[go: up one dir, main page]

Aller au contenu

Page:NRF 14.djvu/669

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

SI LE GRAIN NE MEURT 663

non plus que le velours ne plaisait à Madame Jardinier. Je portais donc de petits vestons étriqués, des pantalons courts, serrés aux genoux et des chaussettes à raies ; chaussettes trop courtes qui formaient tulipe et retom- baient désolément ou rentraient se cacher dans les chaussures. J'ai gardé pour la fin le plus horrible : c'était la chemise empesée. Il m'a fallu attendre d'être presque un homme déjà pour obtenir qu'on ne m'empesât plus mes devants de chemise. C'était l'usage, la mode, et l'on n'y pouvait rien. Et si j'ai fini pourtant par obtenir satisfaction, c'est tout bonnement parce que la mode a changé. Qu'on imagine un malheureux enfant qui, tous les jours de l'année, pour le jeu comme pour l'étude, porte, à l'insu du monde et cachée sous sa veste, une espèce de cuirasse blanche et qui s'achevait en carcan ; car la blanchisseuse empesait également, et pour le même prix sans doute, le tour du cou contre quoi venait s'ajuster le faux-col ; pour peu que celui-ci, un rien plus large ou plus étroit, n'appliquât pas exactement sur la chemise (ce qui neuf fois sur dix était le cas) il se for- mait des plis cruels ; et pour peu que l'on suât, le plas- tron se faisait atroce. Allez donc faire du sport dans un accoutrement pareil ! Un ridicule petit chapeau-melon complétait l'ensemble... Ah ! les enfants d'aujourd'hui ne connaissent pas leur bonheur !

Pourtant j'aimais courir, et, après Adrien Monod, j'étais le champioji delà classe. A la gymnastique, j'étais même meilleur que lui pour grimper au mât et à la corde ; j'excellais aux anneaux, à la barre fixe, aux barres parallèles ; mais je ne valais plus rien au trapèze, qui me donnait le vertige. Les beaux soirs d'été, j'allais

�� �