Borne milliaire de Mélas
Destination initiale |
Borne milliaire |
---|---|
Destination actuelle |
Centre de documentation archéologique d'Alba |
Style |
IIe siècle |
Propriétaire |
Commune |
Patrimonialité |
Pays | |
---|---|
Département | |
Commune |
Coordonnées |
---|
La borne milliaire de Mélas[1], ou des Combes[2], est une borne milliaire du IIe siècle découverte au fond d'un ravin du Teil, en Ardèche, et comportant une inscription latine. L'original a été transporté à Alba-la-Romaine, où il est exposé dans la salle d'accueil du nouveau musée (MuséAl), depuis son ouverture le .
Une copie est dressée près du lieu de découverte, sur une aire de stationnement le long de la montée des Combes (N. 102) entre Aubignas et Le Teil (sur le territoire municipal d'Aubignas). Cette réplique a été réalisée en 1992 par le tailleur de pierre Jean Coulon, du Teil, sous le contrôle de René Rebuffat, professeur à l’École normale supérieure (Paris), directeur de recherches au CNRS, et auteur d'une étude approfondie sur la Voie des Helviens. Les Carrières et Marbreries de Labeaume 07120 , les seules encore en activité en Ardèche, ont spécialement extrait un bloc de pierre calcaire des carrières Lestra. La taille a été faite à la main, en s'inspirant au plus près des techniques romaines. Le tailleur a effectué un relevé au calque de l'inscription du milliaire original, puis réalisé manuellement la copie de l'inscription, au moyen d'un gravelet. La gravure de l'inscription seule a nécessité une demi-journée de travail. Le bloc brut ainsi que les frais de taille ont été financés par l'Association des Amis de Mélas et du Patrimoine (siège social 07400 Le Teil), avec l'aide d'une subvention de la mairie du Teil.
Malheureusement, la plaque apposée a posteriori au sol à gauche de la réplique du milliaire, dont nous ne connaissons pas l'auteur, comporte plusieurs erreurs. Notamment, l'attribution du milliaire à l'empereur Hadrien (né en 76 - mort en 138 apr. J.-C.), alors qu'il a été érigé sous son successeur et fils adoptif, Antonin le Pieux (né en 86 - mort en 161 apr. J.-C.).
Ce milliaire de la Voie des Helviens est un des rares parmi la cinquantaine que devait compter cette série à être conservé en bon état, accessible, lisible, datable et, bien que déplacé plusieurs fois, suffisamment bien localisé[3] pour indiquer la vallée comprenant la voie d'accès au Rhône depuis Alba. Pour ces raisons, il a, depuis le XIXe siècle, attiré l'attention de plusieurs archéologues, épigraphistes, historiens ou géographes de l'Antiquité.
Description
[modifier | modifier le code]La pierre est un calcaire gris légèrement bleuté et froid, très dur et semi-bréchique. Le fût est cylindrique et taillé grossièrement, sauf à l'endroit de la gravure, où il est pointé assez finement, il mesure 132 cm. La base, de forme cubique, faisant 43 cm, est flanquée de quatre chanfreins brochés. La borne mesure au total 175 cm et son diamètre moyen est de 50,6 cm. Cette pierre a un poids approximatif d'une tonne et une densité de 2,7.
Sa surface, à l'origine pointée grossièrement, est usée et parsemée de petites micro-fissures. Les fonds de gravure semblent avoir été accentués à une date indéterminée, ce qui en facilite la lecture mais a dégradé une partie de ce monument.
Localisation et déplacements
[modifier | modifier le code]La borne était située dans le département de l'Ardèche, sur la commune du Teil, à sa limite avec Aubignas. La réplique est actuellement située sur un terrain faisant partie de la commune d'Aubignas.
Selon Jacques Rouchier (1861)[4], elle fut «découverte dans la vallée de Mélas, au pied du coteau des Combes, près de la route», côté falaise, «dans l'axe d'un virage» (1932[5]), «à côté du parapet d'un petit pont» franchissant le torrent qui se jette dans la rivière du Frayol (1884-1886[6]).
