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Page:NRF 14.djvu/299

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NOTES 293

le bien, quand il nous parle de nature, ou de vie, ou d'huma- nité, il n'entend rien que d'extérieur ; le jeu subtil des mouvements de l'âme, d'une âme qu'il connaît, analyse, pénètre, l'intéresse bien moins que la silhouette de l'anonyme qui passe dans la rue, avec l'allure de tout le monde et l'accent de son quartier. Rajeunir, ranimer, revivifier un sujet, ce n'est pas selon lui le creuser, le reprendre au centre, c'est le dépouil- ler de ses vêtements et l'habiller à la moderne. A ce compte, il s'est arrêté en chemin ; l'art médiéval (si tant est qu'il le restitue !) n'est pas plus moderne que l'art antique ; logique avec lui-même, il devait nous montrer Œdipe en uniforme ou en veston, sous les traits, par exemple, de Constantin de Grèce. Du moins aura-t-il échappé au style grec ; et, échapper au " style " voilà ce qu'il appelle " faire nature ". Comme si le style n'était qu'une froide convention et non pas le moyen de fixer dans son ordre le plus simple et le plus évident la nature même. Croit-il son chœur plus vrai et plus humain par- ce qu'au lieu de discourir et de chanter, il se remue ï S'il pense que le mouvement est plus important que les mots, pourquoi des mots ? Que ne mit-il Œdipe en pantomine ? La scène la plus réussie et la plus émouvante, à mon gré, de son drame est celle où M. Gémier, sans prononcer une parole, mime l'inquié- tude du roi de Thèbes, allant, venant, montant et descendant l'escalier, s' arrêtant, repartant et finissant par s'écrouler comme sous le poids de la destinée. Et ceci nous amène à parler des mots. Avouons qu'on ne les entend guère, un peu sans doute par la faute des interprètes, beaucoup par celle de l'esthétique de M. de Bouhélier, qui flattait une erreur depuis longtemps hélas ! reçue. Il offre à ces comédiens des mots courants, communs, quelquefois triviaux, le parler même de la rue ; il s'agit toujours d'être naturel. Comment accepteraient-ils donc de tenir ces mots enfermés dans un rythme étranger et fixe ? Si bien que leur tendance à détruire le vers, selon l'enseigne- ment oiHciel du Conservatoire, à force d'enjambements qui

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