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Charron (métier)

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Charron
Le charron de Pontchartrain par André Eugène Costilhes.
Présentation
Autres appellations
le caron en picard, lo châron en lorrain, der Wagner en Alsace
Compétences
Évolutions de carrière
métier pratiquement disparu dans sa forme traditionnelle

Le charron, ou maître charron[1], était un artisan spécialiste du bois et du métal. Il concevait, fabriquait, entretenait ou adaptait, réparait les véhicules[2] avant la motorisation, parmi lesquels les voitures communes de transport ou de charge et les engins agricoles et artisanaux : chariot à timon et quatre roues[3], charrette à brancards[4], char à bancs[5], corbillard, binard[6], tombereau, wagons, charrue simple ou à avant-train, brouette[7], civière à roues à seize rais[8]etc.

Loin d'être cantonnées à une clientèle rurale ou de professionnels des transports, ses productions sur mesure répondent au XIXe siècle à une clientèle de cultivateurs, jardiniers, maçons, lavandières, bagagistes, postiers, mineurs, carriers, bouchers

Art de la charronnerie

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À l'origine, le charron médiéval concevait, fabriquait, améliorait ou réparait les divers chars ou autres véhicules et dispositifs mobiles dans son atelier. Le charron de l'époque moderne jusqu'à la fin de la civilisation de l'attelage en est l'héritier.

Fabricant de char

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Une des nombreuses tâches du charron était la fabrication de roues à moyeu, légères et résistantes en bois, à la taille adaptée au type de véhicule construit. Le cerclage de leurs jantes par une bande de métal, en principe un travail de forgerons mais en réalité une étape essentielle pour terminer la fabrication d'une roue adaptée à une route en dur, compte souvent à des yeux novices comme une étape essentielle. Cette opération consistait grosso modo à enserrer la roue dans un bandage de fer, placé à chaud au rouge sur le bois du pourtour circulaire. Le fer en état dilaté se contractait en refroidissant à la température ambiante, le rétrécissement assurant le serrage des pièces simplement assemblées[9]. À titre d'exemple moyen, une roue de charrette utilitaire, de plus d'un mètre de diamètre, se caractérisait par un bandage en fer adapté, épais de 2 cm et large de 10 cm[10]. Pour de lourds chariots de convoi exceptionnel (statue monumentale, corps de fontaine massif), il n'était pas rare que le bandage en fer de la roue arrière atteigne 5 m de périmètre et pèse au-dessus du demi-quintal.

Réaliser une roue de 50 cm de diamètre nécessitait de façon cumulée environ une journée de travail[11]. L'opération parfois étalée sur plusieurs semaines comprenait le cintrage des bois courbes, la préparation des composants de la roue à rayons et du moyeu, le calage des rayons dans les mortaises du moyeu grâce à la masse, l'assemblage des pièces en bois en roue, le ferrage de la roue ou cerclage de la jante[12]. La roue devait résister à la charge brinqueballée par le véhicule, et surtout aux trépidations des routes cahoteuses lors des trajets[13].

Conception du char.

Mais il fallait aussi concevoir le corps du véhicule-modèle sur le couplage d'un train roulant[14] ou de deux trains roulants différents[15], la carrosserie ou charpente de la caisse du véhicule-forme[16], la suspension avec des pièces de gabarit compatible avec le support roulant, le système d'attelage (brancards, timons). Le charron savait aussi bien ajuster une roue que monter et équiper une voiture. Il est ainsi devenu par exigence de son métier (un char doit rouler de façon stable) autant un expert en modèle réduit ou en patrons de diverses échelles de taille qu'un adaptateur du portage du véhicule à des fonctionnalités polyvalentes (transport de personnes, charges diverses de foin, fumier, bois, grands tronc de bois, gravats, minerais…), voire du mode du déplacement du véhicule (adaptation du chariot aux virages raides en terrain montagneux, transport sur roues bloquées et munies de patins spécifiques pour former un traîneau sur neige ou glace, mise en place de ponts et de mats pour la propulsion à voile dans le cas des grands chariots à voile roulant à plus de 100 kilomètres par heure sur les plages de la mer du Nord dès le début de l'époque moderne).

Matériaux de charronnage

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Les bois de charronnage les plus communs, décrits par les dictionnaires encyclopédiques dès 1690, sont le chêne, le hêtre, l'érable, le frêne, l'orme, le charme. Par exemple, les moyeux et rayons des roues, l'ensemble du châssis sont des pièces taillées en bois dur et résistant de chêne, alors que les jantes sont en bois de hêtre, facile à courber[17]. L'orme et en particulier l'orme tortueux peut être employé pour les moyeux et les jantes, le hêtre pour les essieux, le frêne pour les jantes et brancards, le cœur de chêne à fil droit pour la flèche, pièce maîtresse sous la caisse et les traverses… La réserve de bois, objet d'une attention cruciale, est souvent à l'arrière de l'atelier ou dans un hangar aménagé attenant[18]. Le charron avait des fournisseurs de bois attitrés, à moins qu'il ne repère sur pied les arbres, s'approprie ou achète, coupe lui-même les bois recherchés. L'orme blanc, le frêne des haies, le chêne résistant exigeaient un séchage minimal de deux années avant emploi. Les charrons les plus consciencieux attendaient quatre années pour les billes de bois de chêne employées à la confection des rais et même cinq années pour observer la résistance au micro-fendillement des ébauches de moyeux. Les déchets de bois, copeaux ou sciures, pièces de rebut, servaient au chauffage de l'atelier ou de sa maison. Des pièces de fonte, à fin utilitaire ou de décorations, pouvaient servir dans la fabrication du véhicule. Outre une barre et quelques ferrures en fer forgé et bien sûr les bandages des roues, des pièces métalliques en fer assurent le cerclage d'embout et forment le passe-guide.

Le charron qui conçoit ou répare communément des véhicules à traction animale et des équipements d'attelage a une bonne connaissance du matériau cuir. Néanmoins, il se fournit en lanières et pièces de cuir auprès du bourrelier, auquel il n'hésite pas à s'associer pour mettre au point un système d'attelage perfectionné.

Métier d'atelier

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Charron, atelier et travail, planche de l’Encyclopédie.

L'atelier comporte différents postes de travail. Sur le mouillet, c'est-à-dire son établi spécifique, un lourd châssis de bois, il peut tracer les ébauches de moyeux, finir les moyeux percés de mortaises, fabrique les éléments de jante ou préparer d'autres pièces nécessaires. La selle ou trépied est un billot de bois, portant un axe en son centre pour recevoir et maintenir la roue en cours de façonnage. Le jantier est un étau adaptable permettant de regrouper les jantes afin d'y percer les mortaises. Le tour à bois est soit actionné au pied soit par le chien du charron se mouvant dans une roue spéciale. Autre poste de travail, l'endroit rempli de divers tonneaux ou aménagé en fosses où le charron cintre à l'eau ou à la vapeur les pièces de bois. Par contre, l'opération complète de cerclage métallique de la roue, nommée embatage, nécessite un foyer à l'air libre et une plaque d'embatage et des cales pour fixer préalablement la roue[19]. L'artisan utilise aussi quelques différents tonneaux ou billots de bois aménagés en supports de roues en réparation ou en fabrication. Il place souvent les pièces à l'horizontale pour les examiner attentivement.

Une ancienne roulette de charron.

Ses outils, souvent spécifiques à l'atelier ou marqués à son nom s'ils sont en bois et un bien personnel, paraissent simples et parfois sommaires, comme la roulette, la fausse équerre, la mesure à faire les rais. Ses outils doivent assurer un serrage, une coupe, une mesure, une fixation, un creusement, un évidement... Ils n'en sont pas moins précis et d'une efficacité remarquable si le maître, formé par une pratique précoce d'une dizaine d'années, garde son coup d'œil et son geste expérimenté. Les plus connus dans la littérature sont le bec d'âne ou bédane, la châsse, la chèvre, la gouge, la plane, la selle, la doloire, l'herminette, mais le rabot de charron à amples poignées, différent d'un rabot à queue, le bouvet à rainurer pour façonner les rainures de roues, le guillaume à queue pour exécuter les autres rainures et moulures autant décoratives que conçues pour l'allégement sont souvent oubliés[20]. Parmi les outils spéciaux l'observateur compte le serre-joints, la mesure à faire les rais[21], le rabot à rais, la chaîne de charron ou serre-rai (levier pour caler les rayons dans les éléments de jante), l'appareil à fixer les boîtes d'essieu, la roulette[22], la fausse équerre, la hache à un seul biseau, la scie à châssis, le vilebrequin, les planes, le jarvis. Les outils à tracer étaient les règles, l'équerre, le compas droit, le compas d'épaisseur. Ses autres outils sont ceux des charpentiers et des menuisiers : scies, haches, rabots ou varlopes, couteaux ou ciseaux, gouges, vilebrequins, tarauds ou tarières (cuillères coupantes ou longues lames tranchantes à profil semi-circulaire pour creuser l'axe du moyeu de la roue) de différentes tailles, sans oublier la masse ou marteau de bois. Le charron avait un usage commun des calibres, qu'il devait concevoir pendant son apprentissage, pour définir le profil et la taille des pièces à "réaliser à la bonne mesure". Le temple dénomme le calibre indiquant l'emplacement de la mortaise dans la jante. La jumerante est le calibre pour tracer les jantes.

La qualité des pièces préparées avant assemblage ou montage du véhicule est fondamentale. Elle explique pourquoi les charrons, modestes artisans au XXe siècle, ont souvent continué à les préparer avec minutie car ils étaient mécontents du coût et de la résistance des diverses pièces proposées par la charronnerie industrielle. L'essieu, travée portante dans l'axe des roues, était parfois évidé par une préparation de cavité à l'aide de l'amorçoir, agrandie de tarières et de tarauds. Lorsqu'il découvrait pour la première fois une voiture, le charron observait ses trains roulants, soient le(s) essieu(x), indicateur(s) de l'âge du véhicule, et les roues, permettant d'estimer l'état d'usure et de réparation du véhicule[23].

