Droits LGBT en Géorgie
Droits LGBT en Géorgie | |
Localitation de la Géorgie. | |
Dépénalisation de l'homosexualité | Oui (légale depuis 2000) |
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Identité de genre | Non |
Service militaire | Non |
Protection contre les discriminations | Oui |
Mariage | Non |
Partenariat | Non |
Adoption | Non |
Don de sang | Non |
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Les personnes lesbiennes, gays, bisexuelles et transgenres (LGBT) en Géorgie sont confrontées à des défis juridiques que les non-LGBT ne rencontrent pas. En octobre 2024, le Parlement géorgien promeut une loi visant à restreindre la présence et la visibilité des personnes LGBTQ+ dans l'espace public[1].
Légalité
[modifier | modifier le code]Dans l'histoire de la Géorgie, notamment sous le régime tsariste et sous le régime soviétique, l'homosexualité masculine était criminalisée. En 1933, l'article 121 fut ajouté au code pénal pour l'ensemble de l'Union soviétique, interdisant expressément l'homosexualité masculine, punie jusqu'à cinq ans de travaux forcés en prison. Les motifs ayant conduit à l'adoption de cette loi font l'objet d'un débat historiographique. Certains historiens ont suggéré que la promulgation de la loi anti-homosexuelle par Joseph Staline était, à l'instar de son interdiction de l'avortement, une tentative pour augmenter le taux de natalité soviétique. Les autorités soviétiques ont également utilisé cet article contre les mouvements de dissidents, de nombreux militants ayant été arrêtés pour des accusations de sodomie forgées de toutes pièces.
Après que la Géorgie eut obtenu son indépendance de l'Union soviétique en 1991, la pratique susmentionnée a cessé d'être utilisée et il n'y a plus eu de cas enregistré d'article de sodomie ouvertement utilisé contre des opposants politiques. Malgré cela, la liberté sexuelle entre personnes de même sexe n'a été officiellement inscrite dans la loi qu'en 2000, lorsque le gouvernement géorgien a mis en place un code pénal modifié pour respecter les normes établies par le Conseil de l'Europe et la Convention européenne des droits de l'homme[2]. L'âge du consentement pour les relations hétérosexuelles et homosexuelles est fixé à 16 ans, conformément aux articles 140 et 141 du code pénal géorgien[3].
Situation actuelle
[modifier | modifier le code]Malgré cela, l'homosexualité est toujours largement considérée dans la société géorgienne comme une déviation majeure, notamment par rapport aux valeurs très traditionnelles du christianisme orthodoxe — prévalent dans le pays, où il est même religion d'État. D'une manière générale les débats publics sur les questions liées à la sexualité en général ont tendance à être occultés, voire rejetés. Les homosexuels sont souvent la cible d'abus et de violences physiques, souvent activement encouragés par les chefs religieux[4],[5],[6].
Néanmoins, les gouvernements successifs tentent d'aligner le bilan du pays en matière de droits de l'homme sur les exigences de l'intégration européenne et euro-atlantique de la Géorgie. L'ancien premier ministre géorgien, Bidzina Ivanichvili, a déclaré que :
« les minorités sexuelles sont les mêmes citoyens que nous ... et que la société s'y habituera progressivement[7] »
À partir de 2014 (et jusqu'en 2024), les discriminations fondées sur l'orientation sexuelle et l'identité de genre sont interdites. Des tensions dans la rue à propos des droits des LGBT dans le pays ont généré une couverture médiatique sans précédent et une discussion publique sur ce sujet auparavant négligé.
Mais en juin 2019, à l’appel d’un célèbre homme d’affaires et avec le soutien tacite de l’Église orthodoxe géorgienne, des milices sont constituées pour « défendre les valeurs traditionnelles » et « éradiquer le péché et l’hérésie » que représenterait l'homosexualité[8].
Sans attendre les résultats de l'autopsie, des médias dirigés par des proches de l'opposition affirment qu'un journaliste (cadreur) a été tabassé à mort en marge de manifestations contre la tenue d’une marche LGBT+. Le Premier ministre Irakli Garibachvili, qui considérait l'évènement comme étant « inacceptable pour une large part de la société », est par ailleurs l'objet de critiques venant de l'opposition et de militants des droits de l'homme ; ceux-ci s'en prennent aussi à Rêve géorgien, le parti au pouvoir, pour avoir soutenu des groupes homophobes[9]. Cependant, la piste de l'overdose est évoquée après l'expertise préliminaire[10].
En juillet 2023, la marche annuelle des Fiertés de Tbilisi a dû être évacuée à la suite d'une contre-mobilisation organisée par le groupe d’extrême droite Alt-Info[11], les organisateurs de la marche estimant que le groupe d’extrême droite est connecté au gouvernement, et cherche à saboter l'adhésion du pays à l'Union européenne[12]. L'European Pride Organisers Association a critiqué l'État de Georgie pour son inaction[13].
