Caserne Niel (Bordeaux)
Destination initiale | |
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Destination actuelle | |
Construction |
1875 |
Pays | |
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Département | |
Ville |
Bordeaux | Quartier Bastide |
Adresse |
87 Quai des Queyries, 33100 Bordeaux |
Coordonnées |
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La caserne Niel est une ancienne caserne militaire située sur la rive droite de Bordeaux. Construite à partir de 1875, elle a été occupée par différents régiments jusqu'à l'arrêt de ses activités en 2005. Elle s'étend sur environ 10 hectares dans le quartier de La Bastide. Aujourd'hui la caserne Niel est devenue l'espace Darwin.
Histoire
[modifier | modifier le code]La construction
[modifier | modifier le code]La caserne Niel doit son nom à Adolphe Niel, ministre de la guerre sous Napoléon III. Elle est le résultat de l'assemblage depuis 1850, de divers bâtiments dont l'usage a évolué au fil du temps. Elle s'inscrit dans un territoire d'une trentaine d'hectares compris entre les rues Hortense, Bouthier, l’avenue Thiers et le quai de Queyries.
À partir de 1865, la Compagnie anonyme des Magasins Publics et Généraux de Queyries fit construire quatre grands entrepôts appelés « Magasins généraux », pour y accueillir les marchandises qui arrivaient par bateau avant d'être acheminées par voie ferroviaire vers la gare d'Orléans (qui aujourd'hui accueille un complexe de salles de cinémas et des restaurants)[1].
Le 5 décembre 1874, le terrain et les bâtiments sont rachetés par l'État à la Compagnie Anonyme des Magasins Publics et Généraux[2]. L'État édifie la caserne Niel dans le but de réunir dans un seul lieu, divers services de l'armée jusqu'à présent disséminés dans plusieurs quartiers de Bordeaux. Les anciens bâtiments des Magasins généraux vont accueillir le Service de l'Artillerie et la Gestion des substances et donc héberger les uniformes et matériaux de campement. Ils vont porter le nom de « Magasin central du service » (1875), « Magasin général » (1880), « Magasins généraux de la guerre, Magasins généraux militaires, Entrepôts militaires, Magasins généraux militaire de Bordeaux » (1914), « Magasin général de l'habillement et du campement » (1920), « Magasin général mixte de l'habillement de Bordeaux » (1932), et « Magasin militaire d'habillement de la 18e région » (1945)[3].
En 1875, la rue Niel est créée pour permettre la construction de nouveaux bâtiments de la caserne entre 1876 et 1877 : le bâtiment principal, les écuries, la cuisine etc., sont destinés au 18e escadron du Train des Equipages, trois compagnies et une partie de la 18e section des commis et ouvriers d'administration[4].
La caserne porte le nom du maréchal de France et Ministre de la Guerre en 1867, Adolphe Niel (1802-1869), auteur d'une loi, la loi Niel, votée en février 1868 sur la réorganisation et la modernisation de l'armée.
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Vue de la caserne Niel.
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Magasins généraux.
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Magasins généraux de l’armée.
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Entrée du quartier.
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Le pansage.
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Le manège.
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Un coin du quartier.
Après une longue période d'existence, les activités de la caserne cessent en 2005. Elle restera une zone militaire jusqu'en 2007.
Les Républicains espagnols
[modifier | modifier le code]La caserne Niel après la défaite de 1940 fut investie par l'armée allemande pour servir à parquer des prisonniers de guerre, dont les Républicains espagnols qui se sont retrouvés en Gironde après leur défaite dans la Guerre civile espagnole[5]. Des Français, des Italiens, des Belges et des Néerlandais étaient également présents, mais les Républicains espagnols représentaient le vivier le plus important : on estime qu'environ 3 000 d'entre eux vivaient à la caserne. Les allemands se sont donc empressés d'utiliser et d'héberger cette main d'œuvre. Entassés dans les bâtiments de la caserne, ils étaient soumis aux travaux forcés pour la construction de rangs de blockhaus ou de la base sous-marine de Bacalan.
Grâce au témoignage audio d'Angel Villar recueilli par l'enquêteur Oumar Diallo en 2009 (conservé aux Archives départementales de la Gironde), il est possible d'appréhender la vie et les conditions du travail obligatoire à la caserne. Ainsi, il était demandé aux prisonniers amenés à la caserne du respect et du travail, en échange de quoi ils étaient nourris et payés. Des dortoirs avec des lits superposés accueillaient ces travailleurs forcés, et selon le témoignage de A. Villar, c'était « des chambres de huit pour trente-deux personnes »[6]. À quatre heures du matin, ils devaient rallier à pied le chantier à Bacalan en passant par l'avenue Thiers pour ensuite rejoindre le pont de pierre. Répartis en plusieurs groupes les uns à la suite des autres, sous la surveillance des soldats de la Wehrmacht , ces marches favorisaient les évasions avec notamment l'organisation de bagarres fictives par la résistance, ou par les prisonniers eux-mêmes[7]. Pour limiter ces risques d'évasions, les allemands vont écourter le temps de trajet qui dorénavant va se faire par une traversée de la Garonne sur des embarcations surchargées. Des actes de sabotages avaient également lieu parfois : « les charpentiers avaient scié les madriers des pontons de la caserne Niel »[8].