L'art du charron

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L'art oublié du charron, redevenu modeste artisan au temps industriel triomphant, gît dans les détails et les adaptations du pays : il était capable de concevoir une forme de roue légèrement conique pour renforcer, par son montage, la stabilité et la résistance des trains de véhicules. L'axe des fusées d'acier, porteuses de l'axe des roues, est incliné vers le bas, formant un angle avec l'horizontale, nommé le devers. Les roues penchent vers l'extérieur en haut ou vers l'intérieur en bas. Pour que le bandage puisse appuyer le plus platement sur le sol, sa pose respecte un angle de correction avec l'horizontale, le biseau. Le bandage qui n'est nullement perpendiculaire aux rais n'est donc pas proprement cylindrique, mais conique. Par ailleurs, la conicité interne de la roue se traduit par l'existence d'un angle entre le rayon et la verticale, nommé écart, le creux ou concavité étant tourné vers l'extérieur. Cette adaptation nommée "écuanteur de la roue" compense la pose de la roue en devers[24]. Elle permet une position la plus verticale possible du rayon supportant l'effort de la charge du chariot. La verticalité maximale est en pratique atteinte soit en état de charge maximale soit lorsque la roue s'approche d'une pente ou est soumise à une contrainte latérale. La disposition des rayons, grâce à l'écuanteur, évite la casse des rayons placés sous contrainte sévère de roulage. L'effet combiné de l'écuanteur et du devers crée des forces oscillantes qui assistent les roues dans les mouvements latéraux du chariot et compensent les oscillations nées de la traction irrégulière, en va-et-vient, des animaux[25]. Le niveau technique est bien éloigné de l'invention archaïque du train de roues verticales et plates. L'ensemble génère aussi le typique mouvement balançant du chariot que l'écrivain Anton Tchékov rappelle dans sa description de la steppe ondulante ou que le rythme des vieilles berceuses européennes susurre.

Même si l'asymétrie semble exclue par la nécessaire symétrie du roulement, un charron est attentif à l'usure différentielle des roues gauches et droites. De même, un système performant d'attelage bovin ne peut se passer d'un couple de bœufs droitier-gaucher bien placé.

Le graissage des roues de chariot était réalisé parfois à base de matière minérale, possédant des micro-fossiles organiques spécifiques favorisant la lubrification, ou encore à partir de la matière grasse animale la moins onéreuse, comme le beurre, dans la Normandie heureuse[26].

Une fois sa forge allumée et chaude, le charron ne pouvait refuser à son client cultivateur le renforcement en fer d'un soc de charrue usé ou la moindre réparation d'outil métallique. Ainsi les ateliers de village réparaient les véhicules et engins abîmés, avant les saisons de labours, des semailles, de la fenaison, des moissons, des récoltes automnales. L'hiver le charron fabriquait des roues neuves, des brouettes en bois, des bards pour remonter la terre sur les champs en terrasses... et honorait des commandes spéciales, notamment des voitures et des pièces de rechange[27]. Et, dans les villages sans menuisiers, le charron ne peut refuser ni de fabriquer des caisses pour accueillir les lavandières[28], ni de faire les cercueils.

Un charron, sculpture dans l’église d’Heudicourt (Eure).

Un atelier de charronnerie était indispensable dans chaque village jusqu'à la fin de la civilisation de l'attelage. Jean-Yves Chauvet estime que le charron figure en 1840 parmi les dix artisans lorrains plus ou moins saisonniers qui desservent environ 300 habitants[29]. L'apprentissage complet de ce métier technique durait au minimum cinq années dans un cadre institutionnel ou corporatif, au minimum quatre années dans un cadre traditionnel ou officieux sérieux[30].

Au service des transports

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L'histoire de la charronnerie est de facto liée aux différents modes de transports. Les contrées traversées par les chemins gaulois, les voies romaines, les routes tracées par les convois marchands, à l'origine organisés en caravanes, ont accueilli des générations d'ateliers de charrons, souvent présents dans des villages spéciaux ou près des ports ou lieux de (dé)charges marchands des villes. Aux temps mérovingiens, s'il existe encore de puissants corps de transporteurs, à l'origine antiques, qui contrôlent une ou plusieurs voies marchandes, le charron n'y exerce qu'un métier de service interne et coordonné[31]. Outre la clientèle paysanne et locale, les charrons médiévaux travaillaient aussi à fournir ou entretenir les équipements spécifiques, souvent des charrettes adaptées à la tâche demandée et conduites par les paysans (personnel soumis à corvée de conduite) pour les adjudicateurs du transport des récoltes domaniales lointaines ou assujetties à la dîme ou l'impôt (bleds, grains, bétail sur pied ou viandes, fromages, fruits, vins, poissons, volailles, fourrage, bois, gibier) des zones de production, de cueillette ou de pêche vers les centres de propriétés domaniales ou de seigneuries, notamment les puissantes abbayes et les résidences ecclésiastiques[32]. Tout comme le charpentier médiéval, le charron sait concevoir ou entretenir les appareils de levage, de la poulie à la grande roue de levage des grands chantiers, mais aussi les pontons roulants, les embarcadères ou débarcadères de barques avec chariots roulants, les bacs ou les barges de fleuves, rivières ou plans d'eau accueillant chars et charrettes[33]. Au XVe siècle, un petit char à quatre roues circulant sur rail de bois se généralise dans les mines de Saxe et dans les provinces minières d'Allemagne du Sud[34].

Outre la conception et la supervision des lents convois de charges exceptionnelles, les charrons ont sans doute fourni maintes prestations sur les chars et chariots de la cour, toujours mobile, des grands souverains médiévaux, mais aussi sur les litières couvertes des dames nobles[35]. Ils œuvrent aussi pour les compagnies de messagerie[36], sous le contrôle de l'administration étatique et apportent dès le XVe siècle les innovations allemandes et italiennes, des chars à suspension de chaînes au chariot branlant à lanières, de l'usage au siècle suivant des lames métalliques de ressorts des coches aux carrosses de luxe[37]. Petit à petit, un transport quasiment individualisé de personnes riches ou puissantes se généralise : quelques charrons, dénommés carrossiers, commencent à fabriquer et à réparer les carrosses auprès d'une riche clientèle de prestige. Mais cette spécialisation du métier ne prend véritablement son essor que lorsqu'elle happe les marchés officiels des transports individuels ou collectifs, de plus en plus accessibles aux classes bourgeoises modestes. En 1668, les carrossiers travaillent souvent de concert avec les selliers-bourreliers, parfois dans les mêmes lieux de fabrication-réparation, financés par les capitaux des associations d'entreprises concessionnaires des transports publics.

La proximité de centres urbains en croissance et la réglementation tant de largeur, de charge, que de type de traction, imposée sur des routes ou des passages fréquentées modifient les habitudes paysannes. Ainsi, en Île-de-France, dès la fin du XVIe siècle et sous le règne de Henri IV, le lourd chariot paysan à quatre roues, à fonction polyvalente, tend à se raréfier pour laisser la place à une gamme de charrettes utilitaires à traction chevaline, plus légères et maniables, il finit par disparaître après 1650, éclipsé par les grandes charrettes, la guimbarde des moissons, et les charrettes à herser, version ancienne des grandes gerbières. Le char paysan continue à se perfectionner, contrairement à une représentation banale reléguant les zones rurales à un état d'arriération et de vétusté technique, et étendre ses fonctions polyvalentes, allant jusqu'à varier les types efficaces de transports sur toutes surfaces de roulage et même dissocier train avant et train arrière pour transporter des charges longues et rigides, par exemple des grumes ou des longs poteaux ou madriers en bois. Les ateliers répondent aux commandes militaires, notamment dans le train d'artillerie, constamment perfectionné au XVIIe siècle, et le train des équipages, accru au milieu du XVIIIe siècle par les codes de la guerre en dentelle, cherchant à minimiser le pillage et la dévastation des pays par le transport systématique des nécessités de la troupe[38]. La France révolutionnaire après 1790 laisse pendant une dizaine d'années une grande liberté de transport, dont jouissent quelque temps les charrons malgré les terribles troubles sociaux et les guerres civiles latentes qui s'ensuivent[39]. Les grandes guerres napoléoniennes terminées laissent une profession en crise et exsangue aux effectifs devenus pléthoriques.

James Tilbury illustre l'optimisme des charrons-carrossiers de l'Angleterre victorieuse. Il poursuit le développement des cabriolets légers, à deux roues, ouverts, qui, dans l'activité de louage, ont mis fin aux chaises à porteurs et aux chaises roulantes après 1780. L'entrepreneur laisse, en particulier, son nom à un élégant cabriolet léger, découvert ainsi qu'à une charrue à siège. Les charrons du Palatinat continuent à promouvoir leurs anciennes créations, notamment le landau à capote repliable à soufflets et à deux banquettes en vis-à-vis[40]. Dans les grandes villes, les omnibus, grosses voitures des concessionnaires du service public à plusieurs places, augmentent leur capacité à plusieurs dizaines en aménageant leur toit plat rectangulaire en étage supérieur[41]. La diligence ou malle-poste assurant un service régulier emprunte le réseau routier au maillage de plus en plus fin entre les villes[42].

La rationalisation et la normalisation de la production des roues et des voitures, en progrès depuis le siècle des Lumières, a déjà contraint cet artisanat à abandonner la conception et la fabrication, pour se limiter à la réparation, maintenance, vente de voitures et d'outils, ou à multiplier les activités de services faisant parfois de la concurrence aux forgerons. De 1750 à 1850, l'industrialisation a touché ce métier pratiqué en atelier. Plus précoce en Angleterre, les standards de fabrication des grands ateliers, avec des roues et des éléments de voitures (pièces détachées) à différentes échelles de taille, sont déjà impressionnants dans la région parisienne en 1830[43].

Avec l'essor français des modes de fabrication industrielle après 1850, puis de procédés d'ingénierie après 1880, Il ne laisse aucune marge de développement à l'atelier de charron modeste, s'il ne peut se lancer dans la fabrication de modèles de luxe, avec le soutien de riches clients ou se limiter à un compartiment ou une spécialisation de son activité autrefois polyvalente et parfois créative du XIIIe au XVIIe siècle[44]. Le choc, en dehors des zones paysannes traditionnelles, est si violent que le terme de charronnage se limite dès l'entre-deux guerres à la confection du train roulant. Dans le monde anglo-saxon, cartwright (fabricant ou réparateur de charrette ou kart), wainwright (fabricant de long chariot) ou même ploughwright finissent ainsi par se confondre avec wheelwright (fabricant de roues)[45]. En France, malgré quelques îlots de tradition paysanne marginale jusqu'au début des années 1970, le nom de métier n'est souvent même plus compris.

Char paysan roumain abandonné, aux pièces de fer rouillées.

Si le métier est devenu obsolète au cours des années 1950 avec la généralisation de l'automobile et la mécanisation agricole, les charrons qui n'ont pas abandonné leurs ateliers, sont devenus des bons réparateurs en mécanique et en carrosserie, voire des vendeurs de voitures ou d'engins de transport, de machines et de matériels agricoles. Toutefois, les rares ateliers de charron et maréchal-ferrant, encore en activité dans les années 1970 et 1980, grâce à une clientèle urbaine attachée à l'activité équestre de loisir ou de sport, étaient souvent dans l'impossibilité de répondre aux commandes de voiture de location touristique, à la mode rétro de traction chevaline[46]. À l'heure actuelle, il reste en France une dizaine de charrons ; l'entreprise Montpied, sise à Saint-Ours, a été labellisée au titre du patrimoine vivant.