L'utilisation, par les partis conservateurs, de la rhétorique hostile aux droits LGBT est devenu un symbole de l'opposition entre la Russie et l'Occident[14], certains groupes conservateurs ayant commencé à utiliser le terme LGBT pour signifier libéral ou pro-Occident. En , le parti au pouvoir participe notamment à la « Journée de la pureté de la famille », une célébration des valeurs dites « traditionnelles » mise en place par l'église orthodoxe le pour coïncider avec la Journée mondiale contre l'homophobie, la transphobie et la biphobie[15]. Depuis le 3 octobre 2024, soit depuis l'adoption de la loi sur les valeurs familiales et la protection des mineurs, 5 fois plus d'agressions LGBTphobes ont été enregistrées dans les rues[16]. L'inspiration du parlementaire géorgien sur les lois des minorités sexuelles et de genre se fonde sur le modèle de la législation russe, en espérant un rapprochement avec cette grande puissance[17].
Atteintes aux droits humains
[modifier | modifier le code]L'État de Géorgie a été condamné plusieurs fois devant la Cour européenne des droits de l'homme à la suite de diverses violences envers des minorités sexuelles[18].
En 2015, à la suite de l'affaire Identoba (en) v. Georgia, la Cour a déclaré l'État coupable de violations des articles 3 et 11 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, après une contre-manifestation violente lors d'une marche pour l'IDAHOT en mai 2012[19].
En octobre 2020, la Cour a déclaré l'État de Georgie coupable de discrimination dans l'arrêt Aghdgomelashvili et Japaridze c/ Géorgie, à la suite d'un raid policier contre l'ONG Inclusive Foundation en 2009[20],[21].
En novembre 2021, et à la suite de l'arrêt Women’s Initiatives Supporting Group and Others v. Georgia, la Cour déclare que la Géorgie n'a pas respecté les articles 11, 14 et 3 de la convention, à la suite du manque de protection des manifestants lors d'une marche pour l'IDAHOT dans la capitale en mai 2013[22].
Loi sur la « protection des valeurs familiales et des mineurs »
[modifier | modifier le code]Lors d'une conférence en mai 2023 en Hongrie, ainsi que lors d'un discours devant le parlement en juin 2023, le Premier ministre Irakli Garibachvili a déclaré vouloir lutter contre la « propagande » LGBT, en proposant une loi[12], citant une publicité de McDonald's montrant la famille d'Elton John[23].
En , une loi interdisant les transitions de genre et l'adoption par les couples du même sexe est proposée par le parti de centre-gauche Rêve géorgien[24], et une loi interdisant la « propagande LGBT » sur le modèle de celle en vigueur en Russie est proposée en [25]. Le parlement adopte une loi rassemblant les deux en première lecture le [26], une deuxième lecture étant prévu pour le [27].
Lors d'un rassemblement du parti Rêve géorgien le , ses responsables ont annoncé vouloir constitutionnaliser des lois anti LGBT, ayant besoin pour cela de 113 sièges sur 150[28].
Le , le projet de loi sur la « protection des valeurs familiales et des mineurs » est adopté par le Parlement en deuxième lecture par 81 votes pour et 0 contre. La loi est complétée par des amendements à dix-huit lois, destinés à priver les personnes LGBT de leurs droits[29],[30].
Le , la loi est adoptée[31] avec 84 voix en faveur et 0 contre[32]. Le Premier ministre Irakli Kobakhidze a indiqué que 91 % de la population soutient la mesure[33]. L'Union européenne envisage alors suspendre l'accord de libre circulation passé en 2017 avec la Géorgie[33], et des militants poussent à faire retirer la Géorgie de la liste des pays d'origine sûr pour les réfugiés LGBTQ+[34].
Le , la présidente Salomé Zourabichvili refuse de signer la loi et la renvoie devant le parlement[35]. Le , le président du Parlement promulgue la loi[36]. Josep Borrell, chef de la diplomatie européenne, dénonce le texte, qu'il considère comme une « atteinte aux droits fondamentaux et augmentera la discrimination et la stigmatisation »[37]. Après le passage de la loi, l'Union européenne annonce le suspendre le versement de 121 millions d'euros d'aide économique au pays[38].
Cinéma
[modifier | modifier le code]Et puis nous danserons (And Then We Danced) de Levan Akin, sélectionné et présenté en avant-première mondiale dans la « Quinzaine des réalisateurs » au festival de Cannes en . Il s’agit du premier long métrage LGBT en Géorgie[39].
Notes et références
[modifier | modifier le code]- LIBERATION et AFP, « En Géorgie, la loi restreignant les droits LGBT+ promulguée par le président du Parlement », sur Libération (consulté le )
- « State-sponsored Homophobia: A world survey of laws prohibiting same sex activity between consenting adults » [archive du ]
- Rapport sur la mise en œuvre de la Convention relative aux droits de l'enfant par la Géorgie - Un rapport préparé pour le Comité des droits de l'enfant à sa 34e session - Genève, septembre 2003 Genève, Suisse. Récupéré. 25 juin 2011.
