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Dual d'un espace vectoriel topologique

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.

En mathématiques, en vue d'un certain nombre d'applications (théorie des distributions[1], des hyperfonctions, et leur utilisation notamment pour l'étude des équations aux dérivées partielles[2],[3],[4]), il est nécessaire de développer et d'étudier la notion de dual d'un espace vectoriel topologique, plus générale que celle de dual d'un espace vectoriel normé. Néanmoins, la théorie de la dualité n'est fructueuse et utile que dans le cadre des espaces localement convexes, dont la théorie a été fondée par Andreï Kolmogorov[5] et John von Neumann en 1935[6]. La théorie de la dualité dans ces espaces s'est développée dans les années suivantes, avec les contributions importantes de Gottfried Köthe (sur les espaces de suites)[7], de Jean Dieudonné[8] et de George Mackey[9],[10] ; puis l'article cosigné par Jean Dieudonné et Laurent Schwartz[11], sa généralisation par Nicolas Bourbaki[12], les travaux d'Alexandre Grothendieck[13],[14],[15],[16], enfin la parution entre 1953 et 1955 de la première édition du Livre des Éléments de mathématique de N. Bourbaki consacré aux espaces vectoriels topologiques[17], en ont marqué la maturité[18],[19]. Une première approche consiste à considérer deux espaces vectoriels E et F (sans topologie a priori) et à les mettre en dualité au moyen d'une forme bilinéaire, si possible non dégénérée. Une autre approche consiste à partir d'un espace localement convexe E, puis considérer son dual topologique  ; dans ce cas, E et sont naturellement mis en dualité au moyen de la « forme bilinéaire canonique ». Tous les résultats obtenus dans la première approche sont valides dans la seconde ; suivant la nature de l'espace localement convexe E, on peut obtenir certaines propriétés supplémentaires[20].

Espaces en dualité

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Définition et propriétés élémentaires

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Soit E et F deux espaces localement convexes sur le corps k des réels ou des complexes. Ils sont mis en dualité si l'on s'est donné une forme bilinéaire .

On appelle topologie faible sur E (resp. sur F) définie par la dualité entre E et F la topologie la moins fine rendant continues les formes linéaires (resp. ). Cette topologie est notée (resp. ). La topologie est définie par les semi-normes et elle est donc localement convexe.

La topologie est séparée si, et seulement si pour tout dans E, il existe tel que . Dans ce cas, on peut identifier E à un sous-espace vectoriel du dual algébrique de F en identifiant x avec la forme linéaire (l'application linéaire étant injective de E dans ).

Lorsque la forme bilinéaire B est non dégénérée (ce qu'on suppose dans ce qui suit), on dit que E et F sont en dualité séparante ; E s'identifie alors à un sous-espace de (en identifiant, comme ci-dessus, un élément x de E avec la forme linéaire ), F à un sous-espace de (en identifiant de la même manière un élément y de F avec une forme linéaire ), B à la restriction à de la forme bilinéaire canonique , et on écrit .

Ensembles polaires

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Soit M une partie de E. On appelle polaire de M dans F l'ensemble [21] des tels que pour tout [22].

Cet ensemble contient 0 et est convexe, fermé dans F pour la topologie σ(F, E). On a et .

En conséquence du théorème de Hahn-Banach, le bipolaire est l'enveloppe convexe fermée de pour la topologie σ(E, F) (« théorème des bipolaires »). En particulier si M est convexe et contient 0, son bipolaire est simplement son adhérence dans E pour la topologie σ(E, F).

Si M est même un sous-espace vectoriel de E, alors le fermé est égal à , qui est un sous-espace vectoriel de F.

Topologie quotient

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Soit M un sous-espace vectoriel de E et considérons l'espace quotient . Soit est l'image canonique de y dans . Il est immédiat que la forme bilinéaire est bien définie et non dégénérée, et met donc en dualité séparante M et .

