Quatorzième gouvernement de l'État espagnol
de l'État espagnol
Decimoquinto gobierno
del Estado español
Président du gouvernement | Carlos Arias Navarro |
---|---|
Formation | |
Fin | |
Durée | 1 an, 2 mois et 8 jours |
Le Quatorzième gouvernement de l'État espagnol (Decimocuarto gobierno del Estado español) était le gouvernement du royaume d'Espagne, du au .
Contexte
[modifier | modifier le code]Le , Luis Carrero Blanco président du gouvernement depuis 6 mois, est tué par quatre membres d'ETA-organisation indépendantiste basque- en faisant exploser une bombe[1] au passage de sa voiture. Cet attentat met en péril le processus de succession imaginé par Franco : rétablir la monarchie- en la personne de Juan Carlos de Borbón- tout en assurant la continuité du Franquisme, en nommant son fidèle collaborateur depuis 1941 à la tête du gouvernement. Cette assassina plonge le régime Franquiste dans une incertitude, voir un trouble manifeste parmi ses membres. Car au-delà de la perte de Luis Carrero Blanco, c'est son rôle clés dans la future succession qui rabat les cartes politique au sein des cadres et haut-fonctionnaires du régime[2].
La logique fait que Torcuato Fernández Miranda, qui assure l'intérim du gouvernement depuis l'attentat, soit confirmé à sa tête. Mais il a contre lui l'hostilité des vieux phalangistes et de l'entourage de Franco. Ce dernier pense dans un premier temps nommer l'amiral Nieto Antúnez. À la surprise générale, l'homme qui succède à Carrero est Carlos Arias Navarro, ci-devant Ministre de l'Intérieur responsable de la sécurité de l'amiral.
Magistrat de formation, Arias Navarro s'est illustré pendant la guerre par la sévérité avec laquelle il a dirigé, à Malaga, la répression contre les républicains. Ayant une longue carrière dans l'appareil d'État politique et répressif du franquisme, il a peu d'affinités avec le prince Juan Carlos, qui d'ailleurs ne sera pas consulté lors de la formation du gouvernement[3].
Composition
[modifier | modifier le code]Historique du gouvernement
[modifier | modifier le code]La composition du gouvernement révèle aux observateurs extérieurs les contradictions et l'épuisement de l'élite Franquiste ayant pour conséquence d'entraver son action politique, voir son autorité [6]. La majeure partie des ministres du précèdent gouvernement sont remerciés : sur un total de 19 ministres, 8 sont conservés.
Les phalangistes retrouvent la direction du Mouvement national en la personne de José Utrera Molina, le Ministère des Relations syndicales avec Alejandro Fernández Sordo et, plus anecdoctiquement, le Logement avec Luis Rodríguez de Miguel.
Pourtant le poste de l'Information et du Tourisme est attribué à Pío Cabanillas, ancien collaborateur de Manuel Fraga et proche des réformateurs.
Cabanillas ainsi que son collègue de l'Agriculture, Tomás Allende y García-Baxter vont être les inspirateurs d'un programme politique d'ouverture dont Arias Navarro reprendra à son compte dans son discours de politique générale prononcé devant les Cortès le .
Parmi les grandes lignes, on retiendra :
- L'élection des maires et des présidents des assemblées provinciales.
- L'incompatibilité de certaines charges politiques avec la fonction de parlementaire.
- Création d'un statut pour les associations syndicales et les associations politiques.
Suscitant la réaction positive de la presse et du clan des réformateurs (Tácito), le discours d'Arias entraîne l'hostilité du bunker. À partir de là, le clivage entre réformateurs et immobilistes va mener à un affrontement politique jusqu'au sein même du gouvernement. S'ajoutant à cela l'ambivalence, les hésitations et parfois son incompréhension face à la portée de son propre discours, Carlos Arias Navarro n'assume pas[7] et se contente de calmer les inquiétudes du búnker tout en évitant de prendre position entre réformistes et immobilistes.
Et très vite, le gouvernement se trouva confronté à une série de problèmes, tant nationale qu'internationale, qui mirent en évidence les limites de la politique d'ouverture.
Le premier accroc fut l'« affaire Anoveros » : le , l'évêque de Bilbao, Antonio Añoveros Ataún (es) fit lire dans les églises de son diocèse une homélie dénonçant la répression et revendiquant l'autodétermination du Pays basque. Qualifié d'« attaque très grave contre l'unité nationale espagnole » par le gouvernement, celui-ci plaça Antonio Añoveros en résidence surveillée. La médiation, entre Vicente Enrique y Tarancón, président de la Conférence épiscopale espagnole, et Pío Cabanillas d'une part, et surtout la peur de Franco d'une condamnation de son régime par le Vatican, permet d'éviter la rupture avec cette dernière. Le , l'exécution, par strangulation[8], de Salvador Puig i Antich malgré les appels à la clémence venant de la conférence épiscopale espagnole, du Vatican et de la CEE, provoque l'indignation internationale[7].
