Les Antliaclastes
ANTLIACLASTES
- ALFRED
TOGA.
ROUGET.
SICCA.
1er acte fait le 9 janvier 1888, le second le 10, le 3e le 11.
Les Antliaclastes, drame en trois actes d’Alfred Jarry, est la deuxième version, considérablement remaniée et développée, d’une comédie en un acte portant le même titre et datée du 12 juillet 1886. Cette première version figure, d’une part dans l’Album de l’Antlium (dossier 26 des Cahiers du Collège de Pataphysique, nouvelle série), qui reproduit la totalité des dessins de Jarry illustrant les manuscrits originaux, et sera publiée, d’autre part, dans le recueil Saint-Brieuc des Choux[1], en compagnie de quatorze autres pièces qui constituent une sorte de florilège des poésies et des comédies composées par Jarry, entre sa douzième et sa quinzième année, alors qu’il était élève au lycée de Saint-Brieuc. Le lecteur voudra bien se reporter à ces deux ouvrages, qui se complètent l’un l’autre et sont proprement indispensables à l’intelligence du présent écrit. Celui-ci provient, comme les précédents, du ramas intitulé Ontogénie. Il est de l’écriture de Jarry écolier et ne comporte pas de dessin. Il remplit 11 feuillets, recto et verso, de 200 x 155 mm, plus une page de titre — disposé comme ci-dessus — dont le verso est blanc.
Scène I
Une cave avec des tombeaux. Il fait nuit. Dans l’ombre, on distingue confusément des hommes enveloppés de grands manteaux. Ils parlent à voix basse.
Qui vive ?
— Ad antlias ! Le mot ?
— Per insidias !
— C’est bien.
— Venez, amis.
— Qui vive ?
— Ad antlias.
— Per insidias.
— C’est bien.
— Tous sont présents.
— Les torches !
(Les conjurés allument tous des torches. L’un d’eux met le feu à une lampe de fer suspendue à la voûte. La cave s’illumine. On distingue Sicca, Pasfort, Roupias, Bidasse, Toga et un grand nombre d’autres Antliaclastes)
Vous voyez, mes amis, que, sous ces sombres porches,
Notre complot se forme en un profond secret.
Pasfort, rappelle-nous notre dernier décret.
(Les conjurés se placent au fond du théâtre en demi-cercle.)
Nous avons décidé qu’avant que de permettre
Que l’ennemi Rouget, acharné, puisse mettre
En ces lieux l’Antlium, nous tous, jusqu’au dernier,
Nous devons le combattre, et l’on ne peut nier
Que ce fameux objet, cet Antlium horrible,
Rouget ne l’inventa que pour servir de cible.
Apportez l’Antlium. Roupias va pomper.
Nous tous, et tour à tour, nous viendrons le frapper.
(On place sur un tombeau l’effigie de la pompe Rouget. Roupias commence à pomper.)
Le voilà, l’Antlium, cette horrible machine.
Si c’était là Rouget, combien sur son échine,
Nous donnerions de coups. C’est ce que j’imagine.
Dis, Rouget, as-tu jamais
Vu de plus excellents mets
Que tout… tout ce que tu mets
Dans ta pompe ? La matière
Aurait parfumé cette cave entière
Si la réunion n’avait été trop fière
Pour y mettre son nez.
(On apporte deux statues de pompiers)
J’abandonne à vos coups les pompiers condamnés,
Et la pompe, je vous la livre.
Allez.
Pompe, Roupias !
Oui, notre devise est : Ad antlias !
Exécutons notre programme !
Arrêtez-vous, messieurs ! ah ! cet horrible drame,
Cette exécution barbare d’un objet…
D’un objet innocent, d’une pompe Rouget…
— Pourquoi tant de furie ? Est-ce un monstre, une pompe ?
Je crois que Toga nous trompe,
Et que, s’il défend la pompe,
Il se peut que je lui rompe
Un fragment de l’os dorsal !
— Fermez portes et fenêtres,
Écartez bien tous les traîtres,
Et chez vos amis, vos maîtres,
On trouve un fourbe infernal !
Toga ! Toga ! tu nous trompes !
Pourquoi défends-tu les pompes ?
Je veux, Sicca, que tu rompes
À ce coquin l’os dorsal !
