Château pinardier
Un château pinardier est un château construit ou transformé à la fin du XIXe siècle autour d'un domaine viticole de la plaine biterroise dans un rayon d'environ 25 km autour de Béziers.
Historique
modifierÀ la fin du Second Empire apparaît une forte expansion de l'économie viticole du Biterrois qui fait la fortune des grands propriétaires terriens constitués pour la plupart de bourgeois urbains ayant acquis des métairies à la vente des biens nationaux, converties à la monoculture de la vigne.
L'ouverture de la ligne de chemin de fer Bordeaux à Sète en 1857 permet d'exporter le vin ou l'alcool produits en masse dans le Biterrois vers toute la France et l'Europe. Le choix de production de masse avec le cépage aramon s'avère d'autant plus payant lorsque le phylloxéra, introduit accidentellement, s'abat sur le vignoble français d'est en ouest, à partir de 1865. Lorsque ces pucerons parasites atteignent le Biterrois en 1878, la parade est déjà trouvée. Les vignerons ont replantés d'autres plants américains, améliorant encore les rendements. Les vignerons du Bas-Languedoc restent alors les seuls à produire du vin, à hauteur de plus de quatre millions d'hectolitres. Ceci constitue une manne extraordinaire, puisque le prix du vin, produit devenu rare, passe de 10 francs l'hectolitre en 1875 à 41 francs en 1880.
Les propriétaires des domaines font fortune, les mariages et dots unissent les domaines. Les propriétaires construisent alors des demeures dignes de leurs fortunes autour de leur métairie ; ces châteaux sont dits pinardiers.
Les réalisations, ralenties à la fin du siècle et freinées par la crise de 1907, se poursuivent jusqu'à la fin de la Première Guerre mondiale[1]. Le marché diminue alors progressivement empêchant l'entretien des châteaux et surtout des parcs.
De nos jours, bon nombre de ces châteaux ont été reconvertis en chambres d'hôtes, en restaurants, édifices ou jardins publics. Leur protection progresse depuis les années 1990 à la suite de la prise de conscience de ce patrimoine tombé dans l'oubli. Le château du Terral[2] (Ouveillan dans l'Aude) fait l’objet d’un classement au titre des monuments historiques depuis 2005. Quelques châteaux font l'objet d'une inscription au titre des monuments historiques : le château de Grézan[3] (Laurens) depuis 1993, le château de Libouriac[4] (Béziers) depuis 1995, le château de la Tour[5] (Montady), le château Saint-Bauzille (Béziers) depuis 2007 et le château de La Grange-des-Prés[6] (Pézenas) depuis 2015. D'autres sont recensés à l'Inventaire général du patrimoine culturel depuis 2003 : Saint-Martin-de-Graves[7] et Montpezat[8] (Pézenas).
Architecture
modifierLes châteaux du Biterrois suivent la tendance architecturale dominante du XIXe siècle, désignée par le terme d'éclectique. À l'image des autres régions de France, les architectes empruntent aux styles « historiques » les formes et les éléments décoratifs suivant à la fois les goûts des propriétaires et les exigences de l'époque.
Ces châteaux sont l’œuvre d’architectes à la mode comme Louis Garros (architecte bordelais), son fils Alexandre Garros ou Léopold Carlier (architecte montpelliérain) mais bien souvent aussi l’œuvre d’architectes inconnus.
Leur architecture reprend des modèles du passé :
- style néo-gothique, avec volumes dissymétriques, tourelles en poivrière, mâchicoulis, échauguettes ou créneaux : La Devèze et Libouriac (Béziers), Grézan (Laurens), Saint-Pierre-de-Serjac (Puissalicon), La Bastide Neuve et Roueïre (Quarante) ;
- style néo-Renaissance, avec pour modèle les châteaux du bord de Loire : Saint-Martin-de-Grave (Aumes), Le Contrôle (Béziers), Mus (Murviel) et La Gardie (Vias) ou la Renaissance italienne : Sériège (Cruzy) ;
- style néo-Louis XIII, dit « brique et pierre » : La Grange-des-Prés (Pézenas), La Jourdane (Vias) et la commanderie de Preïssan (Ouveillan) ;
- style inspiré de l'architecture parisienne du règne de Louis XIV et de la première moitié du XVIIIe siècle : Caillan (Bessan), Sagnes (Corneilhan), Belles-Eaux (Caux), La Canague Grande (Montady) et Cantaussels-le-Haut (Servian) ;
- ou mélange d'éléments empruntés à diverses époques, caractéristiques du style Second Empire : Saint-Pierre (Montblanc) et La Tour (Montady).
Notamment pour les œuvres de Garros, les intérieurs sont aussi soignés que les façades, l'agencement des pièces est moderne, correspondant au mode de vie « bourgeois » de l'époque. Les dépendances, comme celles réalisées à la Bastide Neuve, sont aussi construites avec qualité.
Le château occupe souvent un lieu anciennement habité : villa gallo-romaine, château médiéval, grange cistercienne (Le Terral), commanderie (Preïssan). La construction du nouveau château se superpose à l’ancienne occupation qui est démolie (Grézan), les anciens bâtiments sont relégués à l’état de dépendances (Sériège), enfin, le château peut s’accoler, remanier ou incorporer les anciens bâtiments.
Le château et ses dépendances viticoles sont entourés par un parc à l'anglaise avec de grands pins d'Alep. Le domaine se situe au milieu des vignes, généralement en contrebas de la colline, à l'abri du vent.
Le parc montre lui-même l'importance du domaine puisqu'il coûte cher en entretien et ampute le domaine viticole souvent de plusieurs hectares. Les propriétaires font appel à des architectes-paysagistes réputés comme les frères Bühler à Hortes (Bessan), Libouriac et Raissac (Béziers), La Grange-des-Prés (Pézenas), Roueïre (Quarante) et La Gardie (Vias) ou Georges Le Breton à Luch (Béziers) et Le Terral (Ouveillan).
Liste de châteaux pinardiers
modifierCette liste des domaines par ville représente un échantillon représentatif parmi les quelque deux cents ayant un château pinardier sur une cinquantaine de communes des environs de Béziers.
Carte de châteaux pinardiers dans le Biterrois
modifierGalerie
modifier-
Château de Saint-Martin-de-Graves à Pézenas.
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Tour de Saint-Jean d'Aureilhan à Béziers.
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Château de Grézan à Laurens.
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Château de la Grange des Prés à Pézenas.
Notes et références
modifier- Amandine Deguin, « Béziers : histoire d'une capitale du vin déchue », nouvelobs.com, 28 février 2019.
- Notice no PA11000027, sur la plateforme ouverte du patrimoine, base Mérimée, ministère français de la Culture
- Notice no PA00125492, sur la plateforme ouverte du patrimoine, base Mérimée, ministère français de la Culture
- Notice no PA00135388, sur la plateforme ouverte du patrimoine, base Mérimée, ministère français de la Culture
- Notice no PA34000067, sur la plateforme ouverte du patrimoine, base Mérimée, ministère français de la Culture
- Notice no PA34000110, sur la plateforme ouverte du patrimoine, base Mérimée, ministère français de la Culture, Notice no IA34000542, sur la plateforme ouverte du patrimoine, base Mérimée, ministère français de la Culture
- Notice no IA34000551, sur la plateforme ouverte du patrimoine, base Mérimée, ministère français de la Culture (consulté le ).
- Notice no IA34000545, sur la plateforme ouverte du patrimoine, base Mérimée, ministère français de la Culture