[go: up one dir, main page]

Aller au contenu

Bataille de Tora Bora

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.
Bataille de Tora Bora
Description de cette image, également commentée ci-après
Frappes aériennes sur Tora Bora photographiées par un membre de l'équipe Juliet Forward
Informations générales
Date 12 -
Lieu District de Pachir Aw Agam, province de Nangarhar, en Afghanistan
Issue

Victoire tactique de la coalition menée par les États-Unis mais échec stratégique

  • Chute du gouvernement taliban
  • Début de l'insurrection des talibans
  • Fuite d'Oussama ben Laden.
Belligérants
Drapeau des États-Unis États-Unis
Drapeau du Royaume-Uni Royaume-Uni
Drapeau de l'Allemagne Allemagne
Alliance du Nord
Émirat islamique d'Afghanistan

Al-Qaïda

Commandants
Drapeau des États-Unis Tommy Franks
Bismillah Khan Mohammadi
Hazrat Ali
Zaman Ghamsharik
Drapeau des États-Unis « George », major « Dalton Fury »
Oussama ben Laden
Forces en présence

2 000 hommes

Drapeau des États-Unis
7 hommes de la CIA Team Juliet
13 hommes de l'ODA 572
~ 50 hommes de la Task Force 11

Drapeau du Royaume-Uni
12 hommes du SBS
~ 300-1000 hommes
Pertes

Inconnues

Drapeau des États-Unis Drapeau du Royaume-Uni
Aucune
200 tués[2]
60 capturés

Coordonnées 34° 07′ nord, 70° 13′ est
Géolocalisation sur la carte : Afghanistan
(Voir situation sur carte : Afghanistan)
Bataille de Tora Bora

La bataille de Tora Bora est une opération militaire qui se déroule en décembre 2001 dans la province afghane de Nangarhâr entre les Talibans et leurs alliés d'une part, l'Alliance du Nord et les forces de l'OTAN d'autre part après les attentats du 11 septembre 2001 dans les montagnes de Tora Bora. Lors de cette bataille, sur le point d'être capturé ou tué, Oussama ben Laden parvient à s'enfuir.

Localisation de Tora Bora

Le mois de a vu l'effondrement du pouvoir des Talibans sous les coups de la coalition menée par l'Alliance du Nord et les Américains. Après la prise de Kaboul (), les coalisés ont détruit l'essentiel des forces talibanes. Certaines des forces en fuite, en particulier des djihadistes non-afghans entraînés par Al-Qaida, se dirigent alors vers Tora Bora.

Oussama ben Laden avait construit une route à travers le massif montagneux de Tora Bora en 1987, pendant la guerre soviéto-afghane, pour relier son camp al-Masada près de Jaji dans la province de Paktia à la ville de Jalalabad. C'est à la suite d'une bataille avec une force soviétique à Jaji en que ben Laden avait acquis une image de combattant dans les milieux des djihadistes. Dans les années précédant le , ben Laden avait une habitation à Milawa, au pied de Tora Bora, comprenant une piscine rudimentaire. Ben Laden faisait fréquemment des promenades jusqu'à la frontière pakistanaise proche, qui prenaient de sept à quatorze heures[3].

Une rumeur largement reprise dans la presse à l'époque fut qu'à Tora Bora se trouvait un gigantesque complexe souterrain. Tout est apparemment parti d'une description faite dans le New York Times des grottes de Zhawar Kili dans la province de Paktiyâ d'après le récit d'un vétéran russe, Viktor Kutsenko, un sapeur chargé de les détruire en 1986. Selon Kutsenko, il y avait 41 grottes, fermées par des portes en acier, où l'électricité était installée, comprenant diverses installations très équipées dont un hôpital avec une machine à ultra-sons, et l'une d'elles contenait même un char T-34[4]. Divers articles de journaux ont ensuite repris la description de cette « forteresse souterraine », en la situant à Tora Bora au lieu de Zhawar Kili, en l'amplifiant en parlant d'une véritable fourmilière creusée à 300 mètres sous la montagne, pouvant accueillir des centaines voire des milliers d'hommes, équipée de systèmes de ventilation, etc., le tout parfois illustré de vues d'artistes spectaculaires[5]. Finalement, aucun complexe souterrain sophistiqué n'a été trouvé à Tora Bora, mais de nombreuses grottes qui servaient d'abris à personnel, d'hôpital et d'entrepôts de munitions[6]. Les Américains ont fouillé Zhawar Kili en , ils y ont trouvé 70 grottes dans une zone d'environ 3,5 km sur 3,5, certains souterrains contenant des hôpitaux, deux chars et des BMP[7].