Pour que la topologie quotient, induite sur par , soit identique à la topologie , il faut et il suffit que M soit fermé dans E pour la topologie .

Transposée d'une application linéaire continue

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Soit , deux couples d'espaces vectoriels en dualité séparante. Pour faciliter la lecture de ce qui suit, écrivons et (en notant bien qu'ici, et ne désignent pas les duals d'espaces vectoriels topologiques donnés a priori E et F). Les espaces E, F, et sont munis des topologies faibles.

Théorème et définition — 

(1) Soit une application linéaire. Les conditions suivantes sont équivalentes :

(a) u est continue ;
(b) il existe une application telle que l'on ait

pour tous et .

Dans ces conditions, v est unique ; elle est linéaire et continue.

(2) L'application v ci-dessus est appelée la transposée de u et est notée . On a .

Dans la suite, l'application linéaire u est supposée continue ; on a les résultats suivants :

Proposition — 

(1) On a

,

(2) Pour que u soit un morphisme strict, il faut et il suffit que soit un sous-espace fermé de .

Voyons une conséquence de ce qui précède en utilisant le langage des suites exactes : soit , , trois couples d'espaces vectoriels en dualité séparante, et considérons une suite d'applications linéaires continues (au sens des topologies faibles)

(S):

Soit la « suite duale »

(S'): .

Pour que la suite (S) soit exacte, il faut et il suffit que

(a) ,
(b) soit dense dans ,
(c) soit un morphisme strict de dans .

Par conséquent, si la suite (S) (resp. (S')) est exacte et si (resp. ) est un morphisme strict, alors la suite (S') (resp. (S)) est exacte. (Ce résultat est valide avec des topologies fortes si E, F et G sont des espaces de Fréchet-Schwartz.)

Dual d'un espace localement convexe

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Généralités

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Soit maintenant E un espace localement convexe sur le corps k des réels ou des complexes ; notons sa topologie, dite initiale. Notons son dual topologique, à savoir l'espace des formes linéaires continues pour la topologie , et son dual algébrique ().

La forme bilinéaire canonique est l'application (où , ). Elle met E et en dualité séparante.

Soit  ; alors si, et seulement si son noyau H est un hyperplan fermé dans E.

La condition est évidemment nécessaire. Montrons qu'elle est suffisante : si H est fermé, l'espace quotient est un espace localement convexe séparé de dimension 1 sur k. On a est la surjection canonique de E sur , et est donc continue, et où g est une forme linéaire sur , et est donc continue puisque est de dimension finie.

La topologie est appelée la topologie affaiblie sur E. Elle est moins fine que .

Topologies sur le dual

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Bornologies et espaces disqués