Ce mot lui sera fatal !
Grâce, messieurs, grâce !
À mort !
À mort, à mort, Toga !
On ne fait pas de grâce !
Il faut sur cette place
Exécuter Toga !
Nous avons justement une potence neuve,
Qu’un de nos amis nous envoya de Riga.
Depuis bientôt deux ans, hélas ! elle était veuve
De condamné ; pourtant elle va servir !
(Il apporte une pompe qu’il fixe entre deux dalles. En lui montrant l’endroit où il faut la placer, Sicca lui dit :)
Pasfort. — Voilà ! Là !
la corde au cou, debout sur un escabeau, sous la potence.
Messieurs, j’aime mieux vous le dire,
Puisque vous allez m’étrangler.
À cette heure il ne faut plus rire,
Et je ne veux rien vous celer.
Je suis un chantre de marine ;
J’ai servi Rouget autrefois.
Vous pouvez voir sur ma narine
Le signe, deux lances en croix
J’avais toujours aimé la pompe,
Qui cause ma mort aujourd’hui…
Il ne faut pas qu’on m’interrompe :
Je sens mon courage qui fuit…
Rouget m’avait nommé pour être
Espion au milieu de vous…
C’est l’espion Toga ! meure ! meure le traître !
C’était pour nous trahir qu’il était parmi nous !
Ah ! Toga ! Misérable, à genoux, à genoux !
(Toga, sans descendre de l’escabeau, s’agenouille, et embrasse l’effigie de la pompe Rouget.)
Moi, messieurs, et ma pompe
Sommes deux vrais amis ;
En cet instant je pompe.
En pompant je péris.
De ma pompe je lègue
Les tuyaux à Sicca ;
Aux chantres de Nimègue
Le tube, et cætera.
Au grand Pasfort je lègue
Un orgue à cinq claviers ;
À Roupias le bègue,
La chanson des pompiers.
- (Il se lève debout sur son escabeau. Sicca se place derrière lui prêt à jeter l’escabeau. Pasfort se prépare à tirer Toga par les pieds)
Ah ! messieurs, je ne vous demande
Que d’épargner un innocent,
Si vous ordonnez qu’on me pende,
Toga sera mort en pompant !
(Sicca jette l’escabeau. Pasfort tire Toga par les pieds. Roupias coupe la corde. Toga roule à terre.)
L’exécrable Toga n’est plus ; notre séance
Pourra donc maintenant s’achever en silence.
— Roupias, les cuves d’eau. —
(Roupias apporte deux cuves pleines d’eau)
Osait par malheur suivre un si funeste exemple ;
Si, comme ce Toga, l’un, l’autre de nous tous
N’était qu’un espion glissé dans notre temple ;
Il faut qu’il soit muré tout vif dans ce tombeau,
(Il montre une tombe).
Que, maudit, il s’éteigne ainsi que ce flambeau !
(Il plonge sa torche dans l’eau).
Qu’il s’éteigne !
(Ils jettent leurs torches dans les cuves. Le caveau n’est plus éclairé que par la lampe de fer)
Que sous ces porches
Qu’en ce jour seulement la lueur de nos torches
Rend à la lumière du jour,
Ce cercueil soit son seul séjour
Maintenant, qu’un festin un instant nous délasse.
(Roupias apporte des cruches et des gobelets qu’il pose sur une pierre tombale. Sicca s’assied sur un cercueil, les pieds posés sur Toga.)
Ce Toga tout gonflé n’a pas fort bonne grâce.
Il étouffe. Le sang veut sortir par ses yeux.
(Il soulève Toga et le maintient debout, tout en buvant dans un des gobelets.)
C’est qu’il a soif. — Allons ! un verre de vin vieux !
(Il jette le contenu de son verre au visage de Toga. Tout à coup Toga ouvre les yeux, et d’une voix entrecoupée, prononce quelques mots inarticulés, Sicca laisse tomber le gobelet qui se brise.)
Sicca ! Sicca ! Sicca !
Fantôme !
Sicca ! Sicca ! Tu viens de faire pendre un homme.
Quand tu le vois à terre, inerte, et froid, et mort,
Tu l’insultes, et ris encor !
Bientôt… bientôt peut-être… ah !… tel sera ton sort !
(Il retombe et meurt.)
Qu’avez-vous ?
