AUKUS
AUKUS | |
Situation | |
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Région | (principalement) Pourtour du Pacifique et océan Pacifique |
Création | |
Type | Accord de coopération militaire |
Domaine | Sécurité collective |
Organisation | |
Membres | Australie États-Unis Royaume-Uni |
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AUKUS (acronyme de l'anglais Australia, United Kingdom et United States) est un accord de coopération militaire tripartite — mais pas formellement une alliance militaire[1],[2],[3] — formé par l'Australie, les États-Unis et le Royaume-Uni. Rendu public le , il vise à contrer l'expansionnisme chinois dans l'Indo-Pacifique[4].
Cet accord est un complément à l'ANZUS, alliance militaire datant de 1951 et qui demeure en vigueur entre l'Australie et les États-Unis, tout en excluant de facto la Nouvelle-Zélande, qui refuse l'accès de navires nucléaires à ses eaux territoriales[5],[6],[7] en vertu d'une politique de zone dénucléarisée mise en vigueur en 1984[8].
Description
[modifier | modifier le code]À l'issue de dix-huit mois de pourparlers secrets[9], le pacte AUKUS a été dévoilé lors d'une visioconférence[10] retransmise de la Maison-Blanche entre ses trois tenants : Joe Biden, Scott Morrison et Boris Johnson le . La presse avait été convoquée sur le thème d'un briefing sur le « Background sur une initiative de sécurité nationale »[11].
Dans le cadre de cet accord est prévue l'acquisition par la marine australienne d'au moins huit sous-marins nucléaires d'attaque[12] de technologie américaine, que la Royal Australian Navy déploiera[13]. Du même souffle, ce pays rompt l'engagement qu'il avait pris d'acquérir des technologies sous-marines conventionnelles de la France au coût d'environ 90 milliards AU$[14] (56 milliards d'euros) pour douze sous-marins de la classe Attack. Pour sa part, le Premier ministre britannique Boris Johnson déclare que « le projet AUKUS s'appuiera sur six décennies d'expertise britannique dans la fabrication de sous-marins nucléaires »[15].
L'utilisation de la technologie américaine actuelle implique l'usage d'uranium de qualité militaire[16],[17],[18]. Les réacteurs des derniers sous-marins nucléaires de conception américaine sont conçus pour fonctionner normalement au moins 33 ans[19], leur durée de vie opérationnelle[20], sans avoir besoin de changer leur combustible nucléaire. La technologie actuelle des réacteurs nucléaires français exige que le combustible soit remplacé tous les sept (Rubis) ou dix ans[21] car ils utilisent de l'uranium à faible enrichissement (7%[22] ou pour les Barracuda moins de 6%[23], moins de 20% pour le CdG)[18].
L'AUKUS contient des clauses de partage de connaissances et de techniques reliées à l'intelligence artificielle, à la cyberguerre, à la capacité sous-marine et aux frappes militaires à longue distance. Il comprend aussi des systèmes de défense contre les armes nucléaires, probablement contrôlés par les États-Unis et le Royaume-Uni[24]. L'accord se concentre principalement sur les capacités militaires, ce qui le sépare de Five Eyes[25], alliance de partage de renseignement qui comprend, en plus des trois pays mentionnés, la Nouvelle-Zélande et le Canada[26].
Historiquement, les États-Unis ont toujours refusé de partager des technologies militaires exigeant une expertise nucléaire, sauf avec le Royaume-Uni. Selon un haut fonctionnaire américain, parlant des sous-marins à propulsion nucléaire, « cette technologie est extrêmement sensible. Il s'agit franchement d'une exception à notre politique à bien des égards. Je ne pense pas que cela sera entrepris dans d'autres circonstances à l'avenir »[trad 1],[24].
En avril 2022, les trois pays membres annoncent lancer un programme de développement d'armes hypersoniques afin de contrer les avancées russes et chinoises dans ce domaine[27].
Les dirigeants américain, britannique et australien se réunissent lundi 13 mars 2023 en Californie où est attendu un accord sur les sous-marins qui a échappé à la France, une coopération sans précédent ayant la Chine en ligne de mire[28]. Les trois pays ont signé un partenariat pour produire des sous-marins à propulsion nucléaire. Un plan gigantesque, sur des décennies, qui se veut la concrétisation de l’accord annoncé en septembre 2021[29],[30].
Le 14 mars, lors d'une conférence de presse à San Diego, le président américain Joe Biden, le Premier ministre britannique Rishi Sunak et le Premier ministre australien Anthony Albanese dévoilent ainsi le détail de l'accord AUKUS : L'Australie achètera au moins trois sous-marins à propulsion nucléaire américains au début des années 2030, puis s'équipera de sous-marins à propulsion nucléaire supplémentaires de conception britannique et de construction conjointe britanno-australienne. Des sous-marins britanniques et américains auront l'usage de la base navale de Stirling en Australie-Méridionale à partir de 2027[31]. En octobre, le Royaume-Uni annonce investir 4 milliards de livres (4,6 milliards d’euros) pour s’équiper de nouveaux sous-marins d’attaque[32].