La bataille

[modifier | modifier le code]

La traque de ben Laden

[modifier | modifier le code]

Le , la station de la CIA dirigée par Gary Berntsen, établie depuis peu à Kaboul, reçut de l'Alliance du Nord des renseignements selon lesquels Oussama ben Laden aurait fui Kaboul et se dirigerait vers Jalalabad. Cherchant à le poursuivre pour le capturer ou l'éliminer, Berntsen assembla une équipe, Team Juliet, constituée de quatre agents de la CIA dont son adjoint « George », trois soldats du Joint Special Operations Command (JSOC) et un infirmier des Special Forces (SF), chargée de se diriger vers Jalalabad. L'Alliance du Nord n'avait pour seul allié dans la région qu'un chef de guerre de la tribu Pashai, le général Hazrat Ali[note 1],[8].

Berntsen demanda des renforts à l'armée. Mais à ce moment, les Américains avaient très peu de troupes déployées en Afghanistan. La 10e division de montagne (infanterie légère) avait seulement une compagnie renforcée à Begrâm et Mazâr-e Charîf. Environ un millier de Marines s'installeront sur la base d'opérations avancée Rhino dans la province de Helmand, à plus de 700 km de là, à partir du . Un lieutenant-colonel des SF attaché à la division des activités spéciales de la CIA avait reçu pour mission d'entraîner des équipes d'Afghans à poursuivre les troupes d'Al-Qaida et pour ce faire, une équipe SF avait été placée sous ses ordres. Berntsen le persuada que le temps manquait et que l'équipe devait être utilisée directement, mais le colonel John F. Mulholland, commandant les SF en Afghanistan, exigea que la CIA établisse le contact avec Hazarat Ali avant de déployer l'équipe SF à Jalalabad[9].

Le contact avec les forces anti-talibanes

[modifier | modifier le code]
De gauche à droite : Zaman Ghamsharik, Hazrat Ali et « George » de la CIA

Le , « George » eut son premier contact avec Hazrat Ali. Bien que la communication ait été difficile (le seul traducteur était l'assistant d'Ali qui parlait un peu anglais), Ali manifesta sa volonté d'aider les Américains (persuadé, entre autres, par le paiement de 250 000 $). Ses forces contrôlaient Jalalabad, mais des groupes de Talibans et d'al-Qaida rôdaient toujours dans la province. Trois jours plus tard, on recommanda à Gary Bernsten de contacter un chef de guerre Pachtoune, Haji Zaman Ghamsharik[note 2], qui voulait rentrer de son exil en France pour combattre al-Qaida. Ali considérait Zaman comme un rival, mais Berntsen voulut quand même prendre contact avec Zaman car il pensait avoir besoin de toutes les forces possibles, pour affronter al-Qaida comme pour rétablir l'ordre dans la province[10].

Le , la station de la CIA reçut plusieurs rapports du service de renseignements de l'Alliance du Nord selon lequel ben Laden était arrivé à Jalalabad le dans un convoi de véhicules 4x4, accompagné de plusieurs dizaines de combattants. Le convoi aurait peu après quitté la ville et se serait dirigé vers le Sud. Deux jours plus tard, le convoi passait dans le village d'Agam. Les différents rapports montraient que le convoi progressait à une allure régulière vers le Spin Ghar[note 3] et la frontière pakistanaise. La CIA pensait que ben Laden allait se cacher dans la région de Tora Bora ou fuir vers les régions tribales du Pakistan[11]. Le , l'équipe Juliet partit de Jalalabad pour se positionner au pied des Montagnes Blanches. Hazrat Ali avait déjà établi son campement au village de Pachir ; ses soldats envoyés poser des questions aux villageois de Pachir et d'Agam rapportèrent que des centaines de combattants d'al-Qaida étaient passés en direction des montagnes de la zone de Tora Bora[12]. « George » décida d'infiltrer dans les montagnes une petite équipe formée de deux agents de la CIA, d'un opérateur Delta et d'un Combat Controller, équipe qu'il appela Juliet Forward[13]