Rien. (A part.)
— Toga revient ! Toga bien mort !
(Une grande salle. Au fond, à gauche, des pompes ; à droite, un orgue et un taurobole ; une grande-clef au centre sur une pompe. Grande porte vitrée au fond d’où l’on aperçoit une cour et une avenue !)
Scène I
Gloire à Rouget !
Cet inventeur illustre !
Gloire à Rouget,
À qui le monde doit un merveilleux objet,
Qui donne à Lorient tout son lustre !
Gloire à Rouget !
Gloire au grand inventeur de la pompe Rouget !
Pompons, mes frères,
Pompons en chœur !
De tous ceux qui lui sont contraires,
Le grand Rouget sera vainqueur
Jaloux de notre gloire, hélas ! et de nos fastes,
Les barbares Antliaclastes
Ont osé détracter nos immenses succès.
Mais bientôt, mes amis, nous serons exaucés ;
Tous nos vœux les plus chers seront réalisés,
Quand nous aurons construit un Antlium immense.
(On entend sonner neuf heures.)
Il est l’heure ; que l’on commence.
Orgue, préludez.
(Nez-de-tabac se met à l’orgue. Les pompiers pompent le taurobole.)
Orgue merveilleux
Le plus beau que jamais l’on ait vu sous les cieux,
Oh ! que tes accents sont mélodieux !
Grand Taurobole, ô roi de tous les Tauroboles,
Tes majestueuses paroles
Semblent glorifier ton illustre inventeur.
Ô Rouget ! Jamais rien n’atteindra ta hauteur !
Veillez, Pigeaux, veillez pour que notre assemblée
Par aucun importun ne puisse être troublée.
Prosternez-vous, pompiers, voici la grande-clef !
(Tous se prosternent. Rouget prend la grande-clef et l’élève. Orgue et Taurobole.)
De ce disque cerclé
Voyez la tige magnifique
Et ses ramifications.
Votre maître est, pompiers, cet objet mirifique.
Adressez-lui vos supplications.
Grande-clef, sœur fameuse
De la Pompe Rouget,
Tu ne peux être heureuse
Qu’auprès de cet objet.
S’il arrive qu’en nous quelque chose se rompe,
Ou bien que nous prenions un purgatif trop fort,
Oui, si nous te perdons par un funeste sort,
Au bout de quelque temps l’on verra dans la pompe
Tout ce qui de nous sort !
(L’orgue et le taurobole se taisent)
Mes amis, comme
Vous pourriez ignorer ce qu’il sied de savoir,
Passez un examen : Comment est-ce qu’on nomme
Ce qu’en l’intérieur de la Pompe on peut voir ?
Répondez sans détour.
(On sonne à la porte du fond)
- On sonne.
Allez voir
— Vous, répondez, pompiers, car je veux que personne
N’ignore — ou sache peu — cet important sujet. —
Monsieur, dans la Pompe Rouget,
On met…
Scène II
- Silence ! Un profane !
- Abomination !
Hélas ! Hélas ! J’ai peur que son souffle ne fane
Ces lambris parfumés de l’Antliation.
(Haut)
Étranger, avancez.
Grand Rouget, mes hommages.
Qui vous amène ici ?
Mais — des desseins très sages.
(Bas.)
— Peut-on parler devant eux ?
(Il montre les pompiers.)
Ils sont dévoués.
Sans moi, sans moi, Rouget, sans ma haute prudence
Ces pauvres malheureux auraient été roués
Ce soir, et brûlés vifs.
Que dites-vous ?
Un complot est formé. J’en ai trouvé l’auteur.
- Pompiers, reprenez le chœur.
— Mais, quoique ces pompiers soient sûrs, il serait sage
D’aller un peu plus loin, pour…
Soit.
(Sortant avec Roupias par une porte latérale)
Par ce passage.Scène III
Gloire à Rouget !
Cet inventeur illustre !
Gloire à Rouget,
À qui le monde doit un merveilleux objet,
Qui donne à Lorient tout son lustre ;
Gloire à Rouget !
Gloire au grand inventeur de la Pompe Rouget !
Pompons mes frères,
Pompons en chœur.
De tous ceux qui lui sont contraires,
Le grand Rouget sera vainqueur !