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  • Soit X un ensemble et un ensemble de parties de X. On dit que est une bornologie si (a) toute partie d'un élément de est un élément de  ; (b) toute réunion finie d'éléments de est un élément de  ; (c) tout singleton appartient à [23]. Une base d'une bornologie est un sous-ensemble de tel que tout élément de est inclus dans un élément de . Si X est un espace vectoriel sur le corps k des réels ou des complexes, une bornologie sur X est dite compatible avec la structure vectorielle de X (ou est dite « vectorielle ») si, de plus, les propriétés suivantes sont satisfaites : (d) si , alors , (e) si et , alors . On dit alors que X, muni de la bornologie , est un espace vectoriel bornologique, que l'on note [24]. Soit le dual algébrique de X ; pour tout et tout , soit
(où est la forme bilinéaire canonique) et soit l'ensemble des tels que pour tout . Il est immédiat que est un sous-espace vectoriel de et que les , forment une famille de semi-normes sur qui en fait un espace localement convexe, dual de l'espace vectoriel bornologique . Cet espace est séparé et sa topologie est celle de la convergence uniforme sur les éléments de . Si , la bornologie est dite plus fine que , car l'application identité est bornée (i.e. transforme un borné de en un borné de ).
  • Soit E un espace localement convexe. Rappelons qu'un ensemble est dit borné s'il est absorbé par tout voisinage de 0. On dit qu'une bornologie de E est compatible avec la topologie de E (ou est dite adaptée) si pour tout , A est borné et son adhérence est bornée. Un espace localement convexe muni d'une bornologie adaptée est appelée un espace disqué. On obtient un espace disqué à partir d'un espace localement convexe en prenant comme bornologie, par exemple, l'ensemble des bornés de E (bornologie canonique) ou l'ensemble des parties précompactes de E; ou encore, si E est séparé, en prenant comme base de la bornologie les « disques » compacts (un disque est une partie convexe équilibrée).
  • Dans tout ce qui suit, E est un espace localement convexe, est son dual topologique et est une bornologie de E. Soit F un second espace localement convexe. On note l'espace des applications linéaires continues de E dans F, muni de la -topologie, à savoir la topologie de la convergence uniforme sur les parties de . Sur , la -topologie est localement convexe et coïncide avec la -topologie où est la plus petite bornologie adaptée à E contenant (ou, en d'autres termes, la topologie adaptée à E engendrée par )[25].
  • Ceci s'applique dans le cas où F = k, donc où , et est alors noté . Sauf avis du contraire, désigne une bornologie adaptée à E; quand cela ne sera pas le cas, la plus petite bornologie adaptée à E contenant sera notée . La famille des polaires des éléments de forme une base de voisinages de 0 dans . On a (autrement dit, la bornologie est plus fine que ) si, et seulement si la -topologie de est moins fine que sa -topologie, autrement dit tout ouvert dans est ouvert dans  ; à l'inverse, tout ensemble précompact dans est précompact dans .

Principales topologies sur le dual

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Les bornologies les plus usuelles dont les suivantes :

(1) , ensemble des parties finies de E. La topologie est appelée la topologie faible de . On précise parfois qu'il s'agit de la « topologie *-faible » pour la distinguer de la « topologie faible » . La bornologie n'est pas adaptée à E, et est la bornologie adaptée la plus fine, constituée des ensembles A inclus dans un sous-espace de dimension finie et bornés dans cet espace[26].
(2) , ensemble des parties convexes compactes de E, si E est séparé.
(3) , ensemble des parties compactes de E, si E est séparé.
(4) , ensemble des parties relativement compactes de E, si E est séparé.
(5) , ensemble des parties précompactes de E.
(6) , ensemble des parties bornées de E. Cette bornologie est dite canonique, et la topologie est appelée la topologie forte de .

Les -topologies ci-dessus vont de la moins fine à la plus fine (tandis que les bornologies vont de la plus fine à la moins fine).

Parties équicontinues du dual de E

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Dans ce qui suit, (resp. ) désigne l'espace vectoriel E muni de la topologie initiale (resp. la topologie faible ). Quand on parle ci-dessous de polaire, c'est relativement à la dualité entre E et .

  • Rappelons qu'une partie M de est équicontinue si, et seulement si
pour tout il existe un voisinage V de 0 dans tel que pour tous et .
  • Si M est une partie de , on montre facilement que les conditions suivantes sont équivalentes :
(a) M est équicontinue ;
(b) M est incluse dans le polaire d'un voisinage de 0 dans  ;
(c) le polaire de M est un voisinage de 0 dans .

Par conséquent, la topologie est identique à la topologie de la convergence uniforme sur les parties équicontinues de .

Les parties équicontinues de sont bornées dans , et les parties bornées de sont bornées dans . Le résultat qui suit est appelé le théorème de Banach-Alaoglu-Bourbaki ; il généralise le théorème de Banach-Alaoglu, valide dans le cas des espaces de Banach[27] :

Théorème — Toute partie équicontinue de est relativement compacte pour la topologie faible .

On a la caractérisation suivante des espaces tonnelés :

Théorème — Soit E un espace localement convexe. Les conditions suivantes sont équivalentes :

(a) E est tonnelé ;

(b) les parties équicontinues du dual de E coïncident avec les parties bornées de .