Juliet Forward

[modifier | modifier le code]
L'équipe Juliet Forward

L'équipe Juliet Forward, accompagnée d'une dizaine d'hommes de Hazrat Ali, commença son infiltration à pied dans les montagnes, l'équipement étant chargé sur des mules. Ils marchèrent pendant deux jours sur un terrain extrêmement difficile, à plus de 3 000 m d'altitude en plein hiver. Finalement, le , ils établirent un poste d'observation et commencèrent à guider des frappes aériennes sur un camp d'entraînement d'al-Qaida situé dans la vallée de Milawa. Ils continuèrent pendant 56 heures d'affilée. Le , le colonel Mulholland accepta d'envoyer l'équipe SF auprès d'Hazrat Ali, mais comme les Américains n'avaient pas dans la région de moyens d'évacuer des blessés, de ravitaillement ni de force de réaction rapide, il leur interdit d'aller sur la ligne de front ; ils devaient conseiller Hazrat Ali à l'arrière et guider des frappes aériennes seulement. L'équipe ODA 572, utilisant l'indicatif Cobra 25, se déploya de Kaboul à Jalalabad par un hélicoptère MH-47 le jour suivant[14].

Les combats

[modifier | modifier le code]
Tora Bora en 2006.

Le , les milices anti-talibanes, fortes de 2 000 hommes[15] et soutenues par les Américains, reprennent l'offensive et progressent dans les montagnes. Des renforts issus des forces spéciales allemandes, britanniques et américaines sont acheminés pour soutenir l'avance des troupes au sol. Le dernier complexe fortifié est pris le . Les derniers combattants d'Al-Qaida battent alors en retraite dans les montagnes.

Au cours de la bataille, il est apparu que le complexe de Tora Bora n'avait que peu à voir avec les informations fournies par les médias, mais il s'y trouvait comme indiqué plus haut de nombreuses grottes qui servaient de bunkers, d'hôpitaux de campagne et d'entrepôts de munitions. Quelques petits camps d'entraînements ont aussi été trouvés.

Malgré des recherches qui ont continué jusqu'en , Ben Laden n'a pas été retrouvé à Tora Bora. Des chefs de guerre Afghans, comme Zaman Ghamsharik, sont soupçonnés de l'avoir laissé s'enfuir[16].

Les pertes de la Coalition sont inconnues. Les pertes d'Al-Qaida, sont, selon les Américains, proches de 200 combattants sur les 300 présents au début de la bataille.

Conséquences

[modifier | modifier le code]
Commandos de la Delta Force et du SBS britannique à Tora Bora.

Cette bataille permet aux Américains et aux Britanniques de consolider leur succès lors de la campagne de 2001 en repoussant le principal allié des Talibans. Ils auront ainsi le temps d'instaurer un nouveau pouvoir en Afghanistan avant le retour des grandes opérations contre les Talibans en .

Le , la commission des affaires étrangères du Sénat américain rend public un document révélant qu'Oussama ben Laden aurait pu être capturé alors qu'il séjournait dans la région montagneuse de Tora Bora aux alentours du [17] si l'armée américaine avait pu mobiliser massivement plusieurs milliers d'hommes dans la région au lieu d'opter pour une approche commando appuyés par les miliciens afghans et des frappes aériennes[18].

Bibliographie

[modifier | modifier le code]
  • (en) Gary Berntsen et Ralph Pezzullo, Jawbreaker: The Attack on Bin Laden and Al-Qaeda: A Personal Account by the CIA's Key Field Commander, Three Rivers Press, New York, 2006 (ISBN 0-307-35106-8 et 978-0-307-35106-7) (première édition Crown, 2005) [présentation en ligne]
  • (en) « Interview : U.S. Special Forces ODA 572 », Frontline, Public Broadcasting Service (PBS), publié en [lire en ligne]
  • (en) USSOCOM History and Research Office, United States Special Operations Command History 1987-2007, MacDill AFB, Floride, [lire en ligne], p. 93-98
  • Dalton Fury (trad. de l'anglais par André Jacquesson, préf. Pierre Lacoste), Mission « Kill Ben Laden » [« Kill Bin Laden »], Levallois-Perret, Altipresse, , 337 p. (ISBN 979-10-90465-05-3)
  • (en) Kill Bin Laden [production de télévision], Shawn Efran (producteur), Scott Pelley (présentateur), « Dalton Fury » (interviewé), 60 Minutes, CBS
  • (en) United States Senate Committee On Foreign Relations, Tora Bora Revisited: How We Failed To Get Bin Laden And Why It Matters Today, [lire en ligne]
  1. Les identités de certains protagonistes ont parfois été censurées dans certaines sources sur la bataille de Tora Bora. Hazrat Ali est ainsi désigné par le pseudonyme « Babrak » dans Jawbreaker.
  2. Zaman Ghamsharik est appelé « Nuruddin » dans Jawbreaker.
  3. Nom de la chaîne de montagnes sur laquelle passe la frontière entre l'Afghanistan et le Pakistan. Spin Ghar signifie « Montagnes Blanches » en pachto ; la chaîne de montagnes est appelée Safed Koh en Dari.

