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de Rio. Ainsi Chabrier en son exubérante Espana avait résumé ses souvenirs d'Espagne. L'un des motifs de la partition est emprunté à un tango brésilien dénommé le Bœuf sur le toit, d'où le titre cocasse de ce morceau.
Des fragments des Choéphoves ont plusieurs fois été exécutés dans les concerts, mais l'œuvre fut conçue et écrite en vue des représenta- tions sur le théâtre d'Orange de la magnifique version de Paul Claudel. Depuis le Psaume de Florent Schmitt on n'avait plus eu l'occasion d'entendre une œuvre française d'égale puissance. Cette musique a du drame antique la rudesse, l'âpreté, la violence primitive, la sauvage énorgie. On ne saurait écouter sans trouble la vocifération funèbre des vierges choéphores et cette libation sur la tombe d'Agamemnon en laquelle éclate, frénétique, le désir du meurtre expiatoire. Quel sentiment d'allégement quand le chœur en invoquant la justice radieuse fait des- cendre un peu de lumière parmi ces ténèbres ! Aux exécutions, on sup- prima une longue scène chantée entre Electre, Hélène et le chœur ainsi que deux récits accompagnés par des instruments à percussion. Je n'ai entendu en ce genre que la scène où le chœur exprime son horreur sacré devant les présages qui, de toutes parts, se multiplient. Tandis que l'acteur déclame, la batterie (où sont groupés dix-sept instruments à percussion divers) marque un certain nombre de rythmes qui s'entre- mêlent, se contrarient, se superposent, formant une trame sonore à la fois confuse et distincte, que brodent les voix des choristes susurrant ou clamant des sons inarticulés. Je dois avouer que l'impression très grande que me laissa cette scène n'est peut-être pas d'origine purement musicale. Darius Milhaud me semble avoir exploité cette sensation toute physique qui nous étreint lorsqu'au théâtre, dans une situation pathé- tique, se déclenchent des « bruits de foule en coulisse ». Ce qui ne veut pas dire qu'il n'ait très heureusement enrichi l'orchestre d'effets nou- veaux. Il ne s'est d'ailleurs servi que des instruments à percussion énumérés par Berlioz dans son traité d'orchestration, depuis les clas- siques timbales jusqu'aux crotales, castagnettes de fer, fouet, etc. — et n'a pas songé à utiliser les appareils bruiteurs chers aux futuristes.
Pour me rendre mieux compte de l'intérêt non plus dramatique, mais purement musical de ces recherches, je voudrais pouvoir entendre le ballet : L'Homme et son désir composé sur un scénario symbolique de Paul Claudel. Dans cette partition écrite pour grand orchestre et chœurs traités instrumentalement, il y a des épisodes entiers où la mimique est rythmée par les dix-huit instruments à percussion de la batterie. Il ne pourra donc plus y avoir d'équivoque sur les origines réelles de l'impression.
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