Procédons à la classification des parties bornées du dual de E :

(a) les ensembles équicontinus ;
(b) les ensembles dont l'enveloppe équilibrée fermée convexe est compacte pour la topologie *-faible  ;
(c) les ensembles relativement compacts pour la topologie *-faible (on dit encore : les ensembles *-faiblement relativement compacts) ;
(c') les ensembles fortement bornés ;
(d) les ensembles *-faiblement bornés (ou, de manière équivalente, les ensembles *-faiblement précompacts).

Dans le cas général, (a) (b) (c) (d), (b) (c') (d).

Les cas particuliers sont : (a) = (b) si, et seulement si E est un espace de Mackey (voir infra), (a) = (c') si, et seulement si E est un espace infratonnelé (une condition suffisante pour qu'on ait cette égalité est donc que E soit bornologique), (b) = (d) si, et seulement si est quasi complet pour la topologie , (c') = (d) si E est semi-réflexif (voir infra) ou semi-complet (en particulier, si E est quasi complet), (a) = (d) si, et seulement si E est un espace tonnelé (théorème de Banach-Steinhaus).

En outre, si E est un espace localement convexe tonnelé et semi-complet, les ensembles ci-dessus coïncident avec :

(e) les ensembles bornés pour la -topologie de , pour toute bornologie adaptée .
  • La considération des sous-ensembles équicontinus de permet d'obtenir un critère de complétude de E, dû à Grothendieck[13] :
Soit E un espace localement convexe séparé. Les conditions suivantes sont équivalentes :
(i) E est complet ;
(ii) une forme linéaire sur est continue si, et seulement si sa restriction à toute partie équicontinue M de est continue (pour ).

Propriétés du dual

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Soit E un espace localement convexe séparé et une bornologie.

On a vu plus haut que est un espace localement convexe séparé.

Si E est un espace tonnelé, est quasi complet.

Si E est un espace bornologique, le dual fort est complet (et c'est un espace (DF) si E est métrisable).

Si E est un espace normé (donc bornologique), est normé complet, donc un espace de Banach.

Topologies de E compatibles avec la dualité

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Soit E et F deux espaces en dualité séparante, et considérons de nouveau, pour tout , la forme linéaire sur E. Soit une topologie localement convexe sur E. Elle est dite compatible avec la dualité entre E et F si est une bijection de F sur le dual de l'espace localement convexe obtenu en munissant E de .

La topologie est évidemment compatible avec la dualité. Le résultat suivant est dû à Mackey :

Théorème et définition — (1) On appelle topologie de Mackey la -topologie où est l'ensemble des parties convexes de F, compactes pour . Cette topologie est notée .

(2) La topologie est compatible avec la dualité entre E et F si, et seulement si elle est plus fine que et moins fine que .

Les parties convexes fermées dans E et les parties bornées dans E sont les mêmes pour toutes les topologies localement convexes compatibles avec la dualité entre E et F. On peut donc parler d'une partie fermée convexe ou d'une partie bornée de E, sans précision de la topologie.

Soit maintenant E un espace localement convexe séparé. Sa topologie est compatible avec la dualité entre E et , par conséquent est moins fine que . Si elle coïncide avec , E est appelé un espace de Mackey (en) (les espaces infratonnelés et les espaces bornologiques - donc les espaces localement convexes métrisables - sont des espaces de Mackey). Soit de dual de E ; la topologie est moins fine que  ; si E est quasi complet, , et ces trois topologies sont donc moins fines que .

Soit E et F des espaces localement convexes et une application continue. Alors elle est faiblement continue (i.e. elle est continue pour les topologies et ). Inversement, si u est faiblement continue, elle est continue pour les topologies de Mackey et  ; en particulier, elle est continue pour les topologies et si E est un espace de Mackey.