La notice de l'Inventaire topographique précise que le milliaire a été «trouvé dans le ravin, en contrebas», ce qui confirme la mention «au pied du coteau» faite par Jacques Rouchier, et implique qu'un premier déplacement a été effectué pour le remonter au bord de la route.
L'année de sa protection, en 1932, la borne a été déplacée et relevée sur un socle, toujours au bord de la route, mais côté rivière[7].
Après 1932, plusieurs indications[8] suggèrent qu'un troisième déplacement de quelques centaines de mètres a été effectué le long de la nationale, vers le sud-est.
À propos de sa dénomination, René Rebuffat et Joëlle Napoli notent globalement[9] « De la route et sur la route N 540 du Teil à Alba », et indiquent le toponyme[10] Les Combes sur le plan de localisation[11]. Effectivement, la route entre Mélas et Aubignas s'appelle communément Montée des Combes, nom des coteaux qu'elle longe. Mais le hameau Les Combes, au nord du ravin en question, est sur la commune voisine d'Aubignas.
À la suite de l'élargissement de la route nationale 102 (son nouveau numéro) entre 1990 et 1991, et après plusieurs cas de vandalisme[12], une réplique en pierre de Ruoms comme celle utilisée à l'époque romaine[13], a été réalisée et installée sur une aire de pique-nique (44° 34′ 17″ N, 4° 37′ 58″ E), près de deux km au nord-ouest de son emplacement lors de la découverte (44° 33′ 41″ N, 4° 38′ 53″ E, selon le plan de situation de l'Inventaire général[14], et 44° 33′ 41,4″ N, 4° 38′ 54,5″ E après 1932[15]).
Après avoir été quelque temps conservée sous le balcon du dépôt de fouilles du centre de documentation archéologique d'Alba[16](44° 33′ 20″ N, 4° 35′ 53″ E), où elle était librement accessible au public, la borne milliaire de Mélas[17] a rejoint l'accueil du musée d'Alba-la-Romaine.
Historique
[modifier | modifier le code]Comme les autres milliaires de la série, le milliaire de Mélas a été fabriqué ou posé autour du 1er janvier[18] et du [19]), sous Antonin le Pieux. Selon Ginette di Vita-Evrard[20], l’opération aurait été réalisée « vite » et peut-être même décidée dans les mois précédents. Elle correspond au quatrième mille du segment nord de la voie des Helviens (ou voie d'Antonin), cela depuis la cité romaine d'Alba Helviorum vers le Rhône à l'est. Au-delà de la ville moderne du Teil, la route antique suit la rive du fleuve vers le nord, en direction de Baix[21].
Selon Henri Thédenat, à la fin du XIXe siècle, une croix rouge était peinte dessus pour christianiser la pierre[22].
Cette borne milliaire a été classée au titre des monuments historiques le [1].
Inscription
[modifier | modifier le code]La lecture et la traduction de l'inscription ne posent pas de difficulté majeure ou d'ambiguïté notable.
Transcription du texte
[modifier | modifier le code]imp.caes
t.aelio hadr
aug anton
pio. p.p
trib.pot.VII
cos. IIII
m.p.IIII
Restitution
[modifier | modifier le code]- Simplifiée
imperatore caesare
tito aelio hadriano
augusto antonino
pio patri patriae
tribunicia potestate vii
consuli iiii
millia passuum iiii
- Avec les signes diacritiques
Imp(eratore) Caes(are) /
T(ito) Aelio Hadr(iano) /
Aug(usto) Anton(ino) /
Pio p(atre) p(atriae) /
trib(unicia) pot(estate) VII /
co(n)s(uli) IIII /
m(illia) p(assuum) IIII
Traduction
[modifier | modifier le code]À l'empereur César
Titus Aelius Hadrien
Auguste Antonin
pieux, père de la Patrie
dans sa 7e puissance tribunicienne
consul pour la 4e fois
4 mille pas
Notes et références
[modifier | modifier le code]- « Borne milliaire de Mélas », notice no PA00116823, sur la plateforme ouverte du patrimoine, base Mérimée, ministère français de la Culture.
