478 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE
Il appartient aux étrangers de faire peu de cas de notre culture française. Contre ceux-ci protesteront les héri- tiers légitimes, peu soucieux d'examiner ce que les autres ont à gagner aux dépens de ce qu'eux ont à perdre. Mais c'est au point de vue de ces autres que je veux un moment me placer — leur consentir que peut- être, après tout, ce qu'il reste à perdre n'est pas grand' chose, et même un peu perdu déjà ; pas grand'chose en regard de tout l'horizon qu'il obstrue.
Oui, chaque forme est devenue formule et dégage un ennui sans nom. Toute syntaxe commune est d'une insipidité dégoûtante. La meilleure reconnaissance envers l'art d'hier et devant les chefs-d'œuvre accomplis, c'est de ne point prétendre à les recommencer. Le parfait est ce qui n'est plus à refaire ; et mettre devant nous le passé, c'est faire obstacle à l'avenir...
C'est une grave erreur que d'assimiler Dada au Cubisme. On pourrait s'y tromper ; et je ne suis pas assuré que même certains demi-cubistes ne s'y trom- pent... Mais le cubisme, lui, prétend construire. C'est une école. Dada, c'est une entreprise de démolition.
Et ce ne serait vraiment pas la peine d'avoir combattu durant cinq ans, d'avoir tant de fois supporté la mort
moins au sérieux que l'on ne fait d'ordinaire; mais je me suis tou- jours très bien trouvé d'avoir pris au sérieux les tendances et les mouvements les plus jeunes, et d'autant qu'ils sont anonymes. 11 y a dans la jeunesse beaucoup moins de résolution qu'elle ne croit ; beaucoup plus de soumission et d'inconsciente obéissance ; c'est pourquoi sont révélatrices ces vagues qui la soulèvent et sur les- quelles elle se laisse flotter. Ceux qui paraissent les meneurs, dans ce cas, ne sont que les premiers soulevés par la lame, et plus absente est leur réaction particulière, mieux à même sont-ils de marquer la hauteur et la direction du flot. Je les observe assidû- ment; mais ce qui m'intéresse, c'est le flot, non pas les bouchons.
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