avez été enterré, ça a dû péter en plein sur vous, et vous êtes un peu tendu, hein ? Il faut vous laisser aller. Maintenant, mon brave, parlez, dites de grosses blagues et lâchez tout… même vos intestins ! Si, si, ça c’est une marotte à moi. Les civils répètent que les poilus se portent comme des charmes. Voilà la raison : ils font comme Louis XIV, ils lâchent leurs vents. Et ils s’assainissent, mon ami, ils se désempoisonnent ! Votre camarade va vous emmener à côté, il y a du rhum, du feu. Vous allez vous oublier, et du même coup vous oublierez votre commotion.
Grandgoujon, qui commençait à s’attendrir, bégaya de chauds remerciements, sortit, but, se chauffa, et, rassuré, devint éloquent.
Alors, Laboulbène se campa devant lui, et roublard, théâtral, impertinent, avantageux, il dit :
— Camarade, je suis heureux et fier de vous avoir guidé dans votre mission. Croqueboche et moi, vous présentons nos hommages respectueux !…
Et il riait. Grangoujon, allumé, reprit :
— Tu es un type fantastique !
Mais le chien et l’homme avaient pirouetté et disparu.
— Ah ! ah !… fit Grandgoujon.
Ce fut son tour de rire. Il avait subitement un impérieux besoin d’être gai, bruyant, puis de s’attendrir, presque de pleurer, et aussi de se dire à soi-même des vers doux ou joyeux. Ah ! les poètes ! Ah ! vivre ! Ah ! être heureux !
À l’infirmier qui l’imbibait d’alcool, il donna verbeusement la première version de l’aventure.