Une gravure satirique du charron.

Il faut distinguer le charron du fabricant exclusif ou du réparateur-changeur de roues, le rodier[47], nommé royer dans le Grand Est ou rouyer en Lorraine, ou plus trivialement embardeur de roues était appelé de noms différents, caron en langue picarde, Wagner en langue allemande d'Alsace. Il portait divers sobriquets ou surnoms selon les régions : charrelier, carrelier, carlier dans le Nord de la France, Krumholz ("bois-tortu" pour se moquer de l'art méticuleux de courber de façon si régulière son bois) en Alsace[48]. Les clichés du charron analphabète ou illettré, d'esprit retors ou bourru, fermé sur sa tâche ou désinvolte face à son activité sont tenaces. Ils proviennent du dédain méprisant ou de la méfiance, manifestés par le clergé médiéval face à cette activité ancienne, chargée de savoirs antiques, à moitié païens, toujours résurgents chez les peuples semi-nomades, itinérants ou migrants.

Un rapport à la mobilité dérangeante ou conquérante

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Son enseigne comportait souvent une roue et une sainte patronne, Catherine d'Alexandrie (martyrisée avec une roue à pointes qui figure, brisée, dans ses attributs), représentée par une statue, momentanément présente à la porte de l'atelier, à laquelle le patron et les ouvriers offraient des bouquets enrubannés le jour de sa fête, le 25 novembre. La roue, parfois associée à un ou plusieurs outils tels que la doloire, l'herminette ou le plane, est d'ailleurs l'emblème de l'entrée tardive des artisans charrons dans le compagnonnage commun avec les forgerons en 1706 à Bordeaux. Ainsi on retrouve la sainte patronne favorite de ces derniers, sainte Catherine, mais aussi saint Éloi[49]. C'est pourquoi le verdunois Raymond Humbert classe sans hésiter la confrérie des charrons parmi les artisans des métaux[50].

Pourtant, les réalisations de chefs-d'œuvre en bois tourné ou courbé attestent aussi sa maîtrise du matériau ligneux[51]. L'apogée du charronnage dépend souvent du point de vue géographique et culturel. Du XVIIIe siècle au début du XXe siècle, il est ardu de dresser une typologie de l'art régional du charron, chaque province ou même chaque petit pays montagneux ayant affirmé des choix techniques et esthétiques concernant l'accouplement des trains de roulage, la forme du bâti ou corps de voiture[52], la taille et les caractéristiques des organes et des pièces le composant, la sculpture, le chanfreinage[53], la décoration des parties visibles, voire parfois la peinture sélective, codifiée et superbement multicolore[54]. Les différences sont spectaculaires car les cultures paysannes oscillent entre un minimalisme sobre valorisant la pièce technique et une floraison exubérante du détail ouvragé, perfectionné, si ce n'est caché ou embelli. Si les chariots de roulage marchand obéissent encore souvent à ces modes régionales, les véhicules de poste et de service de transport nationaux s'en éloignent, a fortiori les voitures de luxe des particuliers, souvent de standards internationaux[55].

L'activité du charron a toujours eu un rapport privilégié avec les peuples semi-nomades ou itinérants. Une fraction importante des familles paysannes médiévales au voisinage des montagnes était semi-nomade, par exemple en pratiquant la transhumance et en déplaçant tout ou partie de leur maisonnée. L'exploitation forestière et l'activité agricole de subsistance des hommes et des bêtes, notamment après la proscription des migrations pastorales saisonnières et l'imposition de stabulation du bétail, a permis de garder vivant le savoir-faire du charron traditionnel. Pour les derniers nomades, l'atelier du charron permettait de fabriquer ou réparer, il y a parfois moins d'un siècle, la roulotte des gitans ou manouches, les diverses caravanes des romanichels de l'Europe médiane, la modeste charrette des Jenischs rhénans, le chariot magnifiquement peint, à bâche cylindrique, des chaudronniers itinérants irlandais qui appartenait au peuple des travellers. Enfin, il réparait le "chariot de Thespis" selon le poète latin Horace, du lourd chariot des comédiens italiens du début des temps modernes aux autres voitures-roulottes des comédiens, gens du spectacle ou du cirque, ambulants, des forains de passage en général.

L'activité du charron a aussi un rapport avec les peuples migrants, anciens ou récents. La conquête moderne de territoires continentaux outre-mer, si ce n'est la colonisation agraire au terme de migration, a souvent reposé sur l'art du charron et des nécessaires transports par voiture au-delà des rivières. L'Amérique du Nord, plus que l'Afrique du Sud (Boers voortrekkers) et du Nord (colons français en Oranie, Constantinois...), paraît sur ce point un prolongement de l'Europe occidentale. Le chariot rural à quatre roues des colons habitant ou partis de la côte orientale constitue le point de départ d'une gamme de voiture suspendue, confortable, après la généralisation de ressorts elliptiques fixés transversalement le long des essieux[56]. Dans une lignée spécifique de charronnerie américaine de roulage, décrivons ici le chariot Conestoga, apparu comme son nom l'indique dans la ville homonyme du comté de Lancaster en Pennsylvanie. Cet énorme véhicule de roulage, caractérisé par un train de roulement solide, simple et réparable, une caisse à hauts côtés, une haute garde au sol, et souvent une finition remarquable avec des accessoires adaptés, a d'abord sillonné les routes marchandes de la côte est. Tiré par un attelage complet, au choix, de chevaux puissants, de mules résistantes, de lents bœufs, il a servi aussi pour le transport vers les hautes terres de l'ouest, avant et en complément du chemin de fer ou du bateau[57].

Vocabulaire : origine, étymologie, spécificité technique, expression

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Charron et tonnelier, deux métiers d'origine gauloise ou celte, sur le vitrail de la cathédrale de Chartres.

Le charron ou caron, déjà représenté sur les vitraux de la cathédrale de Chartres avec son bec d'âne et sa roue, figure dans le livre des mestiers d'Étienne Boileau en 1268. Le mot désignant l'activité, soit la caronnerie (devenu charronnerie), est attesté en 1296. Les deux termes sont dérivés par suffixation en -on du terme carre ou char, c'est-à-dire nommant la voiture ou le véhicule usuel. Le mot allemand Wagner et ses dérivés dialectaux alsaciens (dr Wanner, dr Wennijer… par exemple dans le Val de Villé selon D. Ulrich) présente un sens analogue, correspondant à la racine germanique bevegen, indiquant le mouvement ou le véhicule.

En latin médiéval, carrus désigne le char ou véhicule, au sens générique englobant chariot, charrette, carrosse[58]. Parmi les principaux véhicules de transport gallo-romain, les clercs distinguaient encore rheda, covinnus et benna[59]. Notons que le dernier francisé en benne ou banne est à l'origine du terme bagnole. Avant d'accepter carro ou carronus probablement après le VIIIe siècle, le latin médiéval dénommait carpentarius le charron qui ne serait que le fabricant de l'antique carpentum ou chariot à deux roues gaulois[60]. Ainsi le carpentier ou charpentier, mot de métier attesté en 1175, a sa racine dans le mot gallo-romain carpentarius désignant le charron. Cela ne paraît plus un mystère si on sait que la majorité des habitations paysannes à ossature de bois ou à pans de bois, des temps mérovingiens à la fin du XVIe siècle, plus ou moins légères, était par principe mobile et déplaçable (parfois sans démontage).

Ornières gravées de roues de chariot sur ancienne voie gréseuse au col de Saverne.

Au-delà des appellations spécifiques et de leurs évolutions linguistiques par les langues latines et romanes, voire germaniques[61], les métiers de charron, charpentier, tonnelier… ressortent d'un même monde artisanal celte puis gallo-romain ou germanique qui perpétue les savoirs sur la charronnerie et l'attelage des peuples indo-européens antiques des prairies et steppes eurasiennes.

Il est périlleux de vouloir transposer dans une technologie moderne, par exemple celle de l'automobile à pneumatiques, ou dans un emploi moderne unique, par exemple la traction hippomobile, les mots usuels du charron traditionnel[62]. S'ils répondent parfois aux mêmes fonctions mécaniques, les objets correspondants diffèrent par les matériaux, la forme, la conception… Donnons une brève liste de vocabulaire technique décrivant le chariot ou la charrette du XIXe siècle :

Char à bœufs avec le nom des pièces en dialecte du Bihar, Inde britannique, gravure de George Abraham Grierson (en), 1885.
  • bâti ou charpente (corps du véhicule) : caisse, plateau, poutrage, sommier, barre, étranglement, panneaux, ridelles, échelles, ranchers, garde boue…
  • trains : train avant articulé (axe roue, essieu en avant, sassoire et supports extérieurs), train arrière (traverse arrière, essieu arrière), flèche, traverses[63], (sur)traverse centrale ou sommier[64], barre d'accouplement…
  • roulage : roue et ses composants ou organes, rayon ou rai (pied base, languette), éléments de jante avec chevilles, jante (assemblage chevillée de jante), bandage (cerclage de fixation), goupille, bague de butée, fusée (roulant interne), moyeu (extérieur), cale d'obturation, verrouillage, frette, boîte d'essieu…
  • attelage : timon, joug, coussinets, brancards, crochet d'attelage, licol, collier d'épaule, bricole[65], attelage canin[66].
  • accessoires : treuil à l'arrière avec cordages[67], patins de roue (conversion du train en traineau), mécanique avec sabot[68], sabot d'arrêt ou de blocage de roue, ancre ou pieu de blocage[69], chaîne amovible[70].

Dans la littérature française

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Dans Jacques le Fataliste de Diderot, le personnage central a pour parrain un charron nommé Bigre, maître artisan fort réputé dans la contrée, ce qui lui inspire des réflexions sur le métier de charron. Maurice Genevoix a souvent durant sa jeunesse conduit la carriole de livraison pour le compte de l'épicerie paternelle. À la page 185 de son roman Marcheloup paru en 1934, il se sert du verbe intransitif charronner, qui signifie simplement exercer le métier de charron. De Balzac ou Hugo à Roger Martin du Gard, en passant par Flaubert, le charron apparaît, tout comme dans les écrits du penseur Proudhon. Leur définition du métier, si elle est explicite, n'est pas en général erronée. Citons celle de Jean Giono, qui décrit l'activité de son personnage Gaubert dans son roman Regain paru en 1934 page 26 : « Il faisait des charrettes, il cerclait les roues, il ferrait les mulets ». Voilà une définition progressive et minimale des charrons de la vallée de la Durance et des hauts plateaux provençaux environnants.

