Voir la source de Affaire Fañch

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L''''affaire Fañch''' est une affaire judiciaire opposant de 2017 à 2019 un couple de [[Quimper|Quimpérois]] à l'État [[France|français]] et la controverse qu'elle a déclenchée, au sujet de l'enregistrement officiel du prénom traditionnel breton {{page h'|Fañch}}. Une deuxième affaire Fañch s'est produite à la suite du même refus d'état civil du n avec tilde pour un bébé né le {{date-|18 novembre 2019}}<ref name="2ème Affaire">[https://www.ouest-france.fr/bretagne/morlaix-29600/affaire-fanch-un-deuxieme-bebe-breton-se-voit-refuser-le-n-tilde-6631194 ''Ouest-France''] 29/11/2019 « Affaire Fañch. Un deuxième bébé breton se voit refuser le ñ tilde », Metig Jakez-Vargas.</ref>.

En 2017, les parents se voient refuser l'enregistrement du [[tilde]] au ''[[ñ]]'' du prénom de leur nouveau-né qu’ils souhaitent prénommer Fañch, « ''ñ'' » ne faisant pas partie des lettres accompagnées d’un [[Diacritiques utilisés en français|signe diacritique]] ou des [[ligature (écriture)|ligatures]] connues de la [[Français|langue française]] selon une [[circulaire ministérielle]] du {{date-|23 juillet 2014}}. Les parents considèrent que ce refus va à l'encontre du [[Code civil (France)|Code civil]], qui dispose que « les prénoms de l'enfant sont choisis par ses père et mère » (article 57, alinéa 2) et intentent un procès à l'État dans le but de contraindre le service de l'[[état civil]] de [[Quimper]] à enregistrer le prénom de leur enfant avec l'orthographe ''Fañch'' (avec tilde) et non ''Fanch'' (sans tilde).

Après un premier jugement défavorable du [[tribunal de grande instance de Quimper]], la [[cour d'appel de Rennes]] valide par un arrêt du {{date-|19 novembre 2018}} l'utilisation du tilde sur le prénom ''Fañch'' avec signe diacritique au motif qu'il ne porte pas atteinte au principe de rédaction des actes publics en français ni à l'article 2 de la constitution<ref>{{Article|langue=fr|auteur1=|titre=La Cour d'appel de Rennes a tranché, Fañch pourra garder son tilde|périodique=France 3 Bretagne|date=19/11/2018|issn=|lire en ligne=https://france3-regions.francetvinfo.fr/bretagne/tribunal-tranche-fanch-pourra-garder-son-tilde-1577488.html|consulté le=2018-11-19|pages=}}.</ref>. Le {{date|17|10|2019}}, la [[Cour de cassation (France)|Cour de cassation]] rejette le [[Pourvoi en cassation en droit français|pourvoi]] formé par le procureur général en raison d’une erreur de procédure, et autorise donc définitivement l’enfant à garder le tilde sur son prénom<ref>{{Article |langue=fr |auteur1= |titre=Le tilde de Fañch définitivement autorisé |périodique=Le Monde |date=2019-10-17 |issn= |lire en ligne=https://www.lemonde.fr/societe/article/2019/10/17/le-tilde-de-fanch-definitivement-autorise_6015923_3224.html |consulté le=2019-10-21 |pages= }}.</ref>.

== Chronologie ==
En 2017, le service de l'état civil de la mairie de [[Quimper]] refuse d'abord que l'enfant porte ce prénom<ref>[http://www.lefigaro.fr/flash-actu/2017/05/15/97001-20170515FILWWW00133-un-bebe-ne-peut-pas-s-appeler-fach.php ''Le Figaro'', 15/05/2017] « Un bébé ne peut pas s'appeler Fañch ».</ref> avant de revenir sur sa décision<ref>[https://www.ouest-france.fr/bretagne/quimper-29000/quimper-oui-fanch-dit-l-etat-civil-4993549 ''Ouest-France'', 15/05/2017] Quimper. « Oui à Fañch ! » dit l'état civil.</ref>.
[[Fichier:Tribunal de Grande Instance de quimper.JPG|thumb|Le [[Tribunal de grande instance (France)|tribunal de grande instance]] de Quimper, où a lieu la première procédure contentieuse.]]
Le {{date-|5 juillet 2017}} cependant, les parents de Fañch sont convoqués au [[Tribunal de grande instance (France)|tribunal de grande instance]] de Quimper pour une « demande de rectificatif d’un acte d’état-civil, ou des jugements déclaratifs ou supplétifs d’acte de l’état-civil »<ref name="Convocation TGI">[https://www.ouest-france.fr/bretagne/quimper-29000/quimper-le-n-tilde-de-fanch-convoque-au-tribunal-5142227 ''Ouest-France''] 19/07/2017 « Quimper. Prénom breton : nouveau rebondissement pour le « ñ tildé » de Fañch ».</ref>.