- Cf. Pierre Arnaud cité par leteilmemoireenimages.net.
- Rebuffat et Napoli 1992, p. 79, figure 15.
- J. Rouchier, p. 73.
- Voir Nussbaum 1981, p. 2 (extrait du rapport de la commission par l'architecte en chef des Monuments historiques Henri Nodet fils du 15 octobre 1932) et p. 4 (plan de situation en 1976).
- Thédenat 1884-1886, p. 24-25.
- Cf. Nussbaum 1981, p. 2.
- Rebuffat et Napoli (1992, p. 78, note 25) concluent leur localisation originale par « soit un peu au nord de son emplacement actuel » d'avant 1991. De plus, l'IGN propose une localisation sur la route, au bord du ravin suivant, plus au sud-est. Voir les coordonnées géographiques ci-dessous.
- 1992, p. 54.
- Ou l'Oronyme.
- p. 79, figure 15.
- Voir Nussbaum 1981, p. 6 (article de Jacky Vialle dans Le Dauphiné libéré, du 12 janvier 1992).
- Réalisée par le tailleur de pierre Jean Coulon, d'après ardecol.ac-grenoble.fr. Voir Rebuffat et J Coulon 1995.
- Côté ravin. Voir Nussbaum 1981, p. 4 (plan de situation en 1976 d'après le plan cadastral).
De plus, les cartes topographiques locales de l'IGN la signalent (Bne Mil., pour Borne milliaire) au bord du ravin suivant, plus au sud 44° 33′ 32″ N, 4° 39′ 07″ E. Si cette indication s'avérait juste, elle confirmerait que la pierre aurait subi un déplacement supplémentaire après 1932. - Côté rivière. Ibid.
- À l'adresse rue de Chabrol, à Alba.
- Voir des photos sur le site culture.gouv.fr, ku-eichstaett.de (où une erreur d'identification, avec la borne CIL XVII-02, 183a, complique l'accès à l'image), sur archeolyon.araire.org et sur leteilmemoireenimages.net
- Début du quatrième consulat. Cf. Rebuffat et Napoli 1992, p. 65.
- Le début de sa huitième puissance tribunicienne.
- Cf. Rebuffat et Napoli 1992, p. 65, note 17 et aussi p. 60, note 10. Mais la question chronologique a beaucoup été discutée. Voir, par exemple, Allmer 1893, p. 1092.
- Voir la carte de La voie romaine des Helviens de la Société de sauvegarde des monuments anciens de l'Ardèche, avec une bibliographie à jour.
- Voir Nussbaum 1981, p. 2.
Annexes
[modifier | modifier le code]Bibliographie
[modifier | modifier le code]- René Rebuffat, Le bornage des voies dans l’Empire Romain. L’exemple de la cité d’Alba [Conférence aux Journées archéologiques de Privas, ], dans Mémoire d'Ardèche, temps présent, 97, 2008, p. 3-16 (ISSN 0765-9563).Voir aussi son recueil d'articles Recherches en Ardèche [1992-2002], 2002 ; complément de Visite à la voie romaine des Helviens, Le Teil, 1994.
- René Rebuffat, Jean Coulon, Un milliaire romain neuf, dans Ardèche Archéologie, 12, 1995, p. 285-305.
- René Rebuffat, Joëlle Napoli, Les milliaires ardéchois d'Antonin le Pieux, dans Gallia, 49, 1992, p. 51-79 (en ligne) [= AE 1992, +1213].Milliaire inventorié par R. Lauxerois en 1983 avec le numéro 30, soit L 30, et par Rebuffat et Napoli comme de la famille nord IV, ou N IIII. Il correspond à CIL XIII, 5570 ; Histoire générale de Languedoc 15, 1908 ; König 145 et CIL XVII-2, 183.