Transposée d'une application linéaire continue

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Soit et deux espaces localement convexes séparés, ayant pour duals et , et une application linéaire continue (i.e. continue pour les topologies , ). Puisqu'elle est faiblement continue, elle admet une transposée faiblement continue. On montre que est continue pour toutes les -topologies est intermédiaire entre et , ainsi que pour les topologies de Mackey ().

Définition

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  • Soit E un espace localement convexe séparé et son dual fort. La topologie n'est pas, en général, compatible avec la dualité entre et E, autrement dit la topologie forte est plus fine que la topologie de Mackey et, en général, ne coïncide pas avec celle-ci. Le dual de est noté et est appelé le bidual de E.

Soit  ; l'application est continue pour , donc a fortiori pour . On a pour tout si, et seulement si

puisque E est séparé. Par suite, l'application linéaire est une injection de E dans , dite canonique.

  • La topologie forte sur , à savoir , est la -topologie, où est l’ensemble des parties bornées de . Comme on l'a vu plus haut, la topologie est la -topologie, où est l’ensemble des parties équicontinues de . Puisque tout ensemble équicontinu de est fortement borné, , et la topologie est donc moins fine que la topologie induite sur E par . Ces deux topologies coïncident si E est bornologique ou tonnelé, puisque dans ce cas les parties équicontinues de coïncident avec les parties fortement bornées.

En particulier, si E est un espace localement convexe métrisable, il est bornologique ; son bidual fort est alors un espace de Fréchet, et E est un sous-espace vectoriel topologique de , fermé dans si E est lui-même un espace de Fréchet.

  • On définit également sur la topologie dite « naturelle ». Il s'agit de la topologie désigne l'ensemble des parties équicontinues (en l'occurrence, de ). D'après ce qu'on a vu plus haut, cette topologie induit sur E sa topologie initiale (d'où le nom de « topologie naturelle »). Elle est moins fine que (et identique à celle-ci si E est bornologique ou tonnelé) et définit dans les mêmes parties bornées.

Espaces semi-réflexifs

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Un espace localement convexe séparé E est dit semi-réflexif si l'injection canonique est bijective, autrement dit si, en tant qu'espaces vectoriels, E et coïncident.

L'espace E est semi-réflexif si, et seulement si la topologie est compatible avec la dualité entre E et , c'est-à-dire si .

Si E est semi-réflexif, les deux topologies faibles qu'on peut définir sur (à savoir , parfois appelée « topologie *-faible de  », et , « topologie faible de  »), sont donc identiques.

Le théorème qui suit, encore appelé théorème de Banach-Alaoglu-Bourbaki, généralise le critère de Banach-Alaoglu pour la réflexivité des espaces de Banach (compacité faible de la boule unité) :

Théorème — Un espace localement convexe séparé E est semi-réflexif si, et seulement si toute partie bornée de E est relativement compacte dans .

(La conclusion résulte de l'égalité , en tenant compte du fait que l'enveloppe convexe fermée d'une partie bornée de E est encore bornée.)

Un espace E est semi-réflexif si, et seulement si est tonnelé, et cela entraîne évidemment que est tonnelé ; E est alors quasi complet pour les topologies et  ; plus précisément E est semi-réflexif si, et seulement s'il est quasi complet pour sa topologie affaiblie .

D'après ce qu'on a dit plus haut, si E est semi-réflexif, la bijection est telle que sa bijection réciproque est continue.

Espaces réflexifs

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Un espace localement convexe E est dit réflexif s'il est semi-réflexif et si les topologies et coïncident.

Le dual fort d'un espace réflexif E est réflexif.

Théorème — Pour qu'un espace localement convexe séparé E soit réflexif, il faut et il suffit qu'il soit semi-réflexif et tonnelé.

(En effet, si E est réflexif, l'est aussi, donc le dual fort de , à savoir E, est tonnelé. Réciproquement, si E est semi-réflexif, est bijective, et si de plus E est tonnelé, la topologie coïncide avec la topologie forte .)

