecraft, tout en collaborant avec ces auteurs en question afin d'établir ensemble les bases du Mythe de Cthulhu[2].
Dans les années 1940, le théosophiste Maurice Doreal [3], de son vrai nom Claude Doggins, écrivit un pamphlet nommé The Mysteries of the Gobi évoquant une race hybride d'êtres au corps presque humain mais avec une tête propre aux « grands serpents », capables de prendre forme humaine[4]. Ces créatures seront mentionnées également par Doreal dans le poème The Emerald Tablets évoquant d'hypothétiques tablettes d'émeraude écrites par un certain Thoth, prêtre-roi d'Atlantide. Le professeur Barkun estime qu'il est vraisemblable que Doreal ait emprunté ces idées de l'histoire The Shadow Kingdom et que plus tard David Icke utilisera allègrement les Emerald Tablets de Doreal pour le concept de son livre Children of the Matrix en les présentant comme un fait historique avéré[5].
Le journaliste américain Brad Steiger, spécialisé dans le paranormal, est le premier ufologue à avoir parlé des extraterrestres de type reptilien, ou reptiles humanoïdes, dans son livre Flying Saucers are hostile, paru en 1967[6].
En 1990, R. A. Boulay soutient ce qu'il imagine être le « passé reptilien de l'Humanité » en présentant des œuvres culturelles supposées être des réminiscences d'un passé oublié[7].
À la fin des années , David Icke[8], décrié pour être proche des cercles antisémites en Amérique du Nord[8], popularise le thème des reptiles humanoïdes et le terme reptilien. Il échafaude une théorie du complot en mélangeant des thèses ufologiques, comme la théorie des anciens astronautes et des œuvres de science-fiction comme la franchise Stargate ou la série V. Aux deux œuvres il reprend l'idée de voyages spatiaux, les métamorphoses et la volonté d'asservissement de l'humanité, reprenant et mélangeant des éléments choisis des deux fictions. Dans la première œuvre, il reprend l'idée d'origine extraterrestre des divinités antiques, mais au lieu de situer son récit dans l'ancienne égypte, il le situe au temps de l'antiquité sumérienne[9],[10],[8],[11] ; il emprunte à la seconde l'apparence des extraterrestres, la collaboration et la corruption des personnes de pouvoir (politique, économique, financier)[12]. Fritz Springmeier et Don Bradley les assimileront quant à eux aux figures bibliques des Nephilims.
Diffusion
[modifier | modifier le code]Au cours des années , certains auteurs[13],[14] soutiennent que des chefs d'État et de gouvernement (Élisabeth II, George W. Bush, Barack Obama), de riches familles (Rockefeller et Rothschild) et certaines communautés religieuses en sont les descendants[15],[16].
Ces récits se distinguent par une épistémologie[17], des objets d'études (picturale, photographique, audiovisuel), des méthodes d'analyse et des conclusions (souvent politiques) incompatibles avec les explications dominantes, auxquelles elles s'opposent[18].
Audience
[modifier | modifier le code]Un sondage d'opinion menée en 2013 fait apparaître que 4 % des Américains interrogés pensent que des reptiliens « contrôlent nos sociétés »[19]. Cette propagation passant principalement par l'intermédiaire d'internet, les adeptes se dénommant « chercheurs de vérité » (« truthseekers »)[17].
Références
[modifier | modifier le code]- (en) Michael Barkun A Culture of Conspiracy: Apocalyptic Visions in Contemporary America, Berkeley and Los Angeles: University of California Press, [lire en ligne], 2003, pp. 120-121. (ISBN 0-5202-3805-2).
- (en) William Michael Mott, Caverns, Cauldrons, and Concealed Creatures: A Study of Subterranean Mysteries in History, Folklore, and Myth. Grave Distractions Publications, 2011, p. 27, (ISBN 978-0-9829-1287-4).