Dans son délibéré envoyé à la famille le {{date-|13 septembre 2017}}, le tribunal de grande instance de Quimper ordonne la rectification du prénom enregistré à l'état civil<ref name="Convocation TGI"/>{{,}}<ref name="Télégramme 13/09">[http://www.letelegramme.fr/finistere/rosporden/fanch-le-tribunal-enleve-le-tilde-le-combat-continue-13-09-2017-11662196.php ''Le Télégramme''] 13/09/2017 « Fañch. Le tribunal enlève le tilde, le combat continue », Ronan Larvor, avec vidéo d'interview des parents.</ref>, considérant qu'admettre le [[tilde]] reviendrait {{Citation|à rompre la volonté de notre État de droit de maintenir l'unité du pays et l'égalité sans distinction d'origine}}<ref name="Figaro octobre" />.

La [[cour d'appel de Rennes]] considérant que "l'usage du tilde n'est pas inconnu de la langue française"<ref>{{Ouvrage|auteur1=Bernez Rouz|titre=Fañch, le prénom breton qui fait trembler la République|passage=p.37|lieu=Gourin|éditeur=éd. des Montagnes noires|date=24 avril 2020|pages totales=128|isbn=979-10-97073-54-1|consulté le=13 novembre 2022}}.</ref> donne satisfaction au couple en acceptant ce prénom, déjà utilisé par le passé et présent sur certains documents d'identité<ref>[https://www.francetvinfo.fr/replay-radio/vous-le-partagerez-aujourd-hui/vous-en-parlerez-aujourd-hui-fanch-ou-fanch-le-signe-diacritique-qui-fait-trembler-la-republique_2955383.html Franceinfo],« Vous en parlerez aujourd'hui. Fañch ou Fanch ? Le signe diacritique qui fait trembler la République », Jean-Mathieu Pernin, 19 novembre 2018.</ref>{{,}}<ref>[[Cour d'appel de Rennes|CA Rennes]], [https://www.dalloz-actualite.fr/sites/dalloz-actualite.fr/files/resources/2018/11/17-07569.pdf 19 novembre 2018, n° RG 17/07569].</ref>. Mais le parquet général dépose un [[Pourvoi en cassation en droit français|pourvoi en cassation]] contre l'arrêt de la cour le {{date-|22 novembre 2018}}, « compte tenu des éventuelles répercussions nationales de l’arrêt »<ref>{{Article |langue=fr |auteur1= |titre=Le tilde de Fañch définitivement autorisé |périodique=[[Le Monde]] |date=2019-10-17 |issn= |lire en ligne=https://www.lemonde.fr/societe/article/2019/10/17/le-tilde-de-fanch-definitivement-autorise_6015923_3224.html |consulté le=2019-10-21 |pages= }}.</ref>.

Le pourvoi est rejeté par la [[première chambre civile de la Cour de cassation française|première chambre civile de la Cour de cassation]] le {{date|17 octobre 2019}}<ref>[https://www.ouest-france.fr/bretagne/quimper-29000/prenoms-bretons-la-cour-de-cassation-valide-le-tilde-de-fanch-6569670 ''Ouest-France'', Flora Chauveau, 17/10/2019]. Copie de la décision de la Cour de cassation.</ref>, mettant donc un terme à l’affaire en autorisant l’enfant à conserver la graphie de son prénom incluant la lettre diacritée ''ñ''<ref name=":1">{{Lien web|langue=fr-FR|titre=Petit Fañch. Le tilde arraché de haute lutte|url=https://www.letelegramme.fr/bretagne/petit-fanch-le-tilde-arrache-de-haute-lutte-17-10-2019-12411756.php|site=Le Telegramme|date=2019-10-17|consulté le=2019-10-18}}.</ref>. L’arrêt du pourvoi repose sur {{cita|une erreur de procédure}} d’après l’avocat de la famille<ref>{{Lien web|langue=fr|titre=Tilde sur le prénom Fañch : la cour de Cassation rejette le recours du parquet|url=https://france3-regions.francetvinfo.fr/bretagne/tilde-prenom-fanch-cour-cassation-rejette-recours-du-parquet-1737999.html|site=France 3 Bretagne|consulté le=2019-10-18}}.</ref>, et ne contient donc pas de considération de fond sur les arguments retenus par la cour d’appel de Rennes<ref>{{Lien web|langue=fr-FR|auteur1=|nom1=|prénom1=Par Le Parisien avec AFP|titre=Prénoms bretons : le petit Fañch peut garder son tilde, définitivement|url=http://www.leparisien.fr/societe/prenoms-bretons-le-petit-fanch-peut-garder-son-tilde-definitivement-17-10-2019-8175228.php|site=[[leparisien.fr]]|périodique=|date=2019-10-17|consulté le=2019-10-18}}.</ref>.