Expressions populaires françaises

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Crier, gueuler, hurler au charron : protester contre un fait du sort, se manifester (de plus en plus bruyamment, selon la succession des verbes) en signe d'avertissement, de vol, de surprise désagréable, de méfait. Une hypothèse explicative, en corrélation avec l'expression beaucoup plus récente "arrête ton char" propose un jeu de mots avec charre, signifiant discours plus ou moins mensonger, langage de justification plus ou moins croyable, voire verbiage, logorrhée incohérente en argot.

Écrire au bleu charron : poser des notes dans une graphie minimaliste ou codée, sur un support insolite (par exemple bois ou carton). Le bleu charron était la couleur profonde dont l'empreinte bien visible sur le bois servait de trace, de repère, de signe au charron. À l'origine, il se servait de mines ou de craies à base de pigments minéraux, principalement du bleu de cobalt[71]. Il pouvait aussi écrire en abrégé les renseignements à ne pas oublier sur les pièces ou faire des croquis précis sur des planches-modèles. Les derniers conteurs paysans, exerçant dans leur dialecte avant 1880, l'employaient souvent, pour signaler un aide-mémoire ou pense-bête fictif.

Esquisse sur l'histoire antique de la charrerie

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Chars de guerre sumériens représentés sur l'étendard d'Ur, v. 2500 av. J.-C.

L'histoire des sciences et l'archéologie expérimentale[72]. ont permis de reconstituer une partie des anciennes techniques de fabrication.

Les inventions techniques fondamentales datent respectivement du IVe millénaire av. J.-C. et d'avant le IIe millénaire av. J.-C.. Les premières apparaissent en Mésopotamie antique, avec la roue en bois plein ou en planches jointes, voire le disque de bois chevillé d'Uruk et l'essieu qui, assemblés convenablement, donne le "tour de potier" ou le "train de charronnage primitif", ce dernier engendrant les divers chars, charrettes ou carrioles encore rudimentaires, mais déjà déclinées sous toutes leurs formes en quelques siècles. Les mêmes évolutions contribuent à l'apparition contemporaine du tour du potier, de la roue, du rouet, du tour à bois, de la roue hydraulique, du ripage (glissage des pierres sur des rondins de bois)[73].

Plus tard apparaissent les pièces métalliques de fer ou de bronze, la roue légère et stable, à rayons et à jante, en bois cerclée de métal chez les Hittites. Il existe des prototypes de roues avec fins rayons métalliques. Le char à roue rayonnée égyptien, très souvent décrit par la littérature de vulgarisation, est toutefois postérieur au char des royaumes antiques d'Anatolie et surtout de la Mésopotamie et de l'Indus.

Ainsi vers 3000 av. J.-C., apparaissent des carrioles rudimentaires tirées par des bœufs ou des ânes en Mésopotamie. Pour une généralisation de l'emploi du char sous des formes plus élaborées, il faut attendre 2250 av. J.-C. pour la Syrie, environ 2100 av. J.-C. pour l'Anatolie, 1500 av. J.-C. en Grèce continentale[74].

Chansons du charron

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Les anciens apprentis entonnaient autrefois diverses chansons traditionnelles pour faire connaître leur métier. Parmi celles-ci, Jacqueline et Raymond Humbert[75] en relevaient deux : la première était une marche scandée présentant le métier à un novice, la seconde chantée en chœur sur un rythme de roue d'horloge décrit la confection des roues :

1) Le métier de charron / C'est un métier bien drôle / En faisant des voitures / En coulant l'Herminette / Les pieds sur le chantier /...

2) Quand le charron fait la roue / Tic tac avec l'herminette / Du rayon au bouton / Il regarde si le tour est bon...

Muséographie

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Forge et atelier de charronnage à Gabès (Tunisie), 1898.

Filmographie

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  • Le Charron, film de Georges Rouquier tourné à Rânes en 1943 pour échapper au service du travail obligatoire (durée : 23 minutes)
  • Courte présentation au journal télévisé de la mi-journée en 2011 d'un jeune charron et de son atelier à Chaudenay [1]
  • OSS 117 : Rio ne répond plus, Jean Dujardin mentionne l'activité professionnelle de son père par la phrase suivante :"Non mais oh ! Comment tu parles de ton père ! T'a pas honte ? Qui c'est qui t'as nourri ? Jamais moi je parlerais comme ça de mon père, jamais ! Moi mon père il était charron ; et j' peux t' dire qu'ça filait doux ! Ça, la mère de la Bath elle mouffetait pas ! Et les gamins pareil !". L'espion confiera trente secondes plus tard à sa partenaire de mission que son père était en réalité diplomate.

Dictionnaires

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Concernant les termes du vocabulaire technique de la charronnerie, on consultera avec profit les formes anciennes du dictionnaire des éditions Larousse (par exemple le Grand Dictionnaire universel du XIXe siècle ou le Larousse universel en deux volumes, édité par Claude Augé en 1922), les versions anciennes des dictionnaires Le Robert (y compris les versions Grand Robert) ainsi que, de Marcel Lachiver, le Dictionnaire du monde rural, les mots du passé, édition Fayard, 1997, réédité, refondu et complété en 2006.

Sur les usages et l'étymologie de ce mot et de ses dérivés charronnage et charronnerie, consulter le dictionnaire en ligne ATILF [2] sous ses multiples versions ou Trésor de la langue française.

Bibliographie

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  • Jean Barberet, Le travail et les métiers en France, Monographie professionnelle, Tome 3, 1890-91, volume comprenant en particulier le métier de charron.
  • Jean-Louis Boithias, Marc Brignon, Les scieurs et les anciens sagards des Vosges, bûcherons, schlitteurs, voituriers et voileurs…, édition Créer, 1985.
  • Jean-François Blondel, Jean-Claude Bouleau, Frédérick Tristan, Encyclopédie du compagnonnage, histoire, symbole et légendes, éditions du Rocher, 2000, ouvrage publié avec le soutien du centre national du livre. (ISBN 978-2-268-03757-8)
  • Gérard Boutet, La France en héritage, dictionnaire encyclopédique, métiers, coutumes, vie quotidienne, 1850-1960, Perrin, Jean-Cyrille Godefroy, 2007
  • Mariel Jean Brunhes-Delamarre, La vie agricole et pastorale dans le monde, techniques et outils traditionnels, édition Joël Cuenot, Paris, 1985, 216 pages. (ISBN 2-86348-014-6)
  • A. Carlier, Histoire du véhicule : chariots et carrosses, Bibliothèque de travail de l'ICEM, No 1, février 1932[77]
  • A. Carlier, Histoire du véhicule : diligences et malles-postes, Bibliothèque de travail de l'ICEM, No 2, avril 1932[78].
  • A. Carlier, Histoire du véhicule : derniers progrès, Bibliothèque de travail de l'ICEM, No 2, juin 1932[79].
  • Jean-Yves Chauvet, "Être charron à Barisey-la-Côte", Études Touloises, revue du Cercle d'étude locale du Toulois, 37 (1985) page 11-21 et 39 (1986), page 31-43.
  • Hubert Comte, Outils du monde, éditions de la Martinière, 1997, 352 pages, (ISBN 2-7324-2310-6)
  • Maurice Daumas, Histoire générale des Techniques, 4 volumes, à partir de 1962, PUF, Paris.
  • Jean Delmas, catalogue de l'exposition sur le charron, dossier sur l'artisanat local traditionnel, Musée du charroi à Salmiech (Rouergue), 1980, 48 pages.
  • Marc Grodwohl, "le charron", petit article in Encyclopédie d'Alsace, édition PubliTotal, Strasbourg, 1982.
  • Raymond Humbert, Gestes et œuvres des artisans, éditions Denoël, Paris, 1987, 256 pages, avec des photographies de Marie-José Drogou. (ISBN 978-2-207-23395-5)
  • Jacqueline et Raymond Humbert, Métiers oubliés, εpA, Hachette Livre, 2004, 208 pages (Le charron, p. 88-93). (ISBN 2851205978)
  • Fascicule sur le charron, parmi les 22 enquêtes rurales du Musée de la vie wallonne, 1985.
  • André Leroy-Gourhan, L'Homme et la matière, tome 1, et Milieu et Technique, Tome 2, Sciences d'aujourd'hui, Albin Michel, 1943 et 1971, réédition poche en 1992, en particulier Tome 1, (ISBN 978-2-226-06213-0) (remarque page 39) et Tome 2, (ISBN 978-2-226-06214-7) (paragraphe sur la traction et le roulage, page 140 et suivantes)
  • Jean Peyroux, Dictionnaire des mots de la technique et des métiers, Librairie Blanchard, Paris, 1985, 426 pages, (ISBN 9782853670753).
  • Murielle Rudel, La campagne autrefois, Hoëbecke, 2003, 166 pages. § "Le charron", page 48-49.
  • Freddy Sarg, De Wanner von Reipertsviller, in Petits métiers des villes et villages alsaciens, Strasbourg, 1980, p. 31.
  • Freddy Sarg, Guide et inventaire des vieux métiers disparus de nos villes d'Alsace, 1980.
  • John Seymour, Métiers oubliés, Chêne, 1990, première édition française 1985, traduction par Guy Letenoux, de l'ouvrage The Forgotten Arts, Dorling Kindersley Ltd, London, 1984, (ISBN 978-2-85108-392-0) (en particulier les paragraphes sur le charronnage p. 78-85, les chariots et autres voitures p. 98-103, la fabrication des traineaux p. 104-105).
  • Lucien Sittler, L'artisanat en Alsace, éditions S.A.E.P., Colmar, 1973, réédition 1979, 80 pages.
  • D. Ulrich, "Le charron, dr Weuijner", Annuaire de la Société d'Histoire du Val de Villé, 1982, p. 49-74.

