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NOTES 281

l'extrême de l'horreur ; la mort même s'y montre en sa sim- plicité narquoise et terrible, point de fard macabre ; l'auteur, comme l'on dit "n'en remet jamais". Son art est admirable- ment synthétique, parce qu'exempt de cette volonté de synthèse mécanique qui, chez trop de romanciers, aboutit à détruire toute illusion. Il nous décrit les êtres et les objets d'un monde étrange, sous toutes leurs faces changeantes au gré de l'instant ou des lumières intérieures. Rien qui fasse décor de théâtre ou silhouettes d'acteurs présentés de profil.

En de très rares endroits l'auteur apparait discrètement, mais presque toujours il laisse à l'émotion du lecteur le soin d'engendrer les grandes images. Il fait confiance à l'imagina- tion du lecteur ; et comme il a raison de ne point se croire obligé d'insister en marge, d'alourdir son récit d'un commen- taire explicatif : Remarquez bien l'horreur de ce spectacle ; avez-vous bien senti cette odeur excrémentielle? etc. M. Dorgelès dit qu'un cadavre était pourri, sans nous laisser, complaisam- ment le nez sur la pourriture. Parfois en homme qui sait voir, il ajoute une note de couleur, ou bien le plus souvent, une comparaison familière; mais il ne prend pas plaisir à nous barbouiller d'immondices sous prétexte d'être plus réaliste. Il y a un poncif de l'horrible, et du vil, et du cruel qui n'est pas moins dégoûtant, pour un esprit libre, que les autres poncifs.

Il n'y a pas bien longtemps, je fus invité avec un certain nombre de mes confrères, à collaborer à une anthologie inter- nationale des poètes de la guerre, qui se pubhe en Suisse. " La préface, m'écrivait-on, sera faite par X. C'est vous dire l'esprit du recueil. Veuillez donc choisir parmi vos poèmes, les plus douloureux... etc." Cette phrase était évidemment écrite de la meilleure foi du monde. Elle ne m'en parut que plus éton- nante et j'admiraii qu'on pût demander aux poètes une con- ception uniforme de la guerre. Cet a-priorisme est absolument étranger à M. Roland Dorgelès, dont l'intelligence et la sensi- bilité sont également libres, en toutes circonstances. De cette indépendance, l'écrivain a donné maintes preuves. Aussi peut-on dire que les Croix de Bois sont l'œuvre d'un homme d'esprit, d'un honnête homme et d'un homme libre.

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