SI LE GRAIN NE MEURT 415
pas tant d'obligations dans la vie; tu dois t'y sou- mettre. Alors je commençais à pleurer.
— Voyons, mon poulot, reprenait ma mère, sois rai- sonnable : songe à cette pauvre grand'mère qui n'a pas d'autre petit-fils.
— Mais qu'est-ce que tu veux que je lui dise? huriais- je à travers mes sanglots.
— N'importe quoi. Parle-lui de tes cousines, de tes petits amis Gérardin.
— Mais puisqu'elle ne les connaît pas!
— Raconte-lui ce que tu fais.
— Mais tu sais bien que ça ne l'amusera pas.
— Enfin, mon petit, c'est bien simple : tu ne sortiras pas d'ici (c'était la salle d'études de la rue de Crosne) avant d'avoir écrit cette lettre.
— Mais...
— Non mon enfant; je ne veux plus discuter.
A la suite de quoi ma mère s'enfermait dans le mu- tisme ; je gagnais quelque temps encore, puis commen- çais à me tortionner le cerveau au-dessus de mon papier blanc.
Le fait est que rien ne semblait plus devoir intéresser ma grand'mère. A chaque séjour que nous faisions à Uzès pourtant, par gentillesse, je crois, pour ma mère qui venait s'asseoir auprès d'elle, sa tapisserie à la main ou un livre, elle faisait un grand effort de mémoire, et de quart d'heure en quart d'heure se rappelant enfin le nom de quelqu'un de nos cousins normands :
— Et les Widmer ? comment vont-ils ? demandait elle.
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