Articles connexes

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Notes et références

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  1. « Page 127/210 : Michel AUBERT maitre charon et cultivateur », sur archives.haute-marne.fr (consulté le )
  2. Le nom générique désignant le véhicule de charge est le char à l'époque médiévale. Cette dénomination se prolonge dans les différentes cultures paysannes, mais avec des modalités à la fois spécifiques et précises suivant leurs préférences et/ou niveaux techniques. La traction bovine a été importante. Il ne faudrait pas limiter arbitrairement les interventions du charron aux véhicules hippomobiles. Rappelons les vitesses moyennes de véhicules selon les tractions : 3 à 4 km/h au pas des bœufs, 5 à 6 km/h pour un portage d'hommes à pied, voire 8 km/h pour un portage en course légère, en moyenne 15 km/h pour une voiture hippomobile.
  3. La voiture à timon et à 2n roues est décrite d'un point de vue d'ethnologie historique par exemple dans l'ouvrage de Brunhes Delamarre, op. cit.. Pour comprendre le métier décrit ci-dessous, il faut avoir observer et conduit en tout-terrain un chariot à quatre roues avec avant-train articulé par rapport à l'arrière-train. Ce chariot articulé à avant-train mobile est plus exigeant en ce qui concerne la traction, nécessitant au moins une paire de bœuf au joug ou un cheval puissant. Le voiturage du bois dans le cas spécifique des Vosges moyennes est décrit dans l'ouvrage de Jean-Louis Boithias et Marc Brignon.
  4. La charrette ou « bricole » ne possède que deux roues. Cette voiture à brancards, inventée et mue en Chine par la traction humaine, n'apparaîtrait, attelée à un animal vif et puissant qu'à l'époque mérovingienne en Europe occidentale. Nous n'évoquerons ici pas le char antique à timon et à deux roues.
  5. Il s'agit d'un chariot muni de travées et de bancs pour le transport d'une troupe humaine assise.
  6. Il s'agit d'un solide chariot de carrier, à support portant très bas et à roues épaisses.
  7. Il s'agit de l'ancienne brouette en bois, à roue bandée de fer. Sous diverses formes, elle était commune sur tous les chantiers, mais aussi dans les jardins.
  8. Elle concerne le transport des porcs abattus en boucherie. Le rai (du latin médiéval radius, rayon), autrefois souvent écrit "rais" au singulier, désigne communément chacun des rayons d'une roue.
  9. Le fer porté au rouge se dilate de 1 cm par mètre. Un bandage posé trop large ne permet pas d'équilibrer correctement la roue. S'il est trop grand, le serrage n'est pas suffisant. Il déjante rapidement ou après un bref usage. Un bandage déjanté laisse les composantes de la roue plus ou moins mobiles, alors qu'elles doivent être bien fixées les unes dans les autres. Enfin, s'il est trop petit, la roue peut être gauchie, tordue (engendrant un tour de roue bancal) ou même facilement brisée. Par contre, une roue bien conçue et cerclée pouvait durer plus d'un siècle à condition qu'elle soit soumise à des contraintes convenables. Elle pouvait en outre être réparée et au besoin recerclée si le fer du bandage était trop entamé par usure. Pour plus de sûreté, le charron perçait le bandage de la roue et posait quelques boulons de sécurité. Le ferrage des roues est exécuté traditionnellement à l'extérieur de l'atelier par quelques commis, aides ou apprentis, obéissant au charron (lire note sur l'embattage supra). Il pouvait être aussi dirigé conjointement par un maître rouyer, fabricant de roues, et un forgeron. Le travail en commun du charron avec le forgeron, s'il n'est pas la règle, n'est pas inhabituel. Dans l'industrie, les ouvriers spécialisés pour la confection au rouge cerise du bandage et la pose du bandage, nommé embattage, sont des ouvriers forgerons.
  10. Mentionnons d'autres techniques de bandage, la pose par sections ou le renfort systématique par cloutage. Elles sont issues de pratiques de réparations à faibles coûts ou de fortune, pas forcément dirigées par un vrai charron, et en tous cas condamnées et interdites par les autorités gestionnaires de routes car elles détruisaient les chaussées ou défonçaient les chemins empierrées. La première passe par la pose de petites bandes de fer, battues à chaud, puis fixées à l'aide de clous à têtes carrées. Un serre-joints était nécessaire pour serrer au mieux les deux éléments de jante attenants, de même qu'un trempage rapide après la pose de la section. La seconde généralisait la pose de clous à têtes larges et de petites sections courbes de fer pour renforcer le bandage usé. Mal maîtrisées, ces techniques de raccommodage détruisaient la jante puis la roue.
  11. Il s'agit d'une estimation proposée par Freddy Sarg, op. cit.. Le modeste charron alsacien de Reiperstviller concevait une quarantaine de roues en hiver. L'été, le cultivateur ne se consacrait qu'à des réparations diverses. Notons que la petite roue de brouette, celle à quatre rais et deux éléments de jante, est la plus difficile à réaliser. Il existe des roues de grosses brouettes à dix rayons. Le nombre de rayons, adapté aux types de charges, est variable : les fines roues de charrettes peuvent comporter seize rayons, les roues épaisses de chariots ou des chars à bœufs douze.
  12. Le moyeu, pièce de forme bombée, souvent considérée comme le "foyer rond et irradiant" de la roue, a d'abord l'aspect d'un petit tonneau en bois plein, tourné, cerclé de deux frettes en métal. Ce bois bien sec, qui ne se fend pas, est généralement de l'orme bien sec, ébauché préalablement plusieurs années avant d'être tourné. Avant, pendant, après le passage au tour de l'ébauche de tonnelet, le charron (re)vérifiait la forme au compas et les dimensions à la règle. Les frettes sont des bandes métalliques en fer, posées à chaud, qui améliorent encore la résistance de la pièce en roulement. Fixée ou bridée sur un cadre, la pièce primitive doit être percée, d'abord à l'aide du vilebrequin, dans son ventre d'autant de trous que de rayons écartés constitutifs de la roue. Le traçage préalable de l'emplacement des rais sur son pourtour est accompli avec précision, tout comme l'évidement et le percement des trous à tailles constantes, nommés "mortaises". Les rayons de la roue, en chêne de grande résistance, ont été conçus avec des pieds rectangulaires, nommés "tenons" qui doivent s'ajuster dans les mortaises du moyeu et des languettes rondes à la tête, qui doit se coincer dans la jante. Le montage des tenons des rais est oblique, et sur chaque rayon, le charron oriente avec précision les angles pour contrôler l'écuanteur final (voir supra). La jante en frêne tors, solide et flexible, se décompose au montage, en chevilles en chêne dur et en éléments de jante, connectés à au moins deux languettes de rayons. Ces éléments de jante sont façonnés selon le gabarit de base par un asseau et une plane, à moins qu'ils soient découpés à la scie à ruban. Les joints biseautés de la roue sont resserrés par la pression du bandage métallique. Lors de l'opération de bandage ou embatage, le refroidissement et la contraction du métal permet d'épouser le biseau de contour du bois, qui a été conçu pour être tronconique (de section conique et non simplement plate). Le moyeu est alésé avec précision pour recevoir la boîte d'essieu en fonte et/ou en acier, qui est d'ailleurs introduite en la forçant. Celle-ci joue la fonction d'un coussinet en métal sur la fusée de l'essieu et permet à la roue de tourner longtemps sur l'essieu. Lors du montage de la boîte d'essieu (on disait "boiter la roue"), la rotation parfaite de la roue doit être assurée. Cet impératif requiert l'équilibrage de la roue : la boîte d'essieu sera centré, par introduction si besoin répétée, au marteau, de cornes en bois dur de chêne imputrescible dans le moyeu. Le monteur fait tourner la roue sur un axe fixe, pour tester l'équilibre de la roue et tailler avec méticulosité les logements des coins.
  13. Il n'était pas rare que les routes charretières comportent des ornières de plus de 60 cm de profondeur, parfois peu visible et remplie d'eau. "Enfoncer à mi-rai" est une expression commune : les roues du char enfoncent dans la terre d'un chemin ou d'un champ jusqu'à mi-distance du moyeu, soit le quart du diamètre. Sur les routes empierrées, les roues pouvaient générer un bruit diabolique.
  14. type charrette. Un train roulant ou train de charronnage est le montage solidaire par un essieu de deux roues. L'essieu est une pièce massive, en bois scié, taillé avec une précision géométrique. La fusée de chaque roue montée est inclinée pour que l'écart des roues se resserre au niveau du sol, c'est-à-dire que le plan des roues forme un v ancré dans la terre. La compensation de cette sortie de l'axe se fait par l'effet de l'écuanteur et du devers (lire supra).
  15. type chariot articulé où les roues avant, plus petites que les grandes roues arrière, laisse l'avant-train, lié à une sassoire pour l'inertie et l'équilibre, pivoter sous le chariot. L'essieu avant qui est monté sur un bâti intermédiaire peut alors tourner sur une cheville ouvrière (axe en fer). L'ampleur de la rotation du train articulé peut être variable. Il existe plusieurs rotations possibles à différents braquages : à quart de braquage (jusqu'au bord de la voiture), à demi-braquage (sous le corps de voiture en partie étranglé pour laisser la place aux roues), à trois-quarts de braquage (les roues petites s'enfilent sous la caisse du véhicule jusqu'à la pièce maîtresse du train composé), à plein braquage (les roues très petites passent sous le plancher de la caisse). Les charrons avertis des régions accidentées ont souvent conçu le char local en modèle réduit pour assurer un braquage optimal. Une autre solution dans le char de roulage du Lincolnshire, une caisse basse prenait appui sur le train arrière alors que le train avant n'était recouvert que par un plateau-cadre couvrant ladite caisse et qui se prolongeait à l'avant du véhicule, le mouvement des roues du train avant n'étaient alors pas entravées par la caisse.
  16. Décrivons à titre d'exemple la caisse droite des chariots anglais. Sur un plateau étaient fixés, en avant et en arrière, des panneaux pleins, et, à gauche et à droite, des ridelles latérales également pleines. Pour augmenter sa capacité de charge, le charron ou parfois le cultivateur habile préparait des ranchers, sorte de claires-voies surplombant les extrémités de la caisse, à l'avant et à l'arrière. Le char paysan de la montagne vosgienne pouvait aménager son chariot (nommé ché) différemment pour la fenaison : sur les poutres de sapin était fixé un plateau simple, deux échelles verticales à l'avant et à l'arrière. L'amas de foin, dûment régularisé après l'apport de gâchée bien placée, constituait une haute charge équilibrée par l'Homme dessus (sur la voiture) et stabilisée finalement par un assemblage serré de cordes et de perches en bois. Parfois, faute de plateau large, le cultivateur gardait la base du poutrage avec des ridelles, tout en faisant le montage vertical. Notons que ni le poutrage-support ni le plateau ni les ridelles n'avaient de surfaces pleines, tout était à claire-voie. Le gambo gallois, rustique charrette allongée, à plateau aménageable latéralement par une simple barrière centée à deux cadres, à peine étendue au tiers de la longueur du plateau, et deux doubles poteaux à l'avant et à l'arrière, correspondrait mieux à cette façon minimaliste.