Ces deux affaires détériorent l'image de fermeté que le gouvernement s'efforçait de donner. De plus, dans un contexte marqué par le terrorisme (ETA, FRAP) et la détérioration des relations du régime avec la hiérarchie catholique, l'extrême droite épie le moindre signe de faiblesse venant de sa part. Cependant, un autre évènement va bousculer les jeux de pouvoir au sein du régime franquiste.
Le , la révolution des Œillets au Portugal aboutit à la chute de la dictature de l'Estado Novo, au pouvoir depuis 1926. L'impact fut énorme dans les rangs du búnker et accentua la pression sur Arias, contre les réformistes en s'en prenant individuellement à eux de façon virulente. Le , le phalangiste José Antonio Girón publia dans Ariba une violente diatribe contre les milieux réformateurs, accusés de noyauter le gouvernement et de préparer la liquidation du régime. L'offensive de Girón contre la politique d'ouverture fut relayée par les membres du búnker, ces derniers ciblant leurs attaques sur Pío Cabanillas.
Un lobbying s'organise autour de Franco, en lui faisant parvenir des dossiers censés réunir des preuves accablantes sur les excès de la presse. Au besoin, ils étaient saupoudrés de photos pornographiques découpées dans des revues étrangères[9].
Tentant de calmer les esprits, Arias fait diversion en destituant le chef du haut état major, le lieutenant-général Manuel Díez-Alegría (es), ce dernier défend le principe de la professionnalisation de l'armée et de sa soumission au pouvoir civil, à la plus grande horreur du búnker. Reprenant l'initiative, il annonce le lendemain que les potentiels futurs associations politiques ne « pourraient avoir d'autre cadre que les principes fondamentaux [du régime] » et précise sa pensée a propos de l'esprit du : « Il ne peut ni ne veut être différent de l'esprit permanent et intangible du régime de Franco depuis sa fondation »[9].
L'hospitalisation de Franco et l'intérim assuré par le prince Juan Carlos entre le et le obligent les réformateurs et le búnker à une trêve. Mais la présentation de la Junta Democrática de España par le Parti communiste, l'attentat de la cafétéria Rolando[10] et les diverses fuites dans la presse à propos de la corruption dans l'entourage même de Franco, accrurent la nervosité des ultras du régime.
Cependant, le lobbying anti-Cabanillas envers Franco porte ses fruits, puisque ce dernier exige la démission du ministre de l'Information et du Tourisme le . En solidarité avec Pío Cabanillas, le ministre des Finances, Antonio Barrera de Irimo démissionne.
le , le Conseil national approuva le statut des associations politiques. Le texte fut bien-sûr, éloigné de la volonté initiale des réformateurs : le contenu est très restrictif puisque le contenu juridique de la loi ne pouvait s'exercer qu'au sein du Mouvement. Le búnker rejette en bloc le texte. Les réformateurs se divisent sur le texte et préfèrent boycotter les statuts.
Face à la défiance des deux camps, qui ne lui accordent plus guère crédit politique, Arias réagit en essayant de limiter l'influence du búnker. Histoire de s'accorder les bonnes grâces des réformateurs, il purgea la plupart des éléments « Ultra » de la presse du Mouvement. Provoquant l'ire de ces derniers, Arias procéda à un remaniement ministériel lui permettant de former son deuxième gouvernement, le .
Notes et références
[modifier | modifier le code]- article du Monde libertaire no 1509 (20 mars 2008), intitulé « État et ETA ».
- Marcel Niedergang, « La composition du gouvernement Arias Navarro marquerait un raidissement du régime espagnol Les activités de l'ETA en France suscitent le mécontentement de Madrid », sur Le Monde, Le Monde, (consulté le )
- Luis Carrero Blanco avait consulté Juan Carlos de Borbón, estimant probable que le 13e gouvernement soit le premier de l'après-franqisme vue l'avancement de la maladie de Franco.
- du au
- du au
- Francisco Campuzano, L'élite Franquiste et la sortie de la dictature, l'Harmattan, P-141
- Thierry Maurice, La Transition Démocratique (l'Espagne et ses ruses mémorielles 1976-1982), Presses universitaires de Rennes, p. 98
- à l'aide d'un garrot (garrote vil en espagnol)
- Francisco Campuzano, L'élite Franquiste et la sortie de la dictature, L'Harmattan, p. 145-147.
- Atentado de la cafetería Rolando (es)
Bibliographie
[modifier | modifier le code]- Francisco Campuzano (préf. Guy Hermet), L'élite Franquiste et la sortie de la dictature, Paris, l'Harmattan, , 263 p. (ISBN 2-7384-5888-2)
- Thierry Maurice, La transition démocratique : l'Espagne et ses ruses mémorielles (1976-1982), Rennes, Presses Universitaires de Rennes, , 413 p. (ISBN 978-2-7535-2232-9)