À la suite du rejet du pourvoi en cassation, plusieurs initiatives sont prises pour consolider cet état du droit. Le [[Gouvernement de la République française|gouvernement]] annonce en {{date|février 2020}} préparer un [[décret en Conseil d'État|décret en Conseil d’État]]<ref>[https://www.letelegramme.fr/bretagne/le-tilde-bientot-reconnu-par-la-justice-04-02-2020-12495170.php Le tilde bientôt reconnu par la justice], [[letelegramme.fr]], 4 février 2020, par Anne-Cécile Juillet.</ref> visant à permettre l’intégration de ces signes diacritiques<ref>{{Lien web|langue=français|auteur1=Richard Ferrand|titre=Un décret pour Fañch|url=http://www.richardferrand.fr/un-decret-pour-fanch/|site=richardferrand.fr|périodique=|date=4 février 2020|consulté le=3 juin 2020}}.</ref>. Une loi relative à la promotion des langues régionales est adoptée en avril 2021, sur proposition du député [[Paul Molac]]<ref>{{Lien web|langue=français|auteur1=|titre=Langues régionales. La proposition de loi Molac adoptée par les députés|url=https://www.ouest-france.fr/bretagne/langues-regionales-la-proposition-de-loi-molac-adoptee-par-les-deputes-6736895|site=ouest-france.fr|périodique=Ouest-France|date=14 février 2020|consulté le=3 juin 2020}}.</ref> ; elle autorise notamment l'inscription dans les actes d'état civil de tous les signes diacritiques en langue régionale<ref>{{Lien web |langue=fr |titre=Proposition de loi relative à la protection patrimoniale des langues régionales et à leur promotion |url=https://www.vie-publique.fr/loi/278001-proposition-loi-molac-protection-patrimoniale-langues-regionales |site=Vie publique.fr |consulté le=2021-04-29}}.</ref>{{,}}<ref>Proposition de loi nº 2548 relative à la protection patrimoniale des langues régionales et à leur promotion, article 9, alinéa 2 : « Les signes diacritiques des langues régionales sont autorisés dans les actes d’état civil. » {{Lien web |langue=fr-FR |prénom=Assemblée |nom=Nationale |titre=Proposition de loi nº 2548 relative à la protection patrimoniale des langues régionales et à leur promotion |url=https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/textes/l15b2548_proposition-loi |site=Assemblée nationale |consulté le=2021-04-29}}.</ref>. Néanmoins, à la suite d'un recours déposé par des députés de la [[XVe législature de la Cinquième République française|majorité présidentielle]]<ref>{{Lien web |langue=fr-FR |titre=Loi Molac : 60 députés de la majorité déposent un recours contre la loi sur les langues régionales |url=https://france3-regions.francetvinfo.fr/corse/loi-molac-60-deputes-de-la-majorite-deposent-un-recours-contre-la-loi-sur-les-langues-regionales-2058961.html |site=France 3 Corse ViaStella |consulté le=2021-04-29}}.</ref> auprès du Conseil constitutionnel<ref>Proposition de loi nº 2548 relative à la protection patrimoniale des langues régionales et à leur promotion, article 9, alinéa 2 : « Les signes diacritiques des langues régionales sont autorisés dans les actes d’état civil. »{{Lien web |langue=fr |titre=Des députés LREM déposent un recours devant le Conseil Constitutionnel pour la loi sur les langues régionales |url=https://www.francebleu.fr/infos/politique/des-deputes-lrem-deposent-un-recours-devant-le-conseil-constitutionnel-pour-la-loi-sur-les-langues-1619145029 |site=France Bleu |date=2021-04-23 |consulté le=2021-04-29}}.</ref>, celui-ci censure en mai 2021 deux articles de la loi, dont celui qui "prévoit que les signes diacritiques des langues régionales sont autorisés dans les actes de l'état civil", estimant qu'il contrevient à l'article 2 de la Constitution<ref>{{Lien web |langue=fr |titre=Décision n° 2021-818 DC du 21 mai 2021 {{!}} Conseil constitutionnel |url=https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2021/2021818DC.htm |site=conseil-constitutionnel.fr |consulté le=2021-05-21}}.</ref>.