  17. Les bois durs pour les rayons sont nombreux en cas de défaut de chêne : le charron choisissait parfois l'acacia, l'orme commun... Les éléments lourds du chariot, comme les trains roulants, la barre d'accouplement qui les relie, la caisse, sont de préférence en chêne et en hêtre. Dans les contrées de montagnes de l'Est de la France, le sapin, sous forme de tronc à peine équarri pour les poutres de base ou encore de simple planches pour le plateau, la caisse, des planchettes pour les ridelles... remplaçait souvent le chêne. Mais ce bois souple et à bonne résistance axiale ne pouvait convenir pour les échelles de préférence en bois plus dur, de préférence en chêne, fruitiers... Le hêtre, qu'il soit des montagnes ou de plaine, n'est pas le seul bois facilement pliable à la vapeur. Le frêne servait à confectionner nombre de pièces assez légères, comme les brancards et surtout des éléments légers, à commencer par les panneaux avant ou arrière, droit ou courbe, de la caisse. Ces derniers étaient cintrés ou moulés à la vapeur, puis séchés en énormes piles pendant plusieurs années. Après 1880, il existait de grandes fabriques de toutes tailles et formes de panneaux en frêne pour de multiples usages. Bien après la reconversion de ces fabricants dans les années trente, les derniers charrons qui, patients experts dans l'art du séchage, avaient rachetés les derniers stocks abandonnés en possédaient toujours dans leur réserve.
  18. Le charron y porte les lourds lateaux de hêtres et les longues perches de frêne. La réserve bien gérée, avec ses gros morceaux de bois en bas et ses pièces ébauchés en rayonnage, n'était pas ce qu'elle est devenue communément avec la déchéance de l'activité : un fourre-tout d'outils usagés, de roues à réparer oubliées, de pièces ou de caisses, voire de véhicules en déshérence,
  19. Embattre une roue requiert précision et compétence de l'équipe dirigée par le charron qui exerce à l'œil et à l'oreille. L'opération était réalisée sur une placette, extérieure à l'atelier, à l'air libre et souvent au vu de tous les passants. Un feu circulaire alimenté par des fagots de bois secs et des copeaux de l'atelier, délimité par des plaques de protection en métal était allumé. Ce brasier ardent servait à chauffer le bandage, qui consiste en un cercle de fer équilibré, préalablement élaboré, à chaud au rouge cerise, avec un diamètre légèrement plus petit que le diamètre de la roue. La préparation du bandage, autrefois avec un outillage manuel, emploie généralement depuis les années 1860 une "machine à cintrer" les bandes de fer. Cette cintreuse consiste en jeux de rouleaux, mus par une manivelle, qui, par effet de pression, formate plus régulièrement la bande de fer chauffée. La roue à embattre est bridée solidement, à l'aide d'une vis à large tête cornue. Deux ou trois hommes, munis de grandes pinces ou de tenailles longues, ôtent rapidement du feu le cercle dilaté, porté au rouge, et l'approche avec précaution pour ne pas "cramer" le bois. Une fois trouvé la bonne position survolante, le bandage est ajusté sur le contour de la roue, puis aussitôt enfoncé à fond au marteau à devant et immédiatement refroidit par de l'eau versé. Dans un chuintement de bois échauffé et d'eau vaporisé sur le fer rouge, le charron, chef opérateur, utilise différents marteaux pour ajuster par à-coups et, au besoin, le levier, pour assurer définitivement le bon positionnement. L'arrosage avec de l'eau froide apportée dans des sceaux est nécessaire pour que le refroidissement du bandage, concomitant de l'amorce de son rétrécissement, soit débuté avant que le bois en contact ne brûle pas en profondeur. La trempe couronne un moment spectaculaire de l'embatage : la plaque d'embatage est portée par les opérateurs dans un bassin rempli d'eau, le métal en se contractant compresse et enserre ensemble les différents éléments assemblés de la roue. Lors de cette phase finale, où la température du bandage de fer chute, l'homme de l'art peut au besoin desserrer la bride de la plaque d'embatage : le moyeu remonte et l'écuanteur s'accentue.
  20. Ce dernier outil en bois et métal figure dans les inventaires de carrossier ou de transport minier, c'est le rabot à queue de carrossier dit guillaume à élégir plat.
  21. Nous avons décrit l'exigeante taille fine du devant et de l'arrière de chaque mortaise, afin que le rai ou rayon puisse s'orienter suivant un angle précis et que l'ensemble du montage des rayons et de la jante puisse garantir l'écuanteur de la roue. L'angle précis est obtenu au cours du perçage, guidé et vérifié grâce à la mesure à faire les rais. il s'agit d'un gabarit placé devant la position de chaque rai afin de tailler la mortaise correspondante. L'instrument est une latte de bois, momentanément vissée, à l'instar d'une horloge, dans l'axe précis du moyeu : une cheville fixée sur la latte à une distance du centre précisément égale à la longueur visible des rais, dépasse de son support pour indiquer les points de circonférence vers lesquels les rais sont orientés.
  22. Outil pour mesurer la circonférence des contours. Le charron l'utilise surtout pour mesurer la circonférence d'une roue qu'il n'a pas fabriquée, de manière à préparer un cerclage convenable. Lire sur la roulette du charron, Hubert Comte, op. cit., page 117.
  23. La rupture d'essieu était la grande crainte du charretier. L'accident, parfois catastrophique, pouvait être dû à la pente, à l'excès de charge pour ne pas perdre trop de temps, à une manœuvre malhabile, à une traction défectueuse, voire à l'exécrable entretien des parties roulantes ou à l'usure généralisée des pièces de bois et de métal soumises à d'incessantes variations thermiques, comme le scandent le bruit saccadé du roulement et les craquements d'enfer à la chaleur des vieilles charrettes américaines décrites dans les romans faulknériens. Il va de soi que l'élite minoritaire d'excellents paysans voituriers savait parfaitement entretenir leur véhicule et faire appel au charron au moment opportun, en particulier pour prévenir une usure inhabituelle de pièces en avertissant ou visitant préalablement à toute rupture dangereuse, l'atelier. Ce bagage technique était indissociable de l'art de conduire un char paysan et son attelage, un apprentissage continu, souvent précoce, dès l'enfance, ainsi les bœufs étaient conduits à l'œil et à la voix. Au contraire, un conducteur improvisé ou malhabile d'un chariot à l'état chargé pouvait se ridiculiser en initiant une suite de petits événements aux conséquences parfois désastreuses. L'enfant apprenti voiturier qui comprenait l'intelligence expérimentée des immenses bœufs joutés et des puissants chevaux attelés ne les forçait jamais, et, sans violence et brutalité idiotes et juste avec sa petite voix et un signe de sa main, laissait aux animaux de trait pleine initiative du mouvement.
  24. Elle semble connue des peuplades belges au IIIe siècle. Elle se remarque bien mieux sur les roues fines et stylisée des voitures de luxe au XIXe siècle que sur les grossières roues de chariots.
  25. Ces forces neutralisent l'augmentation du tangage qui pourrait devenir catastrophique. Elles assurent la stabilité du char roulant.
  26. Le graissage de la fusée (partie à l'extrémité de l'essieu) nécessitait le démontage partiel de la boîte d'essieu. la première fois, il fallait ôter une pièce du moyeu pour atteindre la goupille, dont la fonction était de retenir la roue sur la fusée.
  27. Une voiture bien conçue usait principalement ses roues. C'est pourquoi le charron fabriquait davantage de roues que toutes autres pièces de rechange. Il fallait trois à quatre mois de travail, au charron de village et à son commis ou apprenti, pour fabriquer un chariot paysan. Le coût estimé, toute finition, était en Angleterre d'environ trente livres, selon John Seymour, op. cit..
  28. Garnies de paille pour que les laveuses puissent s'y placer à genoux, elles sont nommées chairotte en lorrain, soit le petit char ou chariot.
  29. Cet ordre de grandeur est d'abord proposé pour le sud rural du pays toulois par Jean-Yves Chauvet, op. cit.. L'artisan, souvent avec un seul aide, décrit possède un petit atelier et une activité saisonnière. Humbert décrit plutôt un atelier permanent, typique de la confrérie des charrons, avec un maître, quatre commis et deux apprentis en moyenne. À la fin de la civilisation de l'attelage, le premier charron pourra se convertir en modeste réparateur ou en conducteur-chauffeur en quittant son atelier, le second en menuisiers-ébénistes (s'il est attiré par la finesse du travail du bois), réparateurs-mécaniciens ou carrossier-peintre, voire vendeurs ou adaptateur de machines ou d'équipements automobiles. Pour John Seymour, op. cit., l'atelier de charron dans chaque village anglais avant la Première Guerre mondiale correspond à une réalité, même si elle participe de la nostalgie d'une belle époque. Pour Jean-Claude Bouleau, rédacteur de l'article « charrons », in Histoire du Compagnonnage, op. cit., les quelque 200 membres du « corps des charrons et menuisiers du devoir », présents en 1938 dans les loges de Marseille, Lyon, Nantes, Orléans, Bordeaux... étaient appréciés dans les métiers de l'automobile, en particulier dans l'habillage des châssis ou dans la mise au point d'innovation technique concernant la carrosserie. Ils étaient déjà surnommés cambouis par les autres corps.
  30. Murielle Rudelle, op. cit., indique quatre années. Hors compagnonnage et tour de France, le jeune charron restait souvent, un nombre similaire d'années, dans l'atelier du maître ou d'un autre en tant que commis, pour s'initier à l'aspect pratique de la gestion et de la clientèle, avant de se mettre à son compte. André Noël, en présentant quelques métiers disparus, dans la Revue lorraine populaire, no 50, 1983, mentionne que l'apprentissage global, sans pratiquement rien gagné, durait souvent 7 années, alors qu'il constate que le moindre apprentissage des années 1980 est sanctionné en trois ans par un certificat. Ajoutons qu'alors, pour faire passer ce raccourci et assurer une sélection conceptuelle, l'élève est encombré d'un trop large bagage théorique, souvent inapproprié.
  31. Ce qui explique qu'une fois libérés des obligations de ces corps marchands organisés au-delà du cadre étroit de la cité, ils se comportent en simples entrepreneurs. Ceux-ci ne seraient donc pas des artisans de corporations médiévales urbaines. Selon A. Carlier, opus BT N°1 cité, les charrons ne formeraient qu'un corps de métier régulier qu'à partir de 1498. Les charrons ne rejoignent que tardivement le monde des corporations d'Ancien Régime et des métiers, admis officiellement en compagnonnage en 1706.
