Acheuléen
Autres noms | Industrie lithique de mode 2 |
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Lieu éponyme | Saint-Acheul (Amiens) |
Auteur | Gabriel de Mortillet, 1872 |
Répartition géographique | Ancien Monde |
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Période | Paléolithique inférieur |
Chronologie | 1,76 Ma - 200 ka |
Type humain associé |
Homo ergaster Homo erectus Homo rhodesiensis Homo heidelbergensis |
Subdivisions
Objets typiques
Le terme Acheuléen — prononcé [aʃøleɛ̃] et non [akøleɛ̃] — désigne une industrie lithique de mode 2 caractéristique du Paléolithique inférieur. Elle apparaît pour la première fois en Afrique de l'Est il y a 1,76 million d'années, et disparaît complètement du paysage archéologique il y a seulement 150 000 ans, tandis que les industries lithiques de mode 3 qui lui succèdent émergent en Afrique à partir de 500 000 ans avant le présent, et en Inde vers 385 000 ans AP environ.
Historique
[modifier | modifier le code]L’Acheuléen doit son nom au site de Saint-Acheul, quartier situé à l'est d’Amiens (France), sur les terrasses de la Somme, où une industrie ancienne à bifaces a été décrite pour la première fois par Gabriel de Mortillet en 1872[1].
Origine
[modifier | modifier le code]L’Acheuléen succède à l’Oldowayen en Afrique de l'Est, où il est documenté dès 1,76 million d’années avant le présent sur le site de Kokiselei 4, sur les rives du lac Turkana, au Kenya[2]. Il est attesté dès 1,7 Ma avant le présent sur les sites d’Olduvai (Tanzanie), et ensuite sur tout le continent africain.
Les sites de cette époque sont extrêmement nombreux ; on peut notamment retenir les noms suivants : Olorgesailie[3], Kilombe[4] et Isenya[5],[6] (Kenya), Melka Kunture[7] et Gadeb[8] (Éthiopie), La Kamoa[9] (République démocratique du Congo), Tighennif[10] et Tabelbala-Tachenghit[11].
Diffusion
[modifier | modifier le code]L’Acheuléen atteint rapidement le Moyen-Orient[12],[13] et l’Inde, et plus tardivement l’Europe[14]. On le trouve au Moyen-Orient (à Ubeidiya) il y a 1,4 Ma[15], et en Inde dès 1,5 Ma avant le présent[16].
En Europe, l’Acheuléen succède à l'Oldowayen à partir de 760 000 ans avant le présent[17]. Toutefois, des bifaces ont peut-être été fabriqués il y a environ 850 000 ans en Espagne[18]. Des manifestations rares indiquent l'émergence de telles technologies il y a plus de 700 000 ans dans le bassin méditerranéen (par exemple, à Barranc de la Boella[19], Tarragone, Espagne). Au cours des années 2010, des travaux de terrain ont montré qu'une production élaborée de bifaces est apparue soudainement il y a environ 700 000 ans dans le nord-ouest de l'Europe. Malgré ces nouvelles informations, le moment et les caractéristiques des premières preuves de groupes acheuléens en Europe occidentale sont encore mal connus[20].
Notarchirico, dans le Sud de l'Italie a fourni les premières preuves de la colonisation acheuléenne en Italie. Les découvertes indiquent de manière précise des occupations entre 695 et 670 ka, parallèlement aux sites du Moulin Quignon et de la Noira à Brinay (France)[20].
Vers le Moustérien
[modifier | modifier le code]Le passage de l'Acheuléen aux industries lithiques de mode 3 (Moustérien) est plus ou moins progressif : disparition des bifaces, généralisation du débitage laminaire, puis du débitage Levallois, développement et standardisation de l'outillage sur éclat, etc[21]. Les industries du début du Paléolithique moyen comportant encore des bifaces aux côtés d'outils sur éclat sont parfois attribuées à l'Acheuléen supérieur[22].
Caractéristiques techniques
[modifier | modifier le code]Les outils caractéristiques de l’Acheuléen sont les bifaces et les hachereaux :
- Les bifaces sont de grands outils façonnés, sculptés progressivement sur leurs deux faces pour rendre aigus les bords proches de leur pointe.
- Les hachereaux sont des outils réalisés sur de grands éclats retouchés en préservant un tranchant brut très aigu à une extrémité.
Leur réalisation est considérée par de nombreux auteurs comme un trait culturel fort de l'Acheuléen. L'étude de leur répartition permet de suivre la diffusion de l'Acheuléen depuis l'Afrique jusqu'à l'Eurasie[23].
Ces outils sont parfois associés à des bolas et souvent à de petits outils retouchés sur éclats, qui se généralisent ensuite au Paléolithique moyen.