Roger Lauxerois, Le Bas Vivarais à l'époque romaine. Recherches sur la cité d'Alba, Paris, 1983, milliaire no 30.
- Ingemar König (de), Die Meilensteine der Gallia Narbonensis : Studien zum Strassenwesen der Provincia Narbonensis, Bern, 1970, milliaire no 145 (Itinera romana : Beiträge zur Strabengeschichte des Römischen Reiches, 3) (ISSN 0075-2002) [= IR-03, 145].
- Pierre Arnaud, Voies romaines en Helvie, Le Teil d'Ardèche, 1966.
- Pierre Arnaud, Valvignères en Helvie, Privas, 1963, p. 74 ; réimpr. avec une préf. de M. O. de Beaulieu, 1989.
- Jacques Rouchier, Histoire religieuse, civile et politique du Vivarais, t. 1 [unique], Paris, 1861 (1re éd.), p. 73-74 (en ligne).
- Carte archéologique
- Joëlle Dupraz, Christel Fraisse, L'Ardèche [07], Paris, 2001, p. 406-407 (Carte archéologique de la Gaule, 7) (ISBN 2-87754-069-3) [= CAG-07, p. 406].
- Recueils d'inscriptions
- Corpus Inscriptionum Latinarum [17]. Miliaria Imperii Romani. Pars secunda, Miliaria provinciarum Narbonensis Galliarum Germaniarum, éd. par Gerold Walser, Berlin, New York, 1986, milliaire no 449 (ISBN 978-3-11-004592-5) [= CIL XVII-2, 183].
- Claude de Vic et Joseph Vaissète, Histoire générale de Languedoc, tome 15. Recueil des inscriptions antiques de la province de Languedoc, éd. par Auguste Allmer et al., Toulouse, 1893 [1re éd. de la collection en 1730-1745], p. 1091-1092, inscription no 1908 (en ligne) ; nouv. éd. augm. Toulouse et Paris, 2005 (ISBN 2-84575-176-1).
- Corpus Inscriptionum Latinarum [12]. Inscriptiones Galliae Narbonensis Latinae, éd. par Otto Hirschfeld, Berlin, 1888, inscription no 5570 (ISBN 978-3-11-001389-4) [= CIL XII, 5570]
- Manuscrits et dossiers d'archives
- Simone Nussbaum, « Dossier documentaire IA00102337 », notice no IA00102337, dans Inventaire général du patrimoine culturel, Paris, Ministère de la Culture, 1981 [mis à jour le 24/09/2011] (Base Mérimée).
- Dossier de protection au titre des Monuments historiques n° 122, Archives des Monuments historiques, 1932.
- Carnets de voyage du R. P. Henri Thédenat. Notes et croquis pris dans le Midi de la France, notamment au musée Calvet, à Avignon, tome I, p. 24-25, 1884-1886 (Ms 2595 de l'Institut de France).
Articles connexes
[modifier | modifier le code]- Voie d'Antonin
- Site archéologique d'Alba-la-Romaine
- Liste des bornes milliaires de France protégées aux monuments historiques
- Liste des monuments historiques de l'Ardèche
- Liste de voies romaines
Liens externes
[modifier | modifier le code]
- Ressource relative à la géographie :
- Ressource relative à l'architecture :
- Le texte latin de CIL 17-02, 00183 = CIL 12, 5570 = IR-03, 00145 = CAG-07, p. 406 = ILN-06, 00096 = AE 1992, +01213 sur Epigraphik-Datenbank Clauss/Slaby.
- Les milliaires ardéchois sur le site de l'association Cévennes Terre de Lumière
- La notice d'archeolyon.araire.org (av. 2005) et celle de leteilmemoireenimages.
- Cliché de la borne originale par J.-M. Refflé, sur culture.gouv.fr (env. 1981)
- Vue de la réplique sur Street View.