== Autres affaires Fañch ==
En s'appuyant sur la jurisprudence de l'enfant né à [[Quimper]], le maire de [[Lorient]] a  inscrit, le 22 juin 2023, un Fañch sur son registre d'état civil<ref>{{Article|langue=fr|titre=« Ça a fait le tour politique de la Bretagne » : le maire de Lorient valide le prénom Fañch|périodique=Ouest-France|date=23 juin 2023|lire en ligne=https://www.ouest-france.fr/bretagne/langue-bretonne/ca-a-fait-le-tour-politique-de-la-bretagne-le-maire-de-lorient-valide-le-prenom-fanch-e01b082c-10d9-11ee-be68-0182cf49ad63}}</ref>. En septembre, le [[Procureur de la République (France)|procureur]] a fait rectifier l'acte de naissance de l'enfant et ses parents ont annoncé se pourvoir en justice<ref>{{Lien web |langue=fr-FR |titre=Pas de tilde pour le petit Fañch lorientais |url=https://www.letelegramme.fr/morbihan/lorient-56100/pas-de-tilde-pour-le-petit-fanch-lorientais-6427984.php |site=Le Télégramme |date=2023-09-13 |consulté le=2024-01-09}}</ref>.

En juillet 2023, un enfant Fañch est né à [[Angers]]. À la suite d'un recours du [[Procureur de la République (France)|procureur]], ses parents sont convoqués par le [[Juge aux affaires familiales]] en février 2024, pour modifier le prénom de l'enfant<ref>{{Article|titre=Ils prénomment leur bébé « Fañch » : des parents sont convoqués devant la justice|périodique=La Nouvelle République|date=8 janvier 2024|lire en ligne=https://www.lanouvellerepublique.fr/maine-et-loire/ils-prenomment-leur-bebe-fanch-des-parents-sont-convoques-devant-la-justice}}</ref>.

== Arguments invoqués ==
=== Arguments des parents ===
''{{page h'|Fañch}}'' est un [[prénom]] [[breton]] masculin, [[hypocoristique]] de ''Frañsez'', équivalent breton du prénom [[français]] ''[[François (prénom)|François]]''. Ôter le tilde du prénom ''Fañch'' changerait la prononciation du prénom, formant un autre prénom que n'ont pas choisi les parents<ref name="Télégramme 13/09"/>, car le [[digramme]] ''[[añ (digramme)|añ]]'' correspond à {{APIb|[ɑ̃ː]}} ou {{APIb|[ã]}} en [[breton]] alors que ''[[an (digramme)|an]]'' en breton se prononce {{APIb|[ɑ̃n]}}<ref>{{Ouvrage|langue=|auteur1=|prénom1=Hupel, Erwan|nom1=(1975-....).|titre=Parler breton comme un Breton plus de 2000 expressions du breton d'aujourd'hui|passage=p 11|lieu=|éditeur=Ixelles éd|date=impr. 2013, cop. 2013|pages totales=|isbn=9782875151865|isbn2=287515186X|oclc=862950649|lire en ligne=https://www.worldcat.org/oclc/862950649|consulté le=2018-12-18}}.</ref>, selon l'orthographe du breton proposée par [[Émile Ernault]] (1852-1938).

Les textes juridiques sur lesquels les parents s'appuient sont:
* le [[code civil (France)|Code civil]] : « Les prénoms de l'enfant sont choisis par ses père et mère » (article 57, alinéa 2)<ref>[https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?idArticle=LEGIARTI000006420911&cidTexte=LEGITEXT000006070721&dateTexte=20170624&oldAction=rechCodeArticle&fastReqId=2060737111&nbResultRech=1 Article 57 du code civil, alinéa 2].</ref> ;
* un arrêt de la [[Cour européenne des droits de l'homme]] (CEDH) du {{date-|24 octobre 1996}} : « le choix du prénom de l'enfant par ses parents revêt un caractère intime et affectif, et entre donc dans la sphère privée de ces derniers » (affaire Guillot, article 22)<ref>[http://hudoc.echr.coe.int/fre?i=001-62630 Affaire Guillot, article 22].</ref> ;
* la [[Constitution française du 4 octobre 1958|Constitution]] : « Les langues régionales appartiennent au patrimoine de la France »<ref>[https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=LEGITEXT000006071194#LEGIARTI000019241104 Article 75-1 de la Constitution].</ref> (article 75-1 dont le [[Conseil constitutionnel (France)|Conseil constitutionnel]] a cependant décidé en 2011 qu'il ne crée ni droit ni liberté<ref>{{Ouvrage|langue=|auteur1=Conseil Constitutionnel|titre=Décision n° 2011-130 QPC du 20 mai 2011|passage=|lieu=|éditeur=|date=|pages totales=|isbn=|lire en ligne=http://www.conseil-constitutionnel.fr/conseil-constitutionnel/root/bank/download/2011130QPCccc_130qpc.pdf}}.</ref>{{,}}<ref name="Figaro janvier 2018">[http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2018/01/24/01016-20180124ARTFIG00291-derc-hen-fach-pourquoi-certains-prenoms-sont-refuses-par-la-justice.php ''Le Figaro''] 24/01/2018 « «Derc'hen», «Fañch» : pourquoi certains prénoms sont refusés par la justice ».</ref>).