On peut montrer que E est réflexif si, et seulement si E est semi-réflexif et infratonnelé (par conséquent, un espace semi-réflexif est tonnelé si, et seulement s'il est infratonnelé) ; mais un espace semi-réflexif qui est un espace de Mackey n'est pas nécessairement réflexif. Puisqu'un espace réflexif est semi-réflexif, il est quasi complet, mais il existe des espaces réflexifs qui ne sont pas complets. Le quotient d'un espace semi-réflexif (resp. réflexif) par un sous-espace fermé peut n'être pas semi-réflexif (resp. réflexif) ; en revanche, un sous-espace fermé d'un espace semi-réflexif est semi-réflexif.

Soit E un espace localement convexe. Les conditions suivantes sont équivalentes :

(i) est réflexif ;
(ii) est réflexif ;
(iii) et sont tous deux semi-réflexifs ;
(iv) et sont tous deux tonnelés.

Un produit et une somme directe topologique d'espaces localement convexes semi-réflexifs (resp. réflexifs) est un espace semi-réflexif (resp. réflexif). Une limite inductive stricte d'une suite d'espaces réflexifs est un espace réflexif. Un espace localement convexe semi-réflexif est distingué.

  • Si E est un espace de Fréchet, il est, comme on l'a vu plus haut, un sous-espace vectoriel topologique fermé de son bidual fort , et E est donc non dense dans s'il n'est pas réflexif. S'il est semi-réflexif, il est réflexif puisque c'est un espace de Mackey. Ceci s'applique en particulier aux espaces de Banach.

Cas particuliers

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La théorie de la dualité, telle qu'exposée plus haut, se simplifie notablement dans les cas particuliers étudiés ci-après.

Espaces tonnelés quasi complets

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Le cas des espaces tonnelés quasi complets (ou même complets) est très important car la plupart des espaces rencontrés en analyse fonctionnelle soit ont cette propriété, soit sont les duals d'espaces ayant cette propriété. Cela est dû au fait que les espaces de Fréchet (donc les espaces de Banach) sont tonnelés et complets (donc quasi complets), que la limite inductive d'une famille d'espaces tonnelés est tonnelée, et que la limite inductive stricte d'une suite d'espaces localement convexes quasi complets (resp. complets) est quasi complète (resp. complète). Un espace bornologique quasi complet (ou même semi-complet) est tonnelé et son dual fort est complet.

Rappelons que si E est un espace localement convexe, les parties convexes fermées dans E et les parties bornées dans E sont les mêmes pour toutes les topologies de E compatibles avec la dualité, et en particulier pour la topologie affaiblie et la topologie initiale.

Soit E un espace tonnelé quasi complet. Alors E est un espace de Mackey, donc est un sous-espace vectoriel topologique de son bidual (et ce sous-espace est fermé si E est complet). De plus, les ensembles bornés de , pour toute bornologie de E, sont identiques. On peut donc appeler ces ensembles, sans risque de confusion, les ensembles bornés de . Ces ensembles coïncident avec les ensembles équicontinus, les ensembles *-faiblement relativement compacts et les ensembles *-faiblement précompacts.

En particulier soit E un espace tonnelé et une partie de .

(1) Les conditions suivantes sont équivalentes (théorème de Banach-Steinhaus) :
(a) pour tout voisinage de 0 dans , il existe tel que pour (ceci exprime le fait que est fortement borné) ;
(b) pour tout , il existe un voisinage V de 0 dans tel que pour tous (ceci exprime le fait que est équicontinu) ;
(c) pour tout , est borné dans k (ceci exprime le fait que est *-faiblement borné).
(2) Soit une suite généralisée tendant vers 0 dans  ; alors tend vers 0 dans k (ceci exprime le fait que la forme bilinéaire canonique est -hypocontinue pour tout ensemble de parties bornées de ).

Un espace tonnelé quasi complet E est réflexif si, et seulement s'il est semi-réflexif, donc si, et seulement si toute partie bornée de E est relativement compacte dans (i.e. est faiblement relativement compacte).

