334 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE
d'être conduits, ce qui est la plus sûre façon d'être soutenus. Bien plus, nous y aspirons. Si cette aspiration est vague, c'est qu'elle fut trop souvent déçue.
Tant qu'elle ne sera pas satisfaite, nous continuerons de piétiner. Que valent, en effet, la majorité des hommes ? Ils sont moins actifs que passifs. La pensée les guide moins puissamment que l'instinct. A vrai dire, leur pensée n'est que l'expression humaine de leur instinct. Si le besoin et le plaisir ne les éperonnaient pas, ils ne bougeraient guère. Ils sont pourtant pleins d'ad- mirations indécises, avides d'idéal. La tradition qui se dépose en eux, résidu d'un long passé, ne suffit pas à combler leurs désirs. Elle prête aux foules leur cohésion, mais ne suscite pas chez elles de mouvement spontané. La foule qui veut vivre obéit aux impulsions qu'elle reçoit.
Celles-ci lui manquent. La France est lente à agir. Parfois seulement, quand un choc nous secoue tous à la fois, nous avons l'illusion d'un vouloir commun. Si nos sentiments se fondent par hasard sous le coup d'un danger, nos pensées néanmoins ne se rencontrent pas, car les esprits n'ont d'autre terrain d'entente que l'irré- futable expérience. La littérature, bonne ou mauvaise, dont nous sommes férus, les discours dont nous sommes nourris, ne nous offrent aucune région neutre.
Si nous voulons nous entendre, nous devons résolu- ment mettre de côté les habitudes littéraires et les tradi- tions doctrinales. Il nous faut faire rentrer la croyance dans la conscience et nous placer ensemble sur le plan de l'action. Le petit champ individuel de la foi, propriété intangible, se restreint aux limites où l'expérience s'éteint, l'action est commune à tous.
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