=== Arguments de l'État ===
Le principal obstacle à l'enregistrement à l'état civil du prénom avec tilde est la circulaire ministérielle du {{date-|23 juillet 2014}}, établissant une liste limitative de [[Diacritiques utilisés en français|lettres diacritées]] pouvant être utilisés dans l'état civil, dans laquelle ne figure pas le [[tilde]] : « les voyelles et consonnes accompagnées d’un signe diacritique connues de la langue française sont : à - â - ä - é - è - ê - ë - ï - î - ô -ö - ù - û - ü - ÿ - ç »<ref>[http://circulaire.legifrance.gouv.fr/pdf/2014/07/cir_38565.pdf Circulaire du 23 juillet 2014 relative à l'état civil], ''Bulletin officiel du ministère de la Justice''.</ref>.

L'[[instruction générale relative à l'état civil]] prescrit depuis 1987 que : {{Citation|Les signes diacritiques utilisés dans notre langue sont : les points, accents et cédilles. […] On ne doit pas retenir d'autres signes qui font partie de certains alphabets romains mais qui n’ont pas d'équivalent en français (tel que le « [[tilde]] » espagnol)}} (article 106)<ref>[https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000647915 Instruction générale relative à l'état civil], {{date|11|mai|1999}} et déjà précisé dans la {{Légifrance|base=avant90|numéro=JUSC8720576C|url=https://www.legifrance.gouv.fr/jo_pdf.do?id=JORFTEXT000000663525&pageCourante=10663|texte=circulaire du 10 juillet 1987}}, modifiant l'instruction du 21 septembre 1955. Cette circulaire établissait : « De même, la lettre « N » surmontée du tilde espagnol ne doit pas être inscrite dans les actes de l'état civil français ».</ref>.

Ces deux sources appliquent les textes suivants :
* la [[Constitution française du 4 octobre 1958|Constitution]], qui dispose que « la langue de la République est le français » (article 2, alinéa {{1er}})<ref>[https://www.legifrance.gouv.fr/jo_pdf.do?id=JORFTEXT000000723466 Loi constitutionnelle {{n°|92-554}} du 25 juin 1992] ajoutant à la Constitution un titre "Des Communautés européennes et de l'Union européenne".</ref> et en application de laquelle le [[Conseil constitutionnel (France)|Conseil constitutionnel]] rappelle que : {{Citation|l'usage du français s'impose aux personnes morales de droit public et aux personnes de droit privé dans l'exercice d'une mission de service public ; que les particuliers ne peuvent se prévaloir, dans leurs relations avec les administrations et les services publics, d'un droit à l'usage d'une langue autre que le français, ni être contraints à un tel usage}} (décision n° 2001-456 DC du {{date-|27 décembre 2001}}, alinéa 48)<ref>[http://www.conseil-constitutionnel.fr/conseil-constitutionnel/francais/les-decisions/acces-par-date/decisions-depuis-1959/2001/2001-456-dc/decision-n-2001-456-dc-du-27-decembre-2001.513.html Conseil constitutionnel].</ref> ;
* la loi {{n°|94-665}} du {{date-|4 août 1994}} relative à l'emploi de la langue française<ref>[https://www.legifrance.gouv.fr/jo_pdf.do?id=JORFTEXT000000349929 Loi {{n°|94-665}} du 4 août 1994] relative à l'emploi de la langue française.</ref> ;
* la loi {{n°|118}} du 2 thermidor an II ({{date-|20 juillet 1794}}) {{Citation|portant qu'à compter du jour de sa publication, nul acte public ne pourra, dans quelque partie que ce soit du territoire de la République, être écrit qu'en langue française}}<ref>[https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k56373g/f229.image Loi du 2 thermidor an II] (20 juillet 1794), ''Bulletin des lois de la République française''. Selon [http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2018/01/24/01016-20180124ARTFIG00291-derc-hen-fach-pourquoi-certains-prenoms-sont-refuses-par-la-justice.php ''Le Figaro''], cette loi découle directement de l'ordonnance de Villers-Cotterêts prise par [[François Ier (roi de France)|François {{Ier}}]] en 1539. Ce texte qui fait du «langage maternel francois» la langue officielle de l'administration est toujours en vigueur comme [https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=LEGITEXT000006070939 l'indique le site Legifrance]. </ref>{{,}} <ref name="Figaro octobre" /> ;
* l'arrêté du 24 prairial an XI {{Citation|qui fixe l'époque à compter de laquelle les actes publics devront être écrits en français dans les départemens de la ci-devant Belgique, de la rive gauche du Rhin, et de la 27e division militaire}}<ref>[https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6543685m/f640.image Arrêté du 24 prairial an XI] (13 juin 1803), ''Bulletin des lois de la République française''.</ref>.

