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Animéité

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En linguistique, l'animéité[1] (antonyme : inaniméité) est un trait sémantique et grammatical du nom fondé sur le caractère sensible ou vivant du référent[2]. La terminologie française n'est pas fixée, et l'on rencontre également les termes d'humanitude[3], d'animation[4], ou d'animacité[5] (antonyme : inanimacité) — ce dernier formé d'après la dénomination anglaise animacy.

Parmi les langues où l'animéité joue un rôle grammatical important, certaines possèdent un système simple fondé sur une opposition entre animé (personnes, animaux, etc.) et inanimé (plantes, objets, idées abstraites, etc.), tandis que d'autres possèdent une hiérarchie d'animéité qui peut comporter de nombreux niveaux. Dans ces hiérarchies, les pronoms personnels ont généralement l'animéité la plus élevée (parmi eux, la première personne occupe elle-même la position supérieure), suivis des autres êtres humains, des animaux, des plantes, des forces naturelles comme le vent, des objets concrets et des abstractions, dans cet ordre. Toutefois, il est impossible de trop généraliser, car différentes langues peuvent hiérarchiser les concepts par animéité de manières très différentes.

Les effets grammaticaux de l'animéité varient selon les langues ; ils peuvent se faire sentir par exemple dans l'ordre des mots, la déclinaison, l'accord grammatical, la répartition des noms en classes nominales.

L'animéité intervient peu en grammaire française, on y trouve néanmoins quelques oppositions entre animé et inanimé, par exemple dans le contraste entre qui et quoi, entre celui-ci / celle-ci et ceci ou celui-là / celle-là et cela.

Animéité et déclinaison dans les langues slaves

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Dans les langues slaves, l'animéité intervient, à côté du genre et du nombre, dans la sélection de la forme d'accusatif, qui coïncide avec le génitif ou le nominatif selon la situation. Ainsi en russe, l'accusatif des noms masculins animés au singulier et des masculins et féminins animés au pluriel coïncide avec le génitif, tandis que l'accusatif des inanimés correspondants coïncide avec le nominatif[6].

Animéité et verbe d'existence en japonais

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En japonais, l'animéité n'est pas directement marquée au niveau du nom, mais se manifeste dans le choix du verbe d'existence et de possession. Le verbe iru (いる, écrit aussi 居る)indique l'existence ou la possession d'un nom animé, tandis que le verbe aru (ある, parfois écrit 在る au sens existentiel ou 有る au sens possessif) indique l'existence ou la possession d'un nom inanimé.

Pour indiquer la simple existence et le caractère indéfini, un nom animé — dans l'exemple ci-dessous, « chat » — est marqué comme sujet par la particule ga (が), sans indication de thème : cette construction correspond à « il y a ».

(1) Neko ga iru.
いる
chat SUJET exister / avoir
« Il y a un chat. »

Pour indiquer une possession (« avoir »), le possesseur — dans l'exemple ci-dessous, « moi » — est introduit comme thème par la particule wa (は), le possédé, lorsqu'il est animé, reste marqué par la particule de sujet ga (が).

(2) Watashi wa neko ga iru.
いる
moi THÈME chat SUJET exister / avoir
« J'ai un chat. »

Pour indiquer la présence en un lieu précis d'un nom animé, celui-ci est introduit comme thème par la particule wa (は), et le lieu indiqué par la particule locative ni (に).

(3) Neko wa isu no ue ni iru.
椅子の上 いる
chat THÈME chaise + COMPLÉMENT DU NOM + dessus LIEU exister / avoir
« Le chat est sur la chaise. »

Les mêmes constructions se rencontrent avec les noms inanimés — dans les exemples suivants, « pierre » — mais dans ce cas, c'est le verbe aru qui est employé.

(1) Ishi ga aru.
ある
pierre SUJET exister / avoir
« Il y a une pierre. »
(2) Watashi wa ishi ga aru.
ある
moi THÈME pierre SUJET exister / avoir
« J'ai une pierre. »
(3) Ishi wa isu no ue ni aru.
椅子の上 ある
pierre THÈME chaise + COMPLÉMENT DU NOM + dessus LIEU exister / avoir
« La pierre est sur la chaise. »

Dans quelques cas où le caractère animé ou non est équivoque (dans le cas d'un robot par exemple), l'emploi du verbe est au choix du locuteur, selon qu'il souhaitera mettre en relief le côté « humain » ou « sensible » par le verbe animé, ou le côté « inerte » par le verbe inanimé.

(1) Robotto ga iru.
ロボット いる
robot SUJET exister / avoir
« Il y a un robot. » (mise en relief de la ressemblance avec l'homme)
(2) Robotto ga aru.
ロボット ある
robot SUJET exister / avoir
« Il y a un robot. » (mise en relief du caractère inerte, non vivant)

Animéité et verbe d'existence en cingalais

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En cingalais, il existe de même deux types de verbes d'existence et de possession : හිටිනවා hiţinawā / ඉන්නවා innawā s'emploie avec les noms animés (êtres humains et animaux), tandis que තියෙනවා tiyenawā s'emploie avec les noms inanimés (objets inertes, plantes, choses, etc.).