Scène IV
(Rouget et Roupias continuent une conversation commencée.)
Sicca l’Antliaclaste et moi, — par cette porte —
Nous viendrons. — Lui devant. — Poignardez-le, Rouget.
Il est devant. Masqué. — Je vous crierai : « Main-forte ! »
Vous pourrez le tuer.
(Saluant)
Je vous ai dérangé.Scène V
- Pompiers, aux armes !
(Il tire son épée. Les pompiers prennent des haches.)
Notre ennemi — masqué — s’avancera par là.
Il aura beau verser des larmes,
Sans hésiter, frappez, quand je dirai : « Voilà ! »
(Les pompiers armés et Rouget ouvrent la porte du fond et se placent derrière, de sorte qu’on ne peut les apercevoir de l’avenue, que le spectateur voit dans toute sa longueur.)
Scène VI
Toga prévoyait ce crime
Quand il a maudit Sicca.
De tous les conjurés j’aurai perdu l’estime,
Mais j’aurai vengé Toga !
(Sicca paraît. Il est vêtu et masqué comme Roupias.)
Ah ! vous voilà, Sicca. C’est ici, venez vite.
(Ils s’avancent dans l’avenue.)
Mais je crains, Roupias, que tu prennes la fuite
Va devant.
Non. Allez devant. Je vous suivrai.
(À part)
- Sicca, Sicca, je te perdrai. LES POMPIERS, dans la salle
- Sicca, Sicca, je te perdrai.
Gloire à Rouget, pompeur illustre !
Pompier de qui Lorient s’illustre !
Gloire à Rouget !
Gloire au grand inventeur de la Pompe Rouget !
Ces voix… Ces chants… Qu’est-ce ? Quel rêve ?
(À part)
C’était un piège… Eh bien ! le rocher que soulève
L’infâme Roupias
Sur lui retombera.
(On entend des cloches)
Ces cloches sont son glas !
(Il s’arrête et se cache dans l’ombre. Roupias passe devant sans s’en apercevoir. On voit les pompiers lever leurs armes des deux côtés de la porte)
Meure, meure Sicca ! Nous n’épargnons personne !
Toga ! Toga ! pardonne
Et perds mon ennemi !
(Roupias approche de la porte)
Que l’œuvre ne soit pas accomplie à demi !
Mort à Sicca ! Vive la Pompe !
Ah ! Si Roupias me trompe,
Il subira mon sort !
(Roupias met le pied dans la salle)
- À mort ! à mort ! à mort !
(Au moment où la toile tombe, on les voit lever leurs armes)
(Une plate-forme immense dont on ne voit qu’une partie. Un parapet très bas au fond. Derrière, on ne voit que le ciel. Cet acte se passe dix ans après le précédent ?)
Scène I
Rouget, ton Antlium géant
Se dresse en cette place
Où l’Antlium n’est pas, là n’est que le néant.
Non, rien ne le surpasse !
Gloire à Rouget !
À Rouget qui créa ce gigantesque objet !
Gloire à Rouget !
Allons ! Qu’on s’apprête !
Pompiers, en ces lieux
Faisons une fête
Pour célébrer cet Antle merveilleux !
Non, nous n’en croyons pas nos yeux !
Pompiers, sous cette plate-forme
Élevée au-dessus du terrain de cent pieds
Est une pompe énorme !
Gloire à Rouget, pompiers !
Amis, depuis dix ans, depuis la mort du traître,
La Pompe a prospéré.
Voilà cet Antlium ! Antlium que j’aurai
Créé, moi, votre maître !
Pompiers, le sort aura couronné nos efforts :
Les Antliaclastes sont morts !
Sicca l’Antliaclaste est là, dans la poussière !
Sicca l’Antliaclaste est là, dans une bière
Depuis dix ans cloué.
Sous cette pompe qui s’élève,
Sous l’Antle qui pompe sans trêve,
Gît Sicca, par les vers troué !
Pardonnez, Grand Rouget, peut-être je me trompe ;
Mais quand Sicca fut massacré
À coups de haches et de pompe,
Qu’est devenu celui qui nous l’avait livré ?
Je l’ignore.
Un homme masqué. Mais je n’en suis pas bien sûr,
Parce qu’il faisait déjà sombre,
Et qu’auprès de la porte est un recoin obscur.