== Précédents de la CEDH ==
La jurisprudence de la [[Cour européenne des droits de l'homme]] (CEDH) comporte une requête similaire ({{numéro}}27977/04) déclarée irrecevable à l'unanimité le {{date-|25 septembre 2008}}<ref name=":0">{{Lien web|auteur institutionnel=Cour européenne des droits de l'homme|titre=Cinquième section – décision sur la recevabilité de la requête {{numéro}}27977/04 présentée par Alain BAYLAC-FERRER et Nathalie SUAREZ contre la France|url=https://hudoc.echr.coe.int/fre#{%22itemid%22:[%22001-88951%22]}|site=hudoc.echr.coe.int|consulté le=2019-10-18}}.</ref>. En effet, la Cour a considéré que le refus des autorités françaises d'enregistrer un prénom avec une orthographe catalane (Martí avec accent aigu sur le « i ») ne constituait ni une atteinte injustifiée et disproportionnée au droit des parents à une vie privée et familiale (article 8 de la [[Convention européenne des droits de l'homme]]), ni une discrimination en raison de leur appartenance à une minorité nationale (article 14), ni une atteinte au droit des parents à un procès équitable (article 6) : {{Citation|la justification avancée par le Gouvernement [français], à savoir l'unité linguistique dans les relations avec l'administration et les services publics, s'impose [...] et s'avère objective et raisonnable}}<ref name=":0" />.

== Réactions ==
[[Bernez Rouz]], président du [[Conseil culturel de Bretagne]] (CCB), publie une notice historique sur les usages ancien de ce [[tilde]] dans la langue française où il défend que ce signe était couramment utilisé dans la langue française : {{citation bloc|Les scribes médiévaux utilisaient couramment un signe ayant la forme d'un trait horizontal, recourbé ou non à ses extrémités et qui était placé au-dessus d'un mot pour indiquer son abréviation. Ils appelaient ce signe le ''titulus''. Cette abréviation paléographique a été appelée ''titre'' ou ''tiltre'' en français médiéval et ''[[tilde]]'' en langue castillane : « ''Tiltre, signifie tantost vne ligne qu'on met sur des lettres pour suppléer l'abbreuiation des lettres totales d'vn mot que l'Espagnol appelle ''[[Tilde]]'', le tirant du Latin Titulus, ainsi que nous.'' » écrit [[Jean Nicot]] en 1606 dans son ''Thresor de la langue françoyse tant ancienne que moderne''. […] Il serait sans doute simple de modifier la circulaire du 23 juillet 2014 relative à l'état civil. |[[Bernez Rouz]]<ref>[https://france3-regions.francetvinfo.fr/bretagne/finistere/affaire-fanch-conseil-culturel-bretagne-remet-tilde-n-points-i-1323113.html ''France 3''] 13/09/2017 « Affaire Fañch : le Conseil culturel de Bretagne remet le tilde sur le N (et les points sur les i) ».</ref>}}

L'usage décrit ci-dessus est bien celui d'une [[abréviation médiévale]], et non d'un signe [[diacritique]] (qui sert à distinguer). « Pour les copistes, c'était surtout un gain de temps, pour les imprimeurs, cet artifice permettait plus de souplesse dans la mise en page, en particulier pour la justification des paragraphes. Ces abréviations, très courantes dans les textes imprimés jusqu'au milieu du {{s-|XVI}}, ont disparu progressivement ». Dans l'affaire Fañch, le ~ est un diacritique dans la mesure où il modifie la valeur phonétique.