Par exemple :

(1) minihā innawā
මිනිහා ඉන්නවා
homme il y a (animé)
« Il y a l'homme. »
(2) watura tiyenawā
වතුර තියෙනවා
eau il y a (inanimé)
« Il y a de l'eau. »

Hiérarchie d'animéité dans les langues apaches

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Les langues apaches possèdent une hiérarchie d'animéité selon laquelle certains noms s'associant à des formes verbales spécifiques selon leur rang. Par exemple, les noms navajos peuvent se ranger en un continuum allant du plus animé (être humain, éclair) au moins animé (abstraction)[7].

êtres humains / éclair → enfants / gros animaux → animaux de taille moyenne → petits animaux → insectes → forces naturelles → objets inanimés / plantes → abstractions

Généralement, le nom le plus élevé en animéité doit apparaître en premier lieu dans une phrase, le nom immédiatement moins élevé venant en second. Les phrases (1) et (2) données en exemple ci-dessous sont correctes. Le préfixe yi- attaché au verbe indique que le premier nom est le sujet tandis que le préfixe bi- indique que le second nom est le sujet.

    (1)   Ashkii at'ééd yiníł'į́.
  garçon fille yi-regarde
  « Le garçon regarde la fille. »
    (2)   At'ééd ashkii biníł'į́.
  fille garçon bi-regarde
  « La fille est regardée par le garçon. »

En revanche, l'exemple (3) ci-dessous est ressenti comme incorrect par la plupart des locuteurs du navajo parce que le nom le moins animé vient avant le plus animé.

    (3)   * Tsídii at'ééd yishtąsh.
    oiseau fille yi-becquetait
    « L'oiseau becquetait la fille. »

Pour exprimer cette idée, le nom le plus élevé en animéité doit venir en premier, comme dans la phrase (4).

    (4)   At'ééd tsídii bishtąsh.
  fille oiseau bi-becquetait
  « La fille était becquetée par l'oiseau. »

Hiérarchie d'animéité et fracture d'actance

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L'animéité peut conditionner le type de morphologie dans les langues à fracture d'actance, qui utilisent une syntaxe ergative dans certaines situations et une syntaxe accusative dans d'autres situations. Dans ce type de langues, les noms les plus fortement animés sont davantage susceptibles de jouer le rôle sémantique d'agent, et d'avoir un marquage de type accusatif : le rôle d'agent est tenu par le sujet, celui de patient est marqué comme accusatif. En revanche, les noms moins animés sont plus susceptibles de jouer le rôle sémantique de patient et d'avoir un marquage de type ergatif : le rôle de patient est tenu par le sujet, celui d'agent est marqué comme ergatif. Un tel système aboutit à ce que le rôle sémantique le plus probablement joué par un nom soit représenté par la fonction syntaxique de sujet. La hiérarchie d'animéité s'ordonne souvent (mais non toujours) ainsi :

1re personne > 2e personne > 3e personne > noms propres > humains > animés non humains > inanimés

L'endroit de la fracture, qui divise les noms en agents inhérents et patients inhérents, varie d'une langue à l'autre, et il existe souvent un recouvrement entre les deux classes, avec une classe intermédiaire de noms marqués tant comme agents (à l'ergatif) que comme patients (à l'accusatif).

Notes et références

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  1. Exemple d'emploi du terme dans le catalogue de l'INIST.
  2. (en) Ekaitz Santazilia, « Animacy and Inflectional Morphology across Languages », dans Animacy and Inflectional Morphology across Languages, Brill, (ISBN 978-90-04-51306-8, DOI 10.1163/9789004513068, lire en ligne)
  3. Exemple d'emploi du terme dans le catalogue de l'INIST.
  4. Entrée correspondante dans le Glossaire français-anglais de terminologie linguistique du SIL.
  5. Exemple d'emploi du terme dans le catalogue de l'INIST.
  6. Les féminins singuliers ont soit une forme distincte d'accusatif, soit une forme identique au nominatif. Les neutres ont toujours la même forme au nominatif et à l'accusatif.
  7. Young et Morgan 1987, p. 65-66.

Bibliographie

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  • Nancy Frishberg, « Navajo object markers and the great chain of being », in J. Kimball (Ed.), Syntax and Semantics (Vol. 1), p. 259-266, New York: Seminar Press, 1972.
  • Kenneth L. Hale, A note on subject-object inversion in Navajo. In B. B. Kachru, R. B. Lees, Y. Malkiel, A. Pietrangeli, & S. Saporta (Eds.), Issues in Linguistics: Papers in Honor of Henry and Renée Kahane, p. 300-309, Urbana: University of Illinois Press, 1973.
  • Thomas E. Payne, Describing Morphosyntax: A Guide for Field Linguists, Cambridge University Press, 1997 (ISBN 0-521-58224-5).
  • (en) Robert W. Young et William, Sr. Morgan, The Navajo Language : A Grammar and Colloquial Dictionary (rev. ed.), Albuquerque, University of New Mexico Press, , 1506 p. (ISBN 978-0-8263-1014-9, BNF 35014069).

Articles connexes

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