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Page:NRF 14.djvu/431

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SI LE GRAIN NE MEURT 42^

plant dans le creux de ma main cette bille grise, désor- mais pareille à toutes les billes, et qui n'avait plus aucun intérêt dès l'instant qu'elle n'était plus dans son gîte. Je me sentis tout bête, tout penaud d'avoir voulu faire le malin. En rougissant, je fis retomber la bille dans son trou, (sans doute elle y est encore) et allai me cou- per les ongles, sans parler à personne de mon exploit.

il y a quelque dix ans, passant en Suisse, j'allai revoir ma pauvre vieille Marie, dans son petit village de Lotzwil, où elle ne se décide pas à mourir. Elle m'a reparlé d'Uzès et de ma grand'mère, ravivant mes souvenirs ternis :

— A chaque œuf que vous mangiez, racontait-elle, votre bonne-maman ne manquait pas de s'écrier, qu'il fût sur le plat ou à la coque : « Eh ! laisse le blanc, petiton ! 11 n'y a que le jaune qui compte! »

Et Marie ajoutait, en bonne Suissesse :

— Comme si le Bon Dieu n'avait pas fait le blanc aussi pour être mangé !

ANDRÉ GIDE

(à suivre)

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