- Maurice Doreal
- (en) Michael Barkun, A Culture of Conspiracy: Apocalyptic Visions in Contemporary America, Berkeley and Los Angeles: University of California Press, 2003 [lire en ligne], p. 119, (ISBN 0-5202-3805-2).
- (en) Michael Barkun, A Culture of Conspiracy, pp. 120-121. Extrait : « Doreal's 'translation' of the tablets was used extensively by David Icke in his book on the reptilians, Children of the Matrix [...] Although Doreal and the others spoke of the serpent race as a confirmable historic reality, the idea almost certainly came from pulp fiction [...] In all likelihood, the notion of a shape-changing serpent race first came from the imagination of an obscure pulp fiction author, Robert E. Howard. »
- Christophe Bourseiller, C’est un complot !, JC Lattès, 2016 (livre électronique Google, n. p.) : « Le concepteur de l'extraterrestre reptilien semble être le polémiste Brad Steiger (...) spécialisé dans le paranormal (...) ».
- (en) R.A. Boulay, Flying Serpents and Dragons: The Story of Mankind's Reptilian Past, Galaxy Books, Clearwater, Florida, 1990.
- (en) Jon Ronson, « Beset by lizards », The Guardian UK, (consulté le )
- (en) David Icke et Neil Hague, The biggest secret, , 517 p. (ISBN 978-0-9526147-6-0)
- (en) David Icke et Neil Hague, Human race get off your knees : the lion sleeps no more, , 517 p. (ISBN 978-0-9526147-6-0)
- (en) Maximillien De Lafayette, Anunnaki Genetic Creation of the Human Races, Demons and Spirits., , 3e éd., 282 p. (ISBN 978-0-557-64421-6), p. 359
- « Les reptiliens, une théorie du complot qui a la peau dure », RTBF (consulté le ) : « Les adeptes de ce mythe y croient tant et si fort qu'ils vont voir du reptilien partout : Emmanuel Macron, Barack Obama, Katy Perry, la Reine Elizabeth II ou encore Mark Zuckerberg. Les dinosauroïdes infiltreraient donc les sphères politiques et médiatiques pour contrôler les masses et assurer leur propre survie. ».
- Emmanuel Kreis et Stéphane François, « Littérature ufologique et dérives conspirationnistes (1/2) », sur Conspiracy Watch, 2009a.
- Emmanuel Kreis et Stéphane François, « Littérature ufologique et dérives conspirationnistes (2/2) », sur Conspiracy Watch, 2009b.
- (en) Susie Mesure, « David Icke is not the Messiah. Or even that naughty. But boy, can he drone on », The Independent, (lire en ligne , consulté le ).
- (en-US) Michael Barkun, A Culture of Conspiracy : Apocalyptic Visions in Contemporary America, University of California Press, , 243 p. (ISBN 978-0-520-24812-0, lire en ligne)
- Théophile Robert-Rimsky, « Traquer les reptiliens, dévoiler la vérité », Ateliers d’anthropologie. Revue éditée par le Laboratoire d’ethnologie et de sociologie comparative, no 52, (ISSN 1245-1436, DOI 10.4000/ateliers.17060, lire en ligne, consulté le )
- « Théories du complot, conspirationnisme : de quoi parle-t-on ? / Afis Science - Association française pour l’information scientifique », sur Afis Science - Association française pour l’information scientifique (consulté le ) : « Dans la plupart des cas, comme le note le politologue Michael Barkun, ces théories sont incompatibles avec les explications officielles ou dominantes et, en tant que telles, « elles s’opposent à l’orthodoxie sur le sujet concerné ». »
- (en-GB) Paul Harris, « One in four Americans think Obama may be the antichrist, survey says », The Guardian, (ISSN 0261-3077, lire en ligne, consulté le ).
Bibliographie
[modifier | modifier le code]- Jamie King, Conspiracy Theories: A Guide to the World's Most Intriguing Mysteries, Summersdale Publishers LTD - ROW, 2015.