Bigot et sa bande/21
Deux frères de Joncaire Chabert servaient dans les troupes de la marine sur la fin du régime français. Ils étaient les fils de Louis-Thomas de Joncaire Chabert, lieutenant dans les troupes de la marine et interprète en langue iroquoise, qui s’était distingué en plusieurs circonstances et avait beaucoup contribué à ramener les Iroquois à la cause française. L’aîné Philippe-Thomas, était né à Montréal le 9 janvier 1707. L’autre, Daniel-Marie, était né à Repentigny le 6 juin 1714.
Les fils Joncaire Chabert eurent peut-être encore plus d’influence sur les Iroquois que leur père. Ils parlaient parfaitement leur langue, et le sieur de C. nous dit qu’ils vivaient avec eux et comme eux. L’aîné même, qui avait une femme à Montréal vivait là-bas avec une Iroquoise et en avait eu des enfants.
Celui qui nous intéresse, Daniel-Marie, fut interprète chez les Iroquois pendant plusieurs années tout en servant dans les troupes de la marine. À son mariage à Montréal, en 1751, avec Marguerite-Élisabeth-Ursule Rocbert de la Morandière, il déclare qu’il est lieutenant.
En 1759, M. de Joncaire Chabert était commandant du Petit Fort ou fort du Portage, sur le chemin de Niagara. Il dut descendre à Québec sur la fin de l’été de 1759 puisqu’il participa aux derniers combats et s’embarqua pour la France avec les débris de l’armée française.
M. de Joncaire Chabert fut incarcéré à la Bastille le 13 novembre 1761 et y resta jusqu’après le jugement du Châtelet de Paris, le 10 décembre 1763. Il n’est pas nommé dans ce jugement mais il est certain qu’il fut acquitté.
L’abbé de Joncaire, frère de M. de Joncaire-Chabert était vicaire général du diocèse de Grasse. C’est lui qui s’intéressa aux enfants de son frère pendant sa détention à la Bastille. En 1762, il obtint une gratification de 300 livres du Roi pour faire subsister la famille de M. de Joncaire-Chabert pendant son emprisonnement.
Une fois en liberté, M. de Joncaire Chabert s’embarqua pour revenir au Canada. Il fit le voyage très probablement avec son frère l’abbé François de Joncaire, qui vivait en France depuis plusieurs années. C’est précisément l’abbé de Joncaire que Murray accuse d’avoir ambitionné la mitre et le siège épiscopal de Québec. Le 24 octobre 1766, l’abbé de Joncaire était à Québec et donnait procuration, devant J.-C. Panet, à son frère Daniel-Marie, pour gérer les propriétés qu’il avait au Canada.
Quant à Daniel-Marie de Joncaire Chabert, il se retira au Détroit où il s’occupa de la traite et du commerce des fourrures. Il y décéda le 5 juillet 1774, fidèle sujet britannique après avoir servi le roi de France pendant tant d’années.
Le 30 décembre 1766, le président du Conseil de marine transmettait à M. de Fontanieu les arrêts du Conseil qui rejetait les demandes du sieur de Joncaire Chabert, lieutenant dans les troupes de la marine, qui se prétendait créancier du Roi pour une somme de 16,611,281 livres. Cette énorme réclamation permet de supposer que M. de Joncaire-Chabert avait fait le commerce sur une grande échelle dans la Nouvelle-France. Elle n’établit pas, tout de même, qu’il fut au nombre des grands profiteurs. À peu près tous les officiers des troupes de la marine étaient dans le même cas.
M. de Joncaire-Chabert avait épousé, à Montréal, le 19 janvier 1751, Madeleine-Élisabeth-Ursule Rocbert de la Morendière. Son acte de mariage le qualifie de lieutenant d’infanterie et dit : qu’il se nomme Daniel-Marie de Joncaire, sieur de Chabert et de Clausonne.