Références

[modifier | modifier le code]
  1. (en) Leigh Neville, Special Forces in the War on Terror (General Military), Osprey Publishing, (ISBN 978-1-4728-0790-8), p. 48
  2. (en) Leigh Neville, Special Operations Forces in Afghanistan (Elite), Osprey Publishing, (ISBN 978-1-84603-310-0), p. 20
  3. Peter Bergen, « The Battle for Tora Bora: How Osama bin Laden slipped from our grasp: The definitive account », The New Republic, 22 décembre 2009 [lire en ligne] ; Steve Coll, Ghost Wars: The Secret History of the CIA, Afghanistan, and bin Laden, from the Soviet Invasion to September 10, 2001, Penguin, New York, 2004 (ISBN 1-59420-007-6 et 978-1-59420-007-6), p. 163
  4. Michael Wines, « Heavily Fortified 'Ant Farms' Deter bin Laden's Pursuers », The New York Times, 26 novembre 2001 [lire en ligne]. Les extraits du récit de Viktor Kutsenko sont identiques à ceux traduits dans l'article de Lester W. Grau et Ali Ahmad Jalali, « The campaign for the caves: the battles for Zhawar in the Soviet-Afghan War », The Journal of Slavic Military Studies Volume 14, Numéro 3, septembre 2001, [lire en ligne].
  5. Fictoid #3: The Lair of bin Laden
  6. Philippe Jasselin et Vincent Nguyen, « Tora Bora », Journalistes Reporters d'Images, France 2, 5 septembre 2002 http://journalistes-reporters-dimages.france2.fr/player.php3?id_article=382&id_rubrique=76
  7. (en) Mir Bahmanyar et Chris Osman, SEALs: The US Navy's Elite Fighting Force, Osprey Publishing, Oxford, 2008 (ISBN 1846032261 et 9781846032264),  ; Gregg Zoroya, « Commandos' fight abroad also a hit at home », USA Today, 5 février 2002 [lire en ligne]. Des photos de tunnels et des stocks de munitions s'y trouvant sont visibles sur http://www.globalsecurity.org/military/world/afghanistan/zhawar-kili.htm
  8. Gary Berntsen, Jawbreaker, p. 196-197 et 215. Le nom d'Hazrat Ali est parfois orthographié Hazarat Ali ou Hazret Ali.
  9. USSOCOM History 1987-2007, p. 94 ; (en) Task Force 58 Staff, Unclassified Documents From Marine Task Force 58's Operations in Afghanistan, Marine Corps Center for Lessons Learned (MCLL), 2002, « Execution 25 November to 25 December », [lire en ligne] ; Gary Berntsen, Jawbreaker, p. 211-214
  10. Gary Berntsen, Jawbreaker, p. 225, 238. L'identité du "on" qui recommanda à Gary Bernsten de contacter Zaman a été censurée dans son livre. (en) Dalton Fury, Kill Bin Laden : A Delta Force Commander's Account of the Hunt for the World's Most Wanted Man, New York, St. Martin's Press, (ISBN 978-0-312-38439-5 et 0-312-38439-4), p. 105-106.
  11. Gary Berntsen, Jawbreaker, p. 239-240
  12. Gary Berntsen, Jawbreaker, p. 249-250, 253-254
  13. Gary Berntsen, Jawbreaker, p. 256-257 ; Dalton Fury, Kill Bin Laden, p. 99-100. Fury se réfère à Juliet Forward par l'indicatif radio qu'elle utilisait, Victor Bravo Zero Two.
  14. Gary Berntsen, Jawbreaker, p. 263-272; USSOCOM History 1987-2007, p. 94; Dalton Fury, Kill Bin Laden, p. 98-100
  15. The Roving Eye: The last battle?, Asia Times Online, 12 décembre 2001, [1]
  16. (en) Lost at Tora Bora, Mary Anne Weaver, New-York Times, 11 septembre 2005
  17. [PDF] Tora-Bora revisited: How we failed to get Bin laden and why it matters today, United States Senate Committee on Foreign Relations, 30 novembre 2009.
  18. Les États-Unis étaient en mesure de capturer Ben Laden en 2001, LeMonde.fr, 29 septembre 2009, (page consultée le 30 septembre 2009).