Un accord mais pas une alliance
[modifier | modifier le code]Peter Lee et Alice Nason de l'université de Sydney précisent que, « contrairement à ce qu'affirment beaucoup de médias internationaux », l'accord AUKUS n'est pas une alliance : « Ce n'est pas un traité de défense collective, et il ne remplace ni le traité ANZUS entre l'Australie et les États-Unis, ni le partenariat stratégique de l'Australie avec le Royaume-Uni », qui n'est lui-même pas une alliance militaire[3]. L'AUKUS n'engage ses signataires à aucune défense réciproque[3]. Thomas Wilkins de l'université de Sydney rappelle que les alliances sont généralement définies comme des traités « par lesquels les parties s'engagent à s'apporter une aide militaire réciproque en cas d'attaque par une puissance externe » ; l'accord AUKUS n'engage pas les parties signataires à se venir en aide mutuellement en cas de guerre, « et ne constitue donc pas une alliance au sens de jure du terme »[2]. Adrien Rodd de l'université de Versailles – Saint-Quentin-en-Yvelines souligne que « [f]ormellement, l’Australie n’a que deux alliés : les États-Unis d’Amérique et la Nouvelle-Zélande », via l'alliance ANZUS. Les États-Unis étant par ailleurs déjà alliés au Royaume-Uni via notamment le traité de l'Atlantique Nord de 1949, l'accord AUKUS ne crée pas d'alliance nouvelle : L'Australie et le Royaume-Uni ne sont liés par aucun engagement de défense réciproque[1].
Réactions
[modifier | modifier le code]Des opposants politiques du premier ministre australien Scott Morrison rappellent que l'Australie a signé des accords avec le Japon, ensuite la France[33], puis les États-Unis (en 2004) et le Royaume-Uni en juin 2021. Morrison a rejeté les critiques selon lesquelles les fonds des contribuables avaient été gaspillés dans le programme français, le qualifiant d'« investissement ». Le coût et les délais avant que les sous-marins nucléaires australiens ne puissent prendre la mer restent à déterminer ; Morrisson espère que le premier sous-marin puisse « être livré avant la fin de la prochaine décennie ». Dans la foulée de l'accord, il indique une augmentation du budget de la défense du pays, qui représente 2,1 % du PIB en 2021, sans indiquer l'ampleur de celles-ci dans le futur[34].
Dans la foulée de l'accord, la France, dont de nombreux territoires sont situés dans la zone Indopacifique[35], rappelle ses ambassadeurs en poste en Australie et aux États-Unis[14].
La colère des responsables politiques français s'explique en partie par le fait que les Australiens ont envisagé d'acquérir des sous-marins nucléaires d'attaque français ; l'entente offrait la possibilité de passer à la technologie nucléaire française[18]. Jean-Yves Le Drian, ministre des Affaires étrangères de la France, a déclaré que la signature de l'AUKUS et l'abandon de l'accord avec la France « constituent des comportements inacceptables entre alliés et partenaires, dont les conséquences touchent à la conception même que nous nous faisons de nos alliances, de nos partenariats et de l'importance de l'Indopacifique pour l'Europe »[14]. La situation géopolitique de l'Indopacifique est en effet une affaire de sécurité territoriale majeure pour la France et ses citoyens habitant la Polynésie française, la Nouvelle-Calédonie, Wallis-et-Futuna, La Réunion ou encore Mayotte[35]. Le pays doit en outre maintenir sa souveraineté territoriale sur une vaste zone économique exclusive ainsi que sur les territoires inhabités de Clipperton et des Terres australes et antarctiques françaises[35]. Antony Blinken, secrétaire d'État des États-Unis, a affirmé avoir discuté de ce futur accord avec « [ses] homologues français » quelques jours avant sa signature, mais les responsables français nient que de tels échanges aient eu lieu[36]. La France rechercherait des appuis en Europe, mais plusieurs pays craignent de déplaire aux puissants États-Unis, notamment à cause des menaces que fait peser la Russie sur le continent[37].
La Chine condamne cet accord le 16 septembre[38], estimant qu'elle lance une « course aux armements (qui) compromet les efforts internationaux de non-prolifération nucléaire »[39], tout en présentant sa demande officielle d'adhésion à l'accord de partenariat transpacifique[40]. La Corée du Nord condamne également « des actes extrêmement indésirables et dangereux qui perturberont l’équilibre stratégique dans la région Asie-Pacifique et déclencheront une chaîne de course aux armements nucléaires »[39].
Le gouvernement canadien, voisin immédiat des États-Unis et qui a signé plusieurs accords militaires avec ce pays, ne considère pas que cet accord doive l'inclure. Un « analyste des relations canado-américaines [...] affirme que le nouvel accord a été conclu entre les trois membres qui sont prêts à aller le plus loin face à la Chine ». Selon lui, le Canada ne veut pas compromettre ses importants intérêts commerciaux avec la Chine[41].