[[Philippe Blanchet]], professeur de sociolinguistique à l'université Rennes 2 et spécialiste des discriminations linguistiques, publie un article sur son blogue critiquant l'argumentation du ministère public qu'il qualifie de {{citation|jugement entre idéologie, préjugés et ignorance}}<ref>{{Lien web|langue=fr|nom1=Blanchet|prénom1=Philippe|titre=Un « ñ » breton ou espagnol menace l’unité française|url=https://blogs.mediapart.fr/philippe-blanchet/blog/190917/un-n-breton-ou-espagnol-menace-l-unite-francaise|site=Club de Mediapart|consulté le=2019-10-18}}.</ref>. Il estime que {{Citation|L'idée même d'écrire un prénom en français n'a guère de sens}}<ref>{{Lien web|langue=fr|nom1=agence|prénom1=A. F. P.|nom2=Figaro|prénom2=Le|titre=L'interdiction du «ñ» dans les noms fait des vagues au-delà de la Bretagne|url=https://www.lefigaro.fr/langue-francaise/actu-des-mots/2017/10/27/37002-20171027ARTFIG00109-l-interdiction-du-dans-les-noms-fait-des-vagues-au-dela-de-la-bretagne.php|site=[[lefigaro.fr]]|date=2017-10-27|consulté le=2019-10-18}}.</ref>. 

L'[[AFP]] note la difficulté de changer la circulaire : « Dans les années 2000, les parents de Martí (prénom catalan avec un [[Í|accent aigu sur le i]]) avaient essuyé revers sur revers, jusque devant la [[Cour européenne des droits de l'homme]]. »<ref name="Figaro octobre">[http://www.lefigaro.fr/langue-francaise/actu-des-mots/2017/10/27/37002-20171027ARTFIG00109-l-interdiction-du-dans-les-noms-fait-des-vagues-au-dela-de-la-bretagne.php ''Le Figaro''] 27/10/2017 « L'interdiction du «ñ» dans les noms fait des vagues au-delà de la Bretagne ».</ref> D'autres procès sont en cours pour les refus de signes diacritiques absents de la circulaire de 2014, comme par exemple [[c'h|l'apostrophe dans le prénom Derc’hen]]<ref>''Le Figaro'', {{date-|janvier 2018}}.</ref>, finalement accepté par le parquet de Rennes le {{date-|26 janvier 2018}}<ref name="20minutes janvier 2018">[https://www.20minutes.fr/societe/2209859-20180126-parquet-autorise-finalement-prenom-derchen ''20minutes''], 26/01/18, « Le parquet autorise finalement le prénom «Derc'hen» ».</ref> au motif qu'« il en résulte que la circulaire du {{date-|23 juillet 2014}} ne statuant pas expressément sur l'utilisation de l'apostrophe et s'agissant en outre d'un signe orthographique d'utilisation courante, il peut être considéré que son emploi n'est pas formellement interdit »<ref name="20minutes janvier 2018" />.

En {{date-|septembre 2017}}, 21 députés bretons de [[La République en marche]] ont écrit à [[Nicole Belloubet]], [[Ministre de la Justice (France)|garde des Sceaux]], ministre de la Justice, afin de lui demander de modifier la circulaire du {{date-|23 juillet 2014}} relative à l’état civil et d'autoriser les signes diacritiques contenus dans les prénoms en langues régionales<ref>{{Lien web|titre=Interdiction du prénom Fañch: Lettre commune à la ministre de la justice – Paul Molac|url=http://paulmolac.bzh/interdiction-du-prenom-fanch-lettre-commune-a-la-ministre-de-la-justice/|site=paulmolac.bzh|consulté le=2019-10-18}}.</ref>.

Symboliquement, le musicien [[Alan Stivell]] utilise le tilde dans le titre de son album ''[[Human~Kelt]]'' et commente cette affaire en {{date-|octobre 2018}} : {{Citation|Le diable est dans le détail comme on dit. Tout le ressenti de la Bretagne contre Paris se résume à ce Tildé. Pourquoi Paris se prend pour Louis XIV, décide et commande au nom des bretons ?}}<ref>{{Lien web|langue=fr-FR|titre=Alan Stivell : « Tu veux pas que je t’en chante une deuxième ? »|url=https://www.bretagne-actuelle.com/alan-stivell-je-ne-serais-jamais-monte-sur-scene-si-ce-netait-pas-pour-defendre-la-cause-bretonne/accueil-top/|site=Bretagne Actuelle {{!}} Magazine culturel Breton en ligne|date=2018-10-24|consulté le=2019-10-17}}.</ref>.

La famille de l'enfant reçoit de nombreux soutiens en Bretagne, notamment de l'association [[Skoazell Vreizh]] (Secours breton) qui l'aide financièrement<ref name=":1" />.