En souvenir de ces travailleurs oubliés de la Seconde Guerre mondiale, une exposition nommée « Rotspanier » ou « Espagnols rouges » a été présentée du 8 février au 18 avril 2019 dans l'espace de l'ancienne caserne.
Darwin
[modifier | modifier le code]Aujourd'hui, la caserne abrite l'espace Darwin, un lieu expérimental accueillant des entreprises et des associations mais aussi un public de visiteurs, le tout dans une démarche écoresponsable[9].
Architecture
[modifier | modifier le code]Organisée autour de ce qui fut originellement une cour d'exercice, la caserne Niel regroupe au total 8 bâtiments. Son esthétique est typique des casernes militaires de la seconde partie du XIXe siècle, à laquelle se mêlent des caractères propres aux édifices commerciaux.
Le bâtiment principal, édifié entre 1876 et 1877, présente une architecture alors courante durant le Second Empire. D'une structure monumentale, il se compose d'un toit mansardé comportant un ensemble de lucarnes. L'ensemble architectural, quoi que très formel, ne présente pas de symétrie absolue dans la disposition des ailes. Comme une grande partie des édifices bordelais, le pavillon central, vernaculaire, est réalisé en calcaire girondin.
D'autres bâtiments, antérieurs aux fonctions militaires de la caserne, dénotent de l'héritage commercial du lieu. Cette architecture industrielle est notamment visible par la présence de toitures à deux pants, caractéristique du patrimoine ouvrier.
Le projet relatif à l'Espace Darwin, amorcé en juin 2008 par l'acquisition de 10 000 m2, est le point de départ d'une nouvelle façon d'investir les lieux.
Le patrimoine bâti est repensé au terme d'une politique de reconversion. L'architecture militaire et industrielle, sous la direction des architectes bordelais Virginie Gravière et Olivier Martin, se veut vecteur d'une « philosophie entrepreneuriale alternative [...] et écologique »[10], tout en tenant compte des qualités inhérentes aux bâtiments originels.
L'artiste designer Pier Schneider, du collectif français 1024 architecture, est à l'origine d'une structure de bois monumentale prenant place dans les anciens magasins généraux[11].
Notes et références
[modifier | modifier le code]- « La Bastide Mutations Historiques », Catalogue d'exposition, (lire en ligne)
- « Bordeaux : Bastide-Niel remonte le temps », sur SudOuest.fr (consulté le ).
- « Darwin - Le projet - La rénovation de la friche urbaine de la Caserne Niel », sur Darwin, (consulté le ).
- « La Bastide Mutations historiques », Catalogue d'exposition, , p. 16 (lire en ligne)
- « Activités culturelles de l'Institut Cervantès », sur cultura.cervantes.es (consulté le ).
- « 13 AV 17-2/16 - Arrivée le 28 août 1942 à la caserne Niel et récit sur la construction de la base sous-marine allemande. Archives départementales de la Gironde », sur Archives départementales de la Gironde (consulté le ).
- « 13 AV 17-2/18 - Trajet de la caserne Niel à la base sous-marine : récit de la mise en place d'évasions. Archives départementales de la Gironde », sur Archives départementales de la Gironde (consulté le ).
- « 13 AV 17-2/19 - Sabotage des madrillets des pontons de la caserne Niel (Fuentes) Archives départementales de la Gironde », sur Archives départementales de la Gironde (consulté le ).
- Olivier Pech, « Bordeaux : les grandes dates de l'écosystème Darwin, caserne Niel », sur Sud Ouest.fr, (consulté le ).
- « Prix d’architecture pour Darwin », sur SudOuest.fr (consulté le ).
- « Layher et le projet Vortex de Bordeaux », sur Layher, (consulté le ).
Voir aussi
[modifier | modifier le code]Articles connexes
[modifier | modifier le code]Liens externes
[modifier | modifier le code]- « La Bastide, mutations historiques » [PDF] (catalogue exposition), sur Bastide Niel, Bordeaux, .
- « Bordeaux : Bastide-Niel remonte le temps », sur Sud-Ouest
- « L'enfer d'un chantier », sur Sud-Ouest
- « Rotspanier, les travailleurs forcés espagnols en Europe durant la Deuxième Guerre Mondiale », sur Instituto Cervantes
- « “Rotspanier” (Espagnols rouges) à l’espace Darwin », sur Coordination Caminar
- http://rotspanier.net/ Exposition trilingue sur les travailleurs forcés espagnols durant la Seconde Guerre mondiale