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Page:NRF 14.djvu/657

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SI LE GRAIN NE MEURT à^\

l'hameçon comme il faut, car si la truite est le plus vorace^ c'est aussi le plus méfiant des poissons. Natu- rellement je péchais sans flotteur et sans plombs, et méprisais infiniment ces aide-niais, qui ne servent que d'épouvantails. Je péchais plus volontiers dans la rivière, où les truites étaient de chair plus délicate, et surtout plus farouches, c'est dire : plus amusantes à attraper. Ma mère se désolait de me voir tant de goût pour un amusement qui me faisait prendre, à son avis, trop peu d'exercice. Alors je protestais contre la réputation qu'on faisait à la pêche d'être un sport d'empoté, pour lequel l'immobilité complète était de règle : cela pouvait être vrai dans les grandes rivières, ou dans les eaux dor- mantes et pour des poissons somnolents ; mais la truite, dans les très petits ruisseaux où je péchais, il importait de la surprendre précisément à l'endroit qu'elle hantait et dont elle ne s'écartait guère ; dès qu'elle aper- cevait l'appât, elle se lançait dessus goulûment ; et si elle ne le faisait point aussitôt, c'est qu'elle avait distin- gué quelque chose de plus que la sauterelle : un bout de ligne, un bout d'hameçon, un bout de crin, l'ombre du pêcheur, ou avait entendu celui-ci approcher : dès lors, inutile d'attendre, et plus on insistait, plus on compromettait la partie ; mieux valait revenir plus tard, en prenant plus de précautions que d'abord, en se glis- sant, en rampant, en se subtilisant parmi les herbes, et jetant la sauterelle de plus loin, pour autant que le per- mettaient les branches des arbres, des coudres et des osiers qui bordaient presque continuement la rivière, ne cédant la rive qu'aux grands épilobes ou lauriers de Saint-Antoine, et dans lesquels, si par malchance le fil

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