Au fait, que nous importe ? En dix ans…
Et la fête ?…
Continuons. C’est vrai. J’ai dit que l’on s’apprête,
Et pas un de vous tous ne s’en est dérangé.
Gloire à Rouget !
Il ajoute à sa gloire
Un Antle merveilleux
Dont éternellement durera la mémoire !
Un Antle de cent pieds, qui se perd dans les cieux !
Le grand Rouget sera célèbre dans l’histoire !
Amis, un grand festin par moi vous est promis.
Sur cette plate-forme,
Sur cette pompe énorme,
On va servir un plat digne de mes amis.
Je l’ai fait faire exprès. — Mais avant, qu’on commence
Par dresser une table et par faire silence.
— Non, pourtant : ce jour veut un peu de licence.
Chœur, allez.
Gloire à l’Antle immense
Et gloire à Rouget !
Allons ! qu’on commence !
Chantons, la bombance
En donne sujet.
Mais pour pomper l’on a bien plus d’intelligence
Quand on a mangé.
C’est juste. Servez.
nGloire au grand Rouget !
(Deux pompiers mettent le couvert.)
Gloire à l’Antle immense
Et gloire à Rouget !
Allons ! qu’on commence !
Chantons ! la bombance
En donne sujet !
(Un homme, la figure voilée, montre la tête et les bras au-dessus du parapet et pose un paquet long à terre.)
Qu’est-ce ?
Je n’ai rien vu.
Le plat par Rouget commandé ;
Mais, pour qui l’apporta, je ne puis le connaître,
Car je n’ai pas regardé.
- On le verra tout à l’heure.
Moi, je ne l’ai pas vu ; mais ce doit être bon,
Rien que d’y penser, j’en pleure.
A-t-on, vu ce Pet-Sec ! Pleurer pour du bonbon !
Dis donc, sais-tu quand se mouche Roupie ?
Eh bien ! C’est quand à son nez pend son effigie.
Quels discours indé…cis chez ces jeunes pompiers !
Au lieu de troubler par vos propos cette fête,
Vous devriez baisser la tête
Et regarder vos pieds.
(Rouget se met en devoir d’ouvrir le paquet. Tous se mettent à table.)
Gloire à Rouget, pompeur illustre !
Pompier de qui Lorient s’illustre !
Auteur d’un magnifique objet !
Gloire à Rouget ! Gloire à Rouget !
Gloire à Rouget !
Scène II
Qu’on s’arrête !
Jour — et nuit !
Toute fête
Veut son bruit !
(Tous les convives s’arrêtent épouvantés. L’homme jette son manteau et paraît)
Je suis Sicca ! Je suis Sicca ! Sicca !
Vous, Sicca ! Vision !
C’est un fou !
Vous a troublé le cerveau.
Je suis Sicca ! Je suis Sicca !
Vous venez de le dire ; et, si je ne me trompe,
Voilà dix ans qu’au pied de cette immense pompe
Gît Sicca…
Sicca l’Antliaclaste est vivant, et ces lieux
En recevront bientôt une preuve, j’espère !
Après tout, à quoi bon lui prouver le contraire ?
C’est un fou.
(Haut.)
Un festin splendide ; et, si vous voulez en être…
- Oui, je partagerai votre festin, oui.
(A part.)
Votre plaisir sera bientôt évanoui.
(Pigeaux ouvre le paquet. Sicca y plonge la main, et en tire un squelette humain qu’il jette sur la table au milieu des plats)
Un squelette !
Il a voulu me perdre et lui s’est perdu.
(On entend un craquement et la table se renverse. La plate-forme s’incline)
C’est en creusant la terre au pied de cette pompe
Que j’ai trouvé son corps.
(Nouveau craquement.)
— Êtes-vous satisfaits ?
(Craquements répétés plus forts que les autres.)
SICCA, c
La terre est minée, et tout s’écroule !
Il nous trompe !
(Craquements de plus en plus forts.)
- Je me perds et je perds la pompe !
(Craquement encore plus fort.)
Écoutez ce bruit !
Au jour radieux succède la nuit !
Toute fête
Veut son bruit !
(Tout s’écroule. Les pompiers poussent un grand cri)
- ↑ À paraître prochainement aux éditions du Mercure de France, collection « La Grappe ».