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570 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

celui de Gyp. Il ne m'advint point pendant la guerre, comme à mon charmant ami le poète Louis de Gonzague-Frick, de loger plusieurs semaines de loisir dans une cagna que garnissaient les œuvres complètes de Gyp, venues là je ne sais d'où, sans doute envoyées à titre de ravitaillement par la bonne comtesse. J'imagine que si j'avais relu ces Gyp (dont certains me plurent assez autrefois) j'aurais pensé y retrouver, avec tout son brillant passager et passé, certain style troisième République, aussi caractérisé et aussi révolu que le style Second Empire. C'est pourquoi je me laisse dire doci- lement que la quatrième République a déjà commencé. Le Bob de la troisième, agréable et terrible gamin, n'a guère de traits com- muns avec le Bob né de la collaboration de Jeanne Landre, de Francis Carco et de Pierre Mac-Orlan. Bob et Babette enfanta -perdus, Bob et Bobette s'amusent, Bob bataillonnaire nous font connaître un enfant perdu de Montmartre, qui ne peut compter et faire compter Bobette que sur lui-même, qui vit dans Paris à peu près comme Sâdik, le Yaouled de Saâda, dans Blidah, et que son industrie alerte ne préserve pas plus que Sâdik de tomber dans les mains de la dure police. Enfant perdu de la destinée, enfant perdu de batail- lon d'Afrique, enfant perdu de la grande guerre, Bob a suivi sa chance, souvent mauvaise et parfois bonne. Tel qu'il va, roule, tangue dans, le dessin de Gus Bofa, voilà vingt ans qu'il marche ainsi, vingt ans qu'il peut dire à la mobile fortune : «Tu es seule mon père et ma mère, mon foyer et mes dieux. »

Peut-être M. Mac-Orlan a-t-il été un peu gêné dans un cadre qui convenait à M. Francis Carco, et peut-être le Bob de celui-ci se meut-il sur des plans plus délicats. Peut-être aussi le titre de roman d'aventures détone-t-il sur un livre où il n'y a en somme que de la vie quotidienne. M. Mac-Orlan, qui a écrit dans le Chant de l'Equipage un des plus spirituels et savoureux romans d'aventures que je sache, devrait plus que quiconque n'appliquer l'étiquette qu'à bon escient. Mais je crois bien que je patauge : Bob bataillon- naire est intitulé roman d'aventures comme tel livre d'Alphonse Allais s'appelle le Parapluie de l'Escouade parce qu'on n'y parle ni de parapluie ni d'escouade. Bob, comme beaucoup d'autres romans de guerre, et comme le Feu lui-même, est le contraire du roman d'aventures. Bob connaissait mieux l'aventure quand il rôdait.

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