En {{date-|juin 2020}}, [[Bernez Rouz]], président du [[Conseil culturel de Bretagne]], publie un résumé de l’affaire sous le titre ''Fañch, le prénom breton qui fait trembler la République''<ref>{{Article |langue=Français |auteur1=Mathieu Herry |titre=Fañch : L'affaire du tilde désormais racontée dans un livre |périodique=France 3 Bretagne |date=4 juin 2020 |issn= |lire en ligne=https://france3-regions.francetvinfo.fr/bretagne/fanch-affaire-du-tilde-desormais-raconte-livre-1837164.html |pages= }}.</ref>. Il cite notamment le Grand Larousse de la Langue Française de 1989<ref>{{Ouvrage|auteur1=|titre=Grand Larousse de la langue française Tome IV (Sous la dir. de Louis Guibert)|passage=p.3474 (article nasalité)|lieu=Paris|éditeur=Larousse|date=1989|lire en ligne=https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k1200535k/f922.image.r=%22la%20lettre%20consonne%20n%20ou%20m%20notant%20la%20nasalité%22?rk=21459;2|consulté le=13 novembre 2022}}.</ref> : {{citation|La lettre consonne n ou m notant la nasalité d’une voyelle a été très tôt remplacée dans les manuscrits par une – barre de nasalité – que maintient l’emploi du tilde dans les alphabets phonétiques modernes. Cette barre, irrégulièrement usitée, était encore courante au {{s-|XVI}} et se rencontre dans des textes imprimés jusqu’à la fin du {{s-|XVII}} (''Quinte-Curce'' de [[Claude Favre de Vaugelas|Vaugelas]], 1653 ; ''Grammaire'' de [[Laurent Chifflet|Chiflet]], 1664). La possibilité de confusion avec les accents ainsi que les flottements de la dénasalisation expliquent l’abandon de ce signe diacritique}}. Celui-ci est remis à l'honneur par les écrivains romantiques, et les mots señor, señora, señorita, doña, cañon sont acceptés dans les dictionnaires français de la fin du {{s-|XIX}}<ref>{{Ouvrage|auteur1=Bernez Rouz|titre=Fañch, le prénom breton qui fait trembler la République|passage=81|lieu=Gourin|éditeur=édition des Montagnes Noires|date=24 avril 2020|pages totales=128|isbn=979-10-97073-54-1|consulté le=13 novembre 2022}}.</ref> mais aussi du {{s2-|XX|XXI}} comme dans ''[[Le Petit Robert]]''<ref>''Le Petit Robert'', 2022, article Doña, p. 772 ; Canyon, p. 344 (comme variante). Si on ne trouve pas señor, señora, señorita dans le Robert, c'est qu'ils n'y sont pas vedettes d'article.</ref>, ''[[Le Petit Larousse]]''<ref>''Le Petit Larousse'', 2003, articles canyon, cañon p. 174 ; don, doña, p. 345 ; señorita p. 932.</ref> ou le ''[[Trésor de la langue française informatisé]]''<ref>''Le Trésor de la langue française informatisé'', 1960-1994, [http://atilf.atilf.fr/tlf.htm ATILF] (CNRS/Université de Lorraine). Articles doña ; cañon, canyon, canon ; señor ; señora ; señorita.</ref>.

==Gwerz==
A l'occasion de la naissance de l'enfant, [[Mark Kerrain]] a composé en 2018 une ''Gwerz Fañchig Kemper'', publiée dans son recueil ''Gwerz Fañch'' <ref>http://www.brezhoneg.org/fr/livres/gwerz-fanch</ref>, puis republiée dans l'ouvrage de [[Bernez Rouz]], ''Fañch, le prénom breton qui fait trembler la République'' en 2020. En 2023, à la suite de la naissance d'un autre Fañch à Lorient, il a composé une autre chanson intitulée ''Son Fañchig an Oriant'', où le tilde est tout simplement présenté comme une arme de destruction massive.

== Notes et références ==
=== Notes ===
* {{Crédit d'auteurs|interne|Fañch|145014844}}
{{notes|groupe=N}}

=== Références ===
{{Références}}

== Voir aussi ==
=== Articles connexes ===
* [[Añ (digramme)]]
* [[Langues régionales en France]]
* [[Liste de digrammes et trigrammes]]
* [[Digramme]]
* [[Diacritiques de l'alphabet latin]]

=== Bibliographie ===
* ''Fañch, le prénom breton qui fait trembler la République'', [[Bernez Rouz]], 2020, Éditions des Montagnes noires, 130 p. {{ISBN|9 791097 073541}}

{{Portail|Bretagne|anthroponymie|langues|droit français|minorités}}

[[Catégorie:État civil en France]]
[[Catégorie:Langue bretonne]]
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[[Catégorie:Quimper]]
[[Catégorie:2017 en France]]
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