Les acteurs de l'Acheuléen
[modifier | modifier le code]L'apparition et la diffusion de l'Acheuléen en Afrique sont généralement attribuées à Homo ergaster. Au Moyen-Orient et en Inde, les fossiles de cette période sont encore trop peu nombreux pour pouvoir relier industries lithiques et espèces humaines.
L'Homo heidelbergensis (défini à partir de la mandibule de Mauer) est considéré comme à l'origine de changements comportementaux importants, comme le début de la production de biface (mode technologique 2, culture acheuléenne)[20]. Ces premiers groupes acheuléens d'Homo heidelbergensis sont arrivés en Europe il y a environ 1,0–0,7 Ma, et ont été exposés à des conditions environnementales difficiles, qui peuvent avoir stimulé de nouvelles réponses culturelles. Au cours de cette période, appelée révolution du Pléistocène moyen, l'Europe du Nord était caractérisée par des conditions climatiques contraignantes, en particulier pendant les stades glaciaires (1,25–0,7 Ma)[20].
Ces nouvelles données démontrent une expansion très rapide des traditions communes en Europe occidentale pendant une période de conditions climatiques très variables, y compris des épisodes interglaciaires et glaciaires, entre 670 et 650 ka. La diversité des outils et des activités observées dans les différents sites montre que l'Europe occidentale était peuplée d'hominidés adaptables pendant cette période[20].
Références
[modifier | modifier le code]- Gabriel de Mortillet (1872), « Classification de l'Âge de la pierre », Matériaux pour l'Histoire primitive et naturelle de l'Homme, huitième année, 2° série, T. 3, p. 464-465
- (en) Christopher J. Lepre, Hélène Roche, Dennis V. Kent, Sonia Harmand, Rhonda L. Quinn, Jean-Philippe Brugal, Pierre-Jean Texier, Arnaud Lenoble et Craig S. Feibel, « An earlier origin for the Acheulian », Nature, vol. 477, no 7362, , p. 82-85 (lire en ligne [researchgate], consulté le )
- (en) Richard Potts, « Olorgesailie : new excavations and findings in Early and Middle Pleistocene contexts, southern Kenya rift valley », Journal of Human Evolution, vol. 18, no 5, , p. 477-484 (présentation en ligne)
- J.A.J. Gowlett, « Le site acheuléen de Kilombe : stratigraphie, géochronologie, habitat et industrie lithique », L'Anthropologie, t. 97, no 1, , p. 69-84
- Helene Roche, Jean-Philippe Brugal, David Lefevre, Sylvie Ploux et Pierre-Jean Texier, « Isenya : état des recherches sur un nouveau site acheuléen d'Afrique orientale », The African Archaeological Review, no 6, , p. 27-55 (résumé)
- Pierre-Jean Texier, « L'Acheuléen d'Isenya (Kenya), approche expérimentale des principales chaînes opératoires lithiques », dans La Vie Préhistorique, Société Préhistorique Française, researchgate (lire en ligne), p. 58-63
- (en) Jean Chavaillon et Marcello Piperno, Studies on the Early Paleolithic site of Melka Kunture, Ethiopia (2 vol), Florence, Istituto Italiano di Preistoria e Protostoria, , 736 (+ 29 pl.) (lire en ligne)
- (en) J.Desmond Clark, « Transitions : Homo erectus and the Acheulian : the Ethiopian sites of Gadeb and the Middle Awash », Journal of Human Evolution, vol. 16, nos 7-8, , p. 809-826 (résumé)
- D. Cahen, Le site archéologique de La Kamoa (région de Shaba, République du Zaïre) de l'Âge de Pierre ancien à l'Âge du fer, Tervuren (Belgique), Tervuren, Musée royal de l'Afrique centrale, coll. « Annales, série in-8°, Sciences humaines / Musée royal de l'Afrique centrale » (no 84), , 365 p.
- (en) Denis Geraads, Jean-Jacques Hublin, Jean-Jacques Jaeger, Haiyan Tong, Sevket Sen et Philippe Toubeau, « The Pleistocene Hominid site of Ternifine, Algeria : new results on the environment, age, and human industries », Quaternary Research, no 25, , p. 380-386 (lire en ligne [PDF], consulté le )
- B. Champault, L'Acheuléen évolué au Sahara occidental - Notes sur l'homme au Paléolithique ancien (thèse de doctorat en Archéologie et Préhistoire soutenue le 17 novembre 1966, 2 vol.), Institut de Paléontologie Humaine (IPH), Paris, Museum national d’histoire naturelle, , 1068 p., archives-ouvertes (lire en ligne)
- V. P. Lioubine, L'Acheuléen du Caucase, Liège, Presses Universitaires de Liège (PULg), coll. « ERAUL - Études et Recherches archéologiques de l Université de Liège » (no 93), , 140 p.