La Russie, par l'entremise du vice-ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Riabkov, veut des éclaircissements de Washington, Canberra et Londres[42].
En 2022, la Russie et la Chine critiquent l'AUKUS, parlant d'« influence négative pour la paix et la stabilité dans la région de la stratégie indo-pacifique des États-Unis »[43].
Notes et références
[modifier | modifier le code]Citations originales
[modifier | modifier le code]- (en) « this technology is extremely sensitive. This is frankly an exception to our policy in many respects. I do not anticipate that this will be undertaken in other circumstances going forward. »
Références
[modifier | modifier le code]- Adrien Rodd, « L’Australie, quel allié pour quels alliés ? », Vous avez dit « Pacifique » ?, Michel Korinman (dir.), David Reinharc Éditions, 2022, p.272.
- (en) Thomas Wilkins, "Is AUKUS really an ‘Alliance’?", Institut d'études d'Asie-Méridionale, université nationale de Singapour, .
- (en) Peter Lee et Alice Nason, "365 days of AUKUS: Progress, challenges and prospects", Centre d'Études des États-Unis, université de Sydney, .
- (en) « Pact with U.S., Britain, will see Australia scrap French sub deal-media », sur Reuters, (consulté le ).
- (en) « New Australia, United Kingdom, United States defence pact 'sidelines New Zealand', focus on nuclear capabilities », Newshub, (lire en ligne, consulté le ).
- (en) « New Zealand is missing from AUKUS », sur Australian Financial Review, (consulté le ).
- (en) « Aukus submarines banned from New Zealand as pact exposes divide with western allies », sur The Guardian, .
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- La nouvelle alliance militaire annoncée par Biden rebat les cartes en Asie Pacifique, L'Express, 17 septembre 2021.
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- « La France rappelle ses ambassadeurs aux États-Unis et en Australie », Ici.Radio-Canada.ca, (lire en ligne)
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- Sous-marins australiens: Joe Biden dévoile les contours de l’Aukus / 14 mars 2023.
- (en) Andrew Greene, « Le programme australien de sous-marins nucléaires coûtera jusqu’à 368 milliards de dollars selon les détails d’AUKUS dévoilés aux États-Unis », (consulté le ), Australian Broadcasting Corporation, 14 mars 2023
- « Le Royaume-Uni investit 4 milliards de livres pour s’équiper de nouveaux sous-marins d’attaque », Le Monde.fr, (lire en ligne)
- « La décision de Canberra sur les sous-marins aggrave les tensions stratégiques en Asie du Sud-Est » : l’avertissement de Kevin Rudd, ancien premier ministre australien, Le Monde, 21 septembre 2021 : Kevin Rudd cite le partenariat stratégique auquel il avait abouti avec Paris en 2012.
- (en) Courtney Gould, « Eye-watering cost of submarine program revealed as Scott Morrison signals increased defence spend », The Daily Telegraph (Australia), (lire en ligne)
- La stratégie de la France dans l'Indopacifique, p. 17 & autres, juillet 2021 75 p. [PDF].
- « Washington tente d’apaiser l’ire de Paris dans l’affaire des sous-marins australiens », Ici.Radio-Canada.ca, (lire en ligne)
- Agence France-Presse, « La France, meurtrie, en situation délicate sur la scène internationale », Ici.Radio-Canada.ca, (lire en ligne)
- « Alliance.Sous-marins australiens : la Chine s’insurge contre la prolifération nucléaire », Courrier international, (lire en ligne)
- Lina Sankari, « Défense. Alerte à la prolifération nucléaire dans la zone indo-pacifique », sur L'Humanité,
- « La Chine demande à adhérer à l'accord commercial transpacifique », La tribune, (lire en ligne).
- Mathieu Gobeil, « Accord contre l’expansionnisme chinois : Trudeau ne regrette pas l’absence du Canada », Ici.Radio-Canada.ca, (lire en ligne)
- « Alliance “Aukus” : Moscou veut des éclaircissements de Washington, Canberra et Londres », 29 septembre 2021.
- Le Monde avec AFP, « La Russie et la Chine affichent leur opposition commune à l’expansion de l’OTAN », Le Monde, (lire en ligne, consulté le ).
Annexes
[modifier | modifier le code]Articles connexes
[modifier | modifier le code]- Crise des sous-marins australiens
- ANZUS
- Dialogue quadrilatéral pour la sécurité
- Five Eyes
- UKUSA
- Pacte trilatéral américano-nippo-coréen
Liens externes
[modifier | modifier le code]- (en) Joint Leaders Statement on AUKUS (annonce officielle sur le site de la Maison-Blanche)
- Relations internationales en 2021
- Relations entre l'Australie et les États-Unis
- Relations entre les États-Unis et le Royaume-Uni
- Alliance militaire du XXIe siècle
- Alliance militaire impliquant l'Australie
- Alliance militaire impliquant les États-Unis
- Alliance militaire impliquant le Royaume-Uni
- Relations entre l'Australie et la France