  32. Pour le monde paysan qui bénéficie souvent du service de l'artisan, la profession prend le double masque d'un Janus, bienveillance versus horreur malfaisante. Au service des puissants seigneurs (financiers et propriétaires temporels qui sont souvent des religieux et aussi, l'un n'empêche pas l'autre, des spéculateurs rentiers, au moins tacites par leur participation aux gains des marchés différés) et de leurs administrations ou intendances, le charroi organisé dès la récolte représente une vidange des biens nourriciers d'une contrée paysanne dominée, qui, abandonnée socialement, subit pénurie de subsistance, disettes, famines, et en cas de survie, maladies pérennes de dénutrition alors que les centres de pouvoir lointains ou même les villes proches regorgent de victuailles ou ne sont contraints qu'à quelques rationnements. C'est pourquoi le monde paysan a souvent été hostile à la viabilité des chemins pour atteindre ses bois d'usage ou ses diverses réserves naturelles de subsistance ou de profit, sachant que l'autorité et ses comparses marchands saisirait cette facilité pour piller ces biens communs.
  33. Une réalisation technique intéresse les compagnons de voyage de Montaigne à la Casa Fusina (Cafusina) à 5 milles italiens de Venise. C'est le principal port embarcadère vers les îles de la cité des Doges, avec des dispositifs divers de halage, en liaison avec un réseau de canaux et écluses sur la côte marécageuse (Journal de voyage de Montaigne).
  34. Ce wagonnet initialement poussé par les mineurs se dote rapidement de roues en métal profilées et d'un frein à sabot nommé "mécanique" au XVIIIe siècle: die Wagen (la voiture) devient wagon en anglais puis en français.
  35. Ces litières, caisses fermées par des panneaux et des tentures, sans roues, sont portées en général sur le dos de deux chevaux, brancardés à l'avant et l'arrière.
  36. La genèse des entreprises de messageries et des postes est complexe. Elle appartient à la période médiévale, même si la Renaissance ouvrant au trajet lointain, véritablement interurbains, les services publics, l'exemplifie. Citons la dynastie des Thurn und Taxis qui obtient le monopole des messageries dans le Saint-Empire romain germanique et en Europe centrale. En France, le coche est la première grande voiture de transport en commun moderne au XVIe siècle. Dès 1575-80, ce véhicule bénéficie des progrès de la suspension (ressorts à lames, caisse suspendue par des lanières de cuir) et se voit doter d'un train-avant de roues maniable, sous le siège surélevé. Toutefois, la grande mutation technique et organisationnelle du transport public est spécifique, au XVIIe siècle, des grandes villes européennes. Sous Louis XIII, le service ancien de chaises à porteurs, modernisées en chaises roulantes ou de poste se double à Paris d'un service de voiture de louage, type carrosse aristocratique ou carriole commune. Comme elles stationnent devant l'hôtel Saint-Fiacre, elles se nomment fiacres vers 1645 quand certaines de ces voitures commencent à assurer un service public régulier. En France vers 1670, les véhicules de transport suspendus s'appellent encore coche, patache, gondole, galiote, carabas (voiture à caisse d'osier à huit chevaux)..., les chaises roulantes se distinguent en roulettes, vinaigrettes (principe d'une caisse fermée à chaise sur train de roue tracté par un homme), brouettes (véhicule sur caisse sur train de roue, poussée, amélioré par Pascal), basternes (réinventé par Vauban). Les personnes privées circulent en calèches (voiture à cheval luxueuse à quatre roues et quatre places), cabriolets (petites voitures réservées aux dames), en berlines (voiture à quatre roues et à deux fonds symétriques, avec une capote garnie de vitres glaces), voire en carrosses modernes (similaires à des berlines luxueuses), parfois coupés en berlingot ou en diligence. Pour cinq sous, il est possible de circuler dans tout Paris dès les années 1680 : c'est le début de la démocratisation des transports publics. Après 1690, une diligence postale, c'est-à-dire un coche suspendu, couvert à quatre roues, bénéficiant de chevaux frais aux relais de poste parcourt 200 km par jour. C'est l'ancêtre de la malle-poste ou du mail coach britannique du XVIIIe siècle.
  37. Ces innovations semblent le fait ou le produit de l'attention technique des charrons alpins, conscient de l'existence de routes maritimes à succès entre Italie et mer du Nord. Mis en compétition, les autorités contrôlant les cols fréquentés et leurs lignées marchandes attachent de la considération à l'art de la charronnerie. L'innovation dans le vaste comté de Tyrol pour le col du Brenner ou dans les cantons helvétiques pour les cols occidentaux des Alpes centrales reste à étudier en détail.
  38. Le train des équipages nomme depuis 1800 un corps d'armée spécialisé dans la conduite sur les lieux du conflit des équipements spécifiques et nécessaires des unités militaires. Celles-ci organisées en divisions mobiles, innovation française depuis à peine quarante années, réquisitionnent les vivres sur place depuis les guerres révolutionnaires.
  39. Alors que les ponts et chaussées souffrent bien plus de l'incurie des administrations ou de l'insouciance des édiles que des abus des usagers de la route, l'ordre et un contrôle quasi-militaires s'imposent sous le Consulat. En 1800, un règlement de police est instauré pour le service des voitures. Avec le retour d'une administration autoritaire, la répression policière se généralise, d'autant que les transports sont redevenus stratégiques du fait de la politique du blocus continental. La Restauration n'affaiblit nullement la rigueur administrative. En 1817, une autorisation royale préalable est exigée pour chaque compagnie de transport.
  40. Les premiers landaus mis en vente vers 1740 apparaissent après le gig, voiture à deux grandes roues tractée par un cheval ou même le phaéton, voiture découverte et haute sur ses deux grandes roues, attesté en 1723. Toutefois, le modèle landau à quatre roues influence fortement l'évolution de ces derniers types commerciaux, ainsi que le landaulet et la squalette. Produit de l'évolution des berlines de la fin du XVIIe siècle, les coupés à portière vitrée attirent une clientèle aisée. Mis à la mode citadine par le juriste écossais Henry P. Brougham vers 1850, sort de l'anonymat un célèbre coupé doté de deux banquettes, à quatre roues, caisse très basse et timons séparés : trains et bas de caisse sont peints en bleu, le haut affichant la couleur noire avec des liserés jaunes.
  41. Ce qui en fait des "bus à chevaux" au sens moderne. Il existe pourtant en 1829 des prototypes d'omnibus à vapeur. Les tramways à chevaux, véhicules guidés sur des rails, font leur apparition en France sous le Second Empire, entre 1853 et 1864.
  42. Les diligences sous la Restauration, sous l'égide de compagnie de messageries privées, évoluent encore en hauteur et en confort depuis la turgotine, diligence des messageries royales mise en service en 1775 pendant le court ministère Turgot.
  43. Une conséquence induite est la répartition des tâches, amenant une spécialisation ouvrière au sein du grand atelier capitaliste : rouyers pour les roues, forgerons pour les ferrures, les fers et ressorts, la pose des frettes et du bandage, tourneurs sur bois pour les pièces tournées comme le moyeu, fondeurs pour les pièces en fonte, charpentiers pour le bâti sommaire, voire carrossiers pour le corps du véhicule de transport ouvragé, tapissiers décorateurs pour la pose de textiles rembourrés, ouvriers cintreurs ou mouleurs à la vapeur de panneaux ou pièces de bois courbes ou ondulés, peintres pour colorer les parties visibles...Il ne reste bien souvent à l'ouvrier charron que l'agencement des trains de roulage, dit de charronnerie...
  44. Ce qui clôt ou restreint le charronnage sous sa forme traditionnelle est causé par l'invention du pneumatique en 1890. Le pneu à air révolutionne d'ailleurs avec le temps le monde des transports.
  45. Pour Seymour, option cité, l'entre-deux-guerres est une période catastrophique pour la profession, les ateliers fermant les uns après les autres. Il signale que le dernier type de char paysan en usage dans les îles Britanniques dans les années 1970 est une charrette simple ou un tombereau charriant fumier, tourbe, algues, sacs en vrac.. Ce que confirment les nombreuses images des livres de géographie rurale sur l'Angleterre et l'Irlande. Il en va autrement en Europe centrale, par exemple en Pologne et Roumanie, où chariots et charrettes sillonnent encore les chemins ruraux dans les années 1980.
  46. La technologie des chariots ou wagonnettes destinés aux compétitions sportives tout terrain de conduite d'attelage hippomobile diffère notablement de l'art traditionnel, mais les ateliers des derniers charrons suivent l'évolution moderne. Le moteur électrique simplifie radicalement en tous points les métiers du bois. La scie à ruban, la machine à faire les rais en acacia, les machines à outils à bois, notamment le tour à bois, la mortaiseuse sur laquelle l'ouvrier monte un diviseur à moyeu... rendent facilement accessibles précision, rapidité et qualité.
  47. du latin médiéval rodiarius. Il existait aussi les rotarii au XIIIe siècle. Cette méprise assez commune n'est pas venue d'une interprétation abusive des milieux d'éducation littéraire, comme souvent en France.
  48. Il faut se méfier de l'analyse présentée dans la lignée dauzatienne par Marie-Thérèse Morlet dans son dictionnaire anthroponymique ou des noms de familles. Krumm signifie en allemand moderne tordu, contrefait et le substantif par extension le sobriquet vil. Il est fort probable que les racines des noms de familles Krumm, Krummer, Krumholz n'aient aucun rapport avec ce sens moderne. Une meilleure connaissance de l'origine de ces (pré)noms germaniques nécessiterait un préalable savoir des mondes dialectaux antérieures. Les correspondances modernes seraient ainsi fortuites et récentes.
  49. Ces fêtes officielles du compagnonnage sont respectivement placées le 25 novembre et le 1er décembre. Or, le mois d'octobre est bien le mois capital du charron, dont les diverses formes de divinités initiatrices ou protectrices sont ensevelies ou brûlées au moment des trois jours de la Toussaint, correspondant à la Samain gauloise. Pourtant, ses modestes et rusées divinités de la médiation, pleinement actives dès avril pour culminer à la fin octobre dans l'autre monde des conteurs paysans, pour régler le conflit entre les Dieux-Rois et les hommes mortels, semblent avoir été des croyances alliées du christianisme primitif, promoteur d'une généreuse liberté. Toujours en faveur des Hommes auxquels ils livrent avec générosité techniques et moyens d'adaptation, ces êtres porteurs de magie blanche, sortis de la Terre-mère végétale, résistant à l'assimilation et au feu, tentent en vain de négocier avec les arrogants et dominateurs Dieux-rois qui persiste à faire déchoir en esclavage l'humanité après l'avoir vaincue en mars. Ces êtres résistants ne peuvent empêcher ces derniers d'envoyer sur terre la "charrette des maux et des malheurs" et de répandre insidieusement depuis leurs hauteurs nimbées leurs malédictions et vengeances. Ce véhicule guidée par la Mort charrie, outre les maladies et souffrances des êtres vivants, les épidémies et les calamités climatiques, l'amenuisement des facultés et de la puissance active des êtres nés de la Terre-mère (dont l'Homme), fragilisés durant une prime jeunesse rallongée et amoindri par une rapide senescence. Dans ce calendrier paysan, mars et novembre expriment chacun à sa façon, un changement et un recommencement. Mars entérine la fin de l'âge d'or, où l'humanité solidaire était toujours festive et joyeuse. Novembre laisse l'humanité battue et déjà déchue, accablée de vices et de souillures, face aux pires dangers à venir, à commencer par les froidures de l'hiver.