- « Global Rights report on Georgia (country) » [PDF], (version du sur Internet Archive)
- De préjugés à égalité: étude des attitudes de la société, des connaissances et des informations concernant la communauté LGBT et leurs droits
- Une foule dirigée par des prêtres attaque les défenseurs des droits des homosexuels en Géorgie
- Commentaires du PM sur un rassemblement planifié pour les droits des homosexuels 14 mai 2013
- « Société. Des milices armées se constituent en Géorgie contre les LGBT », Courrier international, (lire en ligne, consulté le )
- « Géorgie : un journaliste meurt après une agression par des militants d’extrême droite », Le Monde, (lire en ligne)
- (en) « Georgians protest over death of journalist beaten in attack on LGBT+ supporters », Reuters, (lire en ligne)
- (en) Gabriel Gavin et Dato Parulava, « LGBT+ Pride event in Georgia evacuated as far-right protesters storm site », Politico, (lire en ligne, consulté le )
- (en) Dato Parulava, « Georgia's crackdown on queer rights contradicts its EU ambitions », Politico, (lire en ligne, consulté le )
- (en) Jake McKee, « EuroPride slams Georgian government ‘incompetence’ after Tbilisi Pride attack », PinkNews, (lire en ligne, consulté le )
- (en) Amy Mackinnon, « The Geopolitical Fault Line Behind the Attack on Tbilisi Pride », Foreign Policy, (lire en ligne, consulté le )
- Faustine Vincent, « Géorgie : la « Journée de la pureté de la famille », une démonstration de force pour le gouvernement », Le Monde, (lire en ligne)
- « En Géorgie, la communauté LGBT suspendue aux législatives », sur https://tetu.com/ (consulté le )
- « Géorgie : la nouvelle loi anti-LGBT promulguée », sur https://tetu.com/ (consulté le )
- (en) Ian Isaac, « LGBTI Hate Crimes in the Republic of Georgia: Continuing Struggles Despite Reform »,
- (en) Lourdes Peroni, « Bias and Violence in Identoba and Karaahmed: The Difference Some Differences Make? »,
- (en) « Georgian police abused LGBT+ activists with strip searches, court rules », Reuters, (lire en ligne, consulté le )
- (en) Natasa Mavronicola et Laurens Lavrysen, « Aghdgomelashvili and Japaridze v Georgia: a further step in the direction of Article 3’s dignitarian promise? »,
- (en) Aileen McColgan, « Women’s Initiatives Supporting Group & Ors v Georgia »,
- (en) « PM condemns “extreme LGBT propaganda” in McDonald's, foreign kindergartens, schools », Front News, (lire en ligne, consulté le )
- (en) Gabriel Gavin et Dato Parulava, « Georgia wants to ban changing gender in sweeping new anti-LGBTQ+ law », Politico, (lire en ligne)
- (en) Gabriel Gavin, « Georgia introduces Russian-style crackdown on LGBTQ+ rights », Politico, (lire en ligne)
- Faustine Vincent, « En Géorgie, les LGBT+, nouveau bouc émissaire du pouvoir : « C’est une persécution à grande échelle » », Le Monde, (lire en ligne)
- (en) « Georgian ‘LGBT propaganda’ bill passes first reading », OC Media, (lire en ligne)
- (en) « Ruling Party Seeks Constitutional Majority to Ban Opposition, “Gay Propaganda,” Two Other Cryptic Reasons », Civil Georgia (en), (lire en ligne)
- (en) « EU “Deplores” Advance of Anti-LGBT Legislation in Georgia », Civil Georgia (en), (lire en ligne).
- Faustine Vincent, « Répression de l’opposition, projet de loi anti-LGBT : en Géorgie, le programme de Rêve géorgien sème l’inquiétude avant les élections », Le Monde, (lire en ligne, consulté le )
- « En Géorgie, la loi restreignant les droits des personnes LGBT+ adoptée par le Parlement », Le Monde, (lire en ligne)
- « Géorgie : la loi sur les "valeurs familiales" restreignant les droits des LGBT + adoptée par le Parlement », RTBF, (lire en ligne)
- (en) Gabriel Gavin, « Georgian PM blasts EU for visa ‘blackmail’ as election crackdown looms », Politico, (lire en ligne)
- (en) Joanna Gill, « Georgia LGBTQ+ refugees say Europe safe lists put them at risk », Context.news, (lire en ligne)
- « Géorgie: la présidente pro-européenne refuse de signer la loi restreignant les droits LGBT+ », RFI, (lire en ligne)
- « Géorgie: la loi restreignant les droits LGBT+ promulguée par le président du Parlement », Mediapart, (lire en ligne, consulté le )
- « Géorgie : la loi restreignant les droits LGBT + promulguée par le président du Parlement », Le Télégramme, (lire en ligne, consulté le )
- (en) Gabriel Gavin, « EU strips Georgia of €121M in funding over ‘democratic backsliding’ », Politico, (lire en ligne)
- Ludovic Béot, « Le réalisateur de “Et puis nous danserons” : “En Géorgie, la Gay Pride est attaquée par des milliers de personnes” », Les Inrocks, (lire en ligne)