- (en) Naama Goren-Inbar et Idit Saragusti, « An Acheulian biface assemblage from Gesher Benot Ya'aqov, Israel : indications of african affinities », Journal of Field Archaeology, vol. 23, no 1, , p. 15-30 (résumé)
- G. Bosinski, Les origines de l'homme en Europe et en Asie, Paris, Éditions Errance, , 176 p.
- E. Tchernov, « Oubeidiyeh le jardin d'Eden ? », dans Préhistoire en Israël - Les premiers hommes au pays de la Bible, Éditions Faton, coll. « Dossiers d'Histoire et Archéologie, Dossiers d'Archéologie » (no 100), , pdf (présentation en ligne), p. 28-36
- (en) Shanti Pappu, Yanni Gunnell, Kumar Akhilesh, R. Braucher, Maurice Taieb, François Demory et N. Thouveny, « Early Pleistocene Presence of Acheulian Hominins in South India », Science, no 331, , p. 1596-1599 (résumé, lire en ligne, consulté le ).
- (en) M. Santonja et P. Villa, « The Acheulian of Western Europe », dans N. Goren-Inbar, G. Sharon et T. E. Levy, Axe Age - Acheulian tool-making from quarry to discard, Equinox Publishing, coll. « Approaches to Anthropological Archaeology », , p. 429-478.
- (en) Gary R. Scott et Luis Gibert, « The oldest hand-axes in Europe », Nature, no 461 (7260), , p. 82–85 (PMID 19727198, DOI 10.1038/nature08214, résumé).
- (en) M. Mosquera et al., The Early Acheulean technology of Barranc de la Boella (Catalonia, Spain), Quaternary International, Volume 393, 30 janvier 2016, pages 95-111
- (en) Marie-Hélène Moncel, Carmen Santagata, Alison Pereira et al., The origin of early Acheulean expansion in Europe 700 ka ago: new findings at Notarchirico (Italy), Scientific Reports, volume 10, Article numéro: 13802, 14 août 2020, doi.org/10.1038/s41598-020-68617-8
- Marc Jarry, David Colonge, Laure-Amélie Lelouvier et Vincent Mourre, « Les Bosses 1, Lamagdelaine (Lot) : un gisement paléolithique moyen antérieur à l'avant-dernier Interglaciaire sur la moyenne terrasse du Lot », Bulletin de la Société Préhistorique Française « Travaux 7 », (résumé), 158 p.
- David Colonge, Marc Jarry, Géraldine Delfour, Carole Fondeville, Thomas Arnoux et Anne-Laure Berthet, « De la transition Paléolithique inférieur-moyen dans la vallée de la Garonne : l'Acheuléen supérieur de Raspide 2 (Blagnac, Haute-Garonne) », Bulletin de la Société Préhistorique Française, t. 107, no 2, , p. 205-225 (lire en ligne [persée], consulté le ).
- Mourre, V. (2003) - Implications culturelles de la technologie des hachereaux, Université de Paris X - Nanterre, Thèse de Doctorat, 3 vol., 880 p.
Bibliographie
[modifier | modifier le code]- Bocquet-Appel J-P. (2008), La Paléodémographie, 99,99% de l'Histoire démographique des êtres humains, Arles, Éd. Errance.
- Gallay, A. (dir.) (1999), Comment l'Homme ? À la découverte des premiers Hominidés d'Afrique de l'Est, Paris, Errance "Géo-Découverte", 408 p.
- Moncel, M.-H. (2013), « L'Europe avant l'invention du feu », Archéologia, n° 516, pp.32-46.
- Moncel, M.-H. (2015), « L'Acheuléen en Europe », Archéologia, n° 529, , pp. 58-65.
- Tuffreau, A. (2004), L'Acheuléen - De l'Homo erectus à l'homme de Néandertal, Paris, La maison des roches, 125 p.
- Turq, A., Despriée, J., Airvaux, J., Texier, P.-J., Maureille, B. (2012), La conquête de l'Ouest : il y a un million d'années en Europe, Maison de l'Histoire de France, catalogue de l'exposition, Musée national de Préhistoire, Les Eyzies, 2012.
- Alain Turq, L'Acheuléen, p. 169-242, dans Paléo, 2000, supplément Le paléolithique inférieur et moyen entre Dordogne et Lot, tome 2, no 1 (lire en ligne)
Voir aussi
[modifier | modifier le code]Articles connexes
[modifier | modifier le code]- Tableau synoptique des principales cultures préhistoriques de l'Ancien Monde
- Jardin archéologique de Saint-Acheul
- Site d'Ubeidiya (Israël)