  50. Raymond Humbert, op. cit.. Ajoutons qu'une fois entrés en corporation avec les forgerons, les maîtres charrons reconnus n'en ont fait qu'à leurs têtes : ils n'ont eu de cesse de provoquer la tutelle tatillonne des maîtres du fer afin d'affirmer leur indépendance. En témoignent le bafouement régulier des règles limitant la taille et la couleur de leurs rubans lors des parades, source de vives altercations avec les compagnons forgerons, et même la qualification de chefs-d'œuvre à l'origine non reconnus par la tutelle corporative, tels que l'ajustage technique d'une roue déclinée à de multiples échelles ou le montage d'une voiture, pour obtenir la maîtrise. Notons que le charron médiéval ou des temps modernes assurait les mesures réglementaires de ses outils et ses pièces, comme n'importe quel ouvrier constructeur, maçon ou charpentier, avec la pige, bâton normé d'un pouce d'épaisseur et d'une coudée de longueur, elle-même subdivisée par des encoches en unités secondaires en paume (main), palme, empan, pied. Il comptait et géométrisait l'espace avec la corde à treize nœuds.
  51. Quelques chefs-d'œuvre sont exposés au conservatoire national des Arts et Métiers et au Musée du compagnonnage. Notons en particulier le chef-d'œuvre connu de Dauphiné la Bonne Espérance alias Ferdinand Flouert (1851-1939). Dans le livre des métiers d'Étienne Boileau comme de façon immémoriale dans le monde compagnonnique, les charrons sont assimilés à la communauté des charpentiers. Ils adoptent le saint patron de ces derniers, saint Joseph tout en empruntant librement saint Éloi aux forgerons. Jean-Claude Bouleau, dans son article charron, in Histoire du compagnonnage, op. cit., remarque qu'une réunion de charrons parisiens forme une bannière des milices parisiennes ordonnées en 1467 par Louis XI. Or, elle n'a pas de statut alors que les charrons œuvrent activement pour l'artillerie royale et plus banalement, pour les transports d'approvisionnement de la capitale. Les premiers statuts connus de cette bannière sont rédigés en 1498, 1623 et 1668.
  52. Reprenons l'exemple du chariot en Angleterre. Dans les pays montueux, le chariot était souvent plus petits et légers, notamment dans l'ouest anglais. La structure moins lourde révélait généralement une technique plus complexe. Le summum du chariot lourd y était représenté par un type remarquable de chariot à caisse courbe ou cambrée, notamment dans le Devon, le Somerset, l'Oxfordshire. Dans les plaines de l'est anglais, la caisse était droite, très creuse à haut bord et le chariot présentait un aspect plus massif avec parfois des traverses centrales ou poutres maîtresses du bâti de la caisse d'un quart de mètre d'épaisseur en hauteur. Le chariot du Suffolk possédait une caisse rectangulaire droite coûteuse, remarquée par un étranglement à l'avant de la traverse centrale, à côté du bâti centré, pour permettre un demi-braquage rapide en circulation, sur terrain plat. Ses grandes roues arrière dépassaient 1,8 mètre de diamètre. Ce lourd chariot transportait sans difficulté 3 à 4 tonnes de céréales.
  53. Les arêtes des parties saillantes du chariot pouvaient être chanfreinées, pour des raisons d'allégement et/ou de décoration particulière. Certains chariots paysans de Frise, de Hollande, de Zélande, de Gueldre passaient pour être de véritables sculptures roulantes.
  54. Le charron concevait et exécutait la peinture, parfois comme un véritable peintre décorateur et excellait souvent dans cet exercice délicat. Tous les chars paysans n'étaient pas peints, les bois restant souvent à l'état brut. Le maître des pinceaux devait parfois juste obéir aux marquages traditionnels. La peinture pigmentée à base de blanc de plomb ou céruse, de bleu de Prusse, de rouge anglais probablement au minium ou au chromates, de vert vif type verdet ou vert de gris du cuivre... était pourtant au XIXe siècle supposée protectrice. Le train de roulement et les roues se distinguaient par une couleur vive (rouge ou jaune par exemple), la caisse par une autre teinte (le bleu comme souvent sur la façade atlantique, en Saintonge, dans l'île de Ré ou au voisinage de la mer du Nord en East-Anglia). Le charron traçait souvent des liserés, blancs ou de diverses teintes, séparateurs entre les zones diversement colorées ou produisaient divers motifs de bandes et de fils serrés le long de la caisse ou de ses aplats les plus visibles. Dans certains cas, juste avant la livraison au client, les ridelles, panneaux et la moindre pièce étaient peignées avec une peinture à séchage rapide.
  55. C'est le cas des voitures de transport de personnes aristocratiques, véhicules élégants à la peinture au fini glacé, nommés "milord" ou "break" en Angleterre, "comfortable" en Allemagne... Elles possèdent une charpente fine, des courbes élégantes, une ferronnerie luxueuse, des tapisseries cossues et des sièges rembourrés, voire des moyeux de roues brevetés
  56. Les charrons américains de la côte est améliorent le train avant du chariot à fonction polyvalente. Détachée du chariot à traction chevaline et adaptée à la course d'entrainement attelé des chevaux trotteurs, cette partie avant allégée se mue vers 1820 en sulky.
  57. Il figure à ce titre, à côté de la célèbre diligence Wells Fargo et autres véhicules de roulage, dans les objets phares des collections de l'American Museum du Smithsonian Institut. La finition dévoile une mécanique (frein à sabot en bois) sur la ou les roue(s) arrière(s), une grande ancre pour l'arrêt ou l'immobilisation, et d'autres accessoires variés : mangeoires à l'arrière, large boîte à outils, ornés de ferrures et de loquets en fer forgé, sur les côtés...
  58. En ancien français, le charon désigne, outre notre charron, une sorte de char.
  59. Rome aurait compter d'après les traditions littéraires une trentaine de voitures différentes, du lourd plaustre (plaustrum ou plostrum) qui représente le véhicule paysan, sous forme imprécise de charrette ou chariot rustique au char de course ou de défilé à deux roues, sans siège et à conduite debout, en passant par l'harmax (armamaxa), l'antique voiture à quatre roues, litière fermée des longs voyages jour et nuit des hautes personnalités et par les voitures de cérémonies, ornées d'or et d'ivoire, le carpentum à deux roues, à caisse rectangulaire, parfois couverte, la voiture postale à deux roues… Pourtant, l'esclavage commun et les chemins difficiles en dehors des voies militaires ou marchandes appellent les portages en litières et la généralisation de l'animal de bât. La traction animale est mieux généralisée chez les peuples libres et guerriers.
  60. Le verbe carpentare, signifiant "fabriquer des chars", appartient bien au registre du latin populaire. Il fait le lien entre carpentum (char) et carpentarius (fabricant de char).
  61. Le monde des germains occidentaux, en particulier les Francs, les Angles et Saxons, est renommé pour ses chariots de transport marchands, de convois militaires ou de migration saisonnière. Ils ont légué respectivement à la langue française, anglaise, allemande une partie de leur termes techniques.
  62. Pour un aperçu minimaliste du vocabulaire technique, voir le dictionnaire de Jean Peyroux, op. cit.. Par la banale activité agricole des modestes exploitations des derniers ouvriers-paysans après 1970, il est facile de montrer la double mutation de la traction automobile et de la roue à bandage caoutchouc ou pneumatique. Par exemple, le couple de lents bœufs ou le cheval s'est mué en tracteur à essence, le chariot a été remplacé par une grande remorque-plateau à deux roues pneumatiques. De même, les voitures hippomobiles des agriculteurs ont été remplacées dans les années 1960 par des remorques tout acier, roulant sur pneu caoutchouc.
  63. Une traverse désigne une lourde poutre, placée au-dessus de chaque essieu.
  64. Le sommier ou sur-traverse arrière est une pièce de bois entre la traverse-avant et le bâti de la caisse.
  65. Joug sur le col du cheval, au-dessus du collier d'épaule.
  66. Les plus petits modèles de charrettes étaient souvent prévues pour la traction d'un ou deux chiens, alors que les grandes charrettes étaient prévues pour être attelées à un grand cheval, voire plusieurs.
  67. Cet accessoire est conçu soit pour tracter, soit pour maintenir le chargement grâce à des leviers qui maintiennent la tension des cordages.
  68. Ce sabot ou patin, actionné manuellement par un levier mécanique, appuie sur une roue, soit par pression forte en la bloquant, supprimant tout roulement, soit par pression progressive induisant un freinage par effet de frottement. Cette mécanique apparaît sur le char paysan au XVIIIe siècle. C'est un des rares mots de la culture techniques et scientifique qui s'impose tel quel dans les nombreux dialectes paysans d'alors.
  69. Il permet d'ancrer à terre le chariot.
  70. Elle est tendue entre roue et caisse.
  71. Ce type de couleur a été fourni par de nombreux substituts commerciaux, souvent moins durables ou moins pratiques, de plus en plus pléthoriques au XIXe siècle, parfois mensongers du fait de la cherté du pigment à base de cobalt : ils sont à base d'autres pigments minéraux (sulfate de baryte, bleu outremer artificiel au XIXe siècle) ou de productions organiques (bleu pastel, bleu de Prusse concentré au XIXe siècle, bleu de Lectoure récemment). Le bleu charron, parfois appelé bleu charrette, désigne aussi une peinture à base de pigments très toxiques, comme souvent le bleu cobalt l'était, et(ou) de colorants organiques. Supposée répulsive pour les insectes, elle était utilisée pour colorier charrettes ou volets, voire incorporée dans les enduits de maisons, dans certaines contrées méridionales.
  72. RUIZ Ange, "Reconstituer et expérimenter un char de course romain" in Histoire Antique & Médiévale hors-série n° 26, Page : 40-49.
  73. André Leroi-Gourhan, opus cité, tome 1.
  74. Histoire du monde, rédigé par John Roberts et repris par Odd Arne Westad, t. 1.
  75. Métiers oubliés, op. cit.
  76. « Agence les Charrons », sur Agence les Charrons (consulté le )
  77. Une initiation à la brouette, au carrosse, au char de guerre, au chariot, au cisium, au véhicule postal, à la voiture ...mais aussi à la roue et la traction animale, à la route et au transport des marchandises, qui date de l'entre-deux-guerres. Il faut corriger les interprétations historiques sous-jacentes, complètement erronées et illogiques dans le champ de l'archéologie et de l'évolution technique du transport.
  78. Un premier aperçu sur la berline, la chaise carabbas, la chaise-poste, les diligences, les malles-poste, la poste royale et ses relais, l'essor du transport en commun.. Mêmes remarques que précédemment.
  79. Au temps des carrosses publics, des fiacres et autres véhicules omnibus, mais aussi du cheval-Dandy, du coucou, de la draisienne, du grand-bi, du vélocifère ou vélocipède, de la bicyclette. Avant la fin du charron traditionnel.