Proposition — Un espace localement convexe est tonnelé, quasi complet et réflexif si, et seulement si son dual fort est tonnelé, quasi complet et réflexif.

Si E est un espace tonnelé, quasi complet et réflexif, les propriétés (1) et (2) ci-dessus restent donc valides si l'on échange les rôles de E et . C'est notamment ce qui se produit dans la théorie des distributions[28] puisque, désignant un ouvert de ou une variété différentielle de dimension finie paracompacte, l'espace des fonctions indéfiniment dérivables dans est un espace tonnelé complet réflexif (c'est même un espace de Montel complet).

Espaces de Banach

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Soit E un espace de Banach. Il est tonnelé et complet, donc tout ce qui précède s'applique. De plus, son dual fort est un espace de Banach, ainsi que son bidual fort , et E est un sous-espace de Banach de . Soit et . On a, avec ou

par conséquent la boule unité fermée de est le bipolaire de la boule unité fermée de . Par suite, est l'adhérence de pour la topologie , donc E est dense dans muni de cette topologie. On sait que E est réflexif si, et seulement si la boule unité est compacte pour la topologie affaiblie . Si E et F sont deux espaces vectoriels normés et u une application linéaire continue de E dans F, dont la norme est définie par

on déduit de ce qui précède que .

Notes et références

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  1. Schwartz 1966
  2. Hörmander 1963
  3. Palamodov 1970
  4. Komatsu 1973
  5. Kolmogorov 1935
  6. von Neumann 1935
  7. Ces contributions, tout d'abord effectuées en collaboration avec Otto Toeplitz, dont Köthe était l'élève, s'échelonnent entre 1934 et 1956 (voir notamment la bibliographie de Köthe 1969).
  8. Dieudonné 1942
  9. Mackey 1945
  10. Mackey 1946
  11. Dieudonné et Schwartz 1949
  12. Bourbaki 1950
  13. a et b Grothendieck 1950
  14. Grothendieck 1952
  15. Grothendieck 1954
  16. Grothendieck 1958
  17. Bourbaki 2006
  18. Il y a eu néanmoins depuis 1955 d'innombrables contributions à la théorie des espaces vectoriels topologiques, notamment la théorie de la dualité entre espaces localement convexes et espaces vectoriels bornologiques (Houzel 1972) dont l'influence est du reste sensible au §III.3, n°1 ("Bornologies") de Bourbaki 2006 dans la dernière édition de 1981 : la notion de bornologie, qui s'est développée vers les années 1970, était bien entendu absente des premières éditions de ce livre.
  19. Ferrier 2011.
  20. La présentation qui suit reprend essentiellement (avec quelques simplifications : on s'intéresse surtout aux espaces localement convexes séparés) et de très rares démonstrations celle de Bourbaki 2006, complétée par quelques éléments de Köthe 1969 et Schaefer et Wolff 1999.
  21. Cette notation usuelle pour les polaires (cercle en exposant) est clairement distincte de celle pour les intérieurs (cercle suscrit).
  22. Bourbaki 2006, p. II.47. L'article « Ensemble polaire » donne une définition différente, et seulement dans le cadre euclidien.
  23. Certains auteurs, par exemple (Bourbaki 2006, ne requièrent pas la condition (c), et appellent bornologie couvrante une bornologie pour laquelle cette condition est vérifiée.
  24. Ne pas confondre un espace vectoriel bornologique avec un espace (localement convexe) bornologique. La catégorie des espaces vectoriels bornologique est duale de la catégorie des espaces localement convexes (Houzel 1972).
  25. Bourbaki 2006, Chap. III, §3, Prop. 2
  26. Houzel 1997, §3, Exemple 3.
  27. Le théorème initial de Banach était valide dans le cas des espaces de Banach séparables ; il avait été généralisé par Alaoglu au cas des espaces de Banach quelconques.
  28. Schwartz 1966, §III.3, Thm. IX, X, XI.

Références

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