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Altruisme

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Le mot altruisme et l'adjectif altruiste s'appliquent aujourd'hui à un comportement caractérisé à s'intéresser et à se dévouer à autrui, ne procurant pas d'avantages apparents et immédiats à l'individu qui les exécute mais qui sont bénéfiques à d'autres individus et peuvent favoriser surtout à long terme un vivre-ensemble et une reconnaissance mutuelle au sein du groupe où il est présent, bien que l'altruisme brut soit néanmoins un acte ne demandant rien en retour. Le terme « altruisme » est employé pour la première fois par Auguste Comte[1].

En Occident[réf. nécessaire], ils peuvent caractériser une valeur culturelle et sociale - parfois à contre-sens de la culture et de la société dominante : un acte héroïque comme le sauvetage d'une vie humaine ou d'un être vivant parfois au péril de la propre vie du sauveteur bénévole, une succession d'actes ou de services quotidiens sans rien attendre en retour, une manifestation d'un amour désintéressé envers un autrui inconnu. Ce type d'acte est qualifié parfois de philanthropique, c'est-à-dire exprimant le souhait qu'autrui trouve ce qui peut lui être inaccessible, accessoirement un bonheur, matérialisé ou instrumentalisé grâce à des fondations ou des institutions. Le terme altruisme peut être considéré comme antinomique d'égoïsme.

Ce terme est parfois dévoyé[réf. nécessaire] vers le sens d'empathie ou réduit le plus souvent à la simple générosité du donateur, mais l'altruisme est d'abord une générosité libre et gratuite, libérée des contraintes, des ordres et des hiérarchies sociales au point de s'afficher contre l'ordre dominant d'essence politique et/ou religieuse, que ce dernier soit corrompu ou que ses valeurs fondatrices soient diluées et évanescentes au sein d'institutions plus ou moins bureaucratisées ou arriérées. Dans ce cas réducteur, il peut être décrit par l'éthique de réciprocité, qui n'est parfois qu'une copie philosophique équivoque ou essentialiste du don/contredon spécifique de nombreuses sociétés traditionnelles.[réf. nécessaire]

Origine du mot

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Le mot altruisme apparaît pour la première fois sous la plume d'Auguste Comte[2] dans son ouvrage Catéchisme positiviste (1852). Il désigne une attitude d'attachement, de bonté, voire de vénération envers autrui, qui résulte d'un sentiment d'amour instinctif ou réfléchi pour l'autre. Faisant de l'altruisme le principe de sa religion, Auguste Comte considère que l'existence innée des instincts altruistes est « la principale découverte de la science moderne »[2].

La psychanalyste argentine Raquel Capurro, également philosophe de formation, décrit précisément dans quelles conditions Auguste Comte a élaboré la « religion » positiviste[3] : Comte tombe très amoureux de Clotilde de Vaux en 1845, c'est alors qu'elle attrape la tuberculose, et meurt un an plus tard. Auguste Comte a du mal à faire son deuil : se recueillant dans l'église Saint-Paul près de l'appartement de Clotilde de Vaux, ce deuil participe à l'invention de la « religion de l'humanité », qu'il qualifie de fétichisme : l'ethnologie était à la mode à cette époque, et on découvrait ces pratiques dans les cultes africains. La couverture de son Système de politique positive, publié en 1851 et dédié à « sainte Clothilde », comprend les slogans « Ordre et progrès », « Vivre pour autrui »[2].

Selon Émile Maximilien Paul Littré, qui a développé la doctrine positiviste, l'altruisme provient « de la nécessité d'aimer imposée fondamentalement par l'union des sexes pour que l'humanité subsiste comme espèce ».

Pourtant opposé au mysticisme politique d'Auguste Comte, le philosophe évolutionniste Herbert Spencer reprend à son compte le terme d'altruisme[2].

Définition égoïste

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Pour l'égoïste ou l'amoral, l'altruisme est le fait de se soumettre religieusement à une idée[4],[5]. Ainsi, dans cette définition, le patriote est un altruiste[6]. Pour le défenseur de l'égoïsme, Max Stirner, l'altruisme procède de l'Idée. L'altruiste serait donc quelqu'un de très moral, d'idéaliste et de désintéressé, donc un esclave. Le libéralisme, sévèrement pourfendu dans L'Unique et sa propriété, conduirait à l'altruisme, même si une personne croit servir son intérêt personnel[7]. En critiquant le libéralisme, Stirner rejette le socialisme et le capitalisme. Ces systèmes économiques et politiques favorisent l'altruisme et donc l'esclavage de la Pensée. Pour Stirner, l'amour et la sociabilité procèdent de l'égoïsme, alors que l'altruisme est un devoir. À aucun moment, Max Stirner n'emploie le mot « altruisme » pour définir le contraire de l'égoïsme, mais le mot « idéalisme ». James L. Walker, un des adeptes de Stirner, dans son ouvrage The philosophy of Egoism, associera idéalisme à altruisme. Thrasymaque, dans La République de Platon, suppose que l'altruisme n'est pas naturel et que nous sommes tous prompt à l'injustice.

Questions posées par l'altruisme

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Motivation de l'action désintéressée

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Bahram Elahi[8] précise à ce sujet que si aucune action altruiste ne peut être parfaitement désintéressée, du fait même de notre dimension terrestre, naturellement mercantile, il est toutefois possible de cultiver en soi l’intention d’agir de manière désintéressée. Le désintéressement absolu constitue un idéal vers lequel l'être humain devrait tendre pour pouvoir persévérer dans la pratique éthique et acquérir les vertus indispensables à son perfectionnement moral et spirituel.[réf. nécessaire]

Dans les domaines humains

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En politique et géopolitique

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Le biologiste Philippe Kourilsky invente le néologisme d'« altruité » pour désigner la composante rationnelle de l'altruisme et définit le devoir d'altruisme, caractérisé par son auto-évaluation et sa proportionnalité, comme « l'obligation pour chacun de s'attacher à préserver et à renforcer les libertés individuelles des autres », ce qui peut améliorer le fonctionnement de la démocratie[9].

Approche sociobiologique

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Bien qu'un comportement altruiste semble a priori être contradictoire par rapport à des principes énoncés au sujet de la sélection naturelle, un comportement qui tient compte d'autrui peut être sélectionné et l'on constate des comportements altruistes dans la nature (voir sélection de parentèle). Un examen plus fin par la sociobiologie des mécanismes à l'œuvre, des niveaux de sélection génétique, et d'expression des individus montre que, s'il y a un égoïsme, il serait davantage au niveau des gènes eux-mêmes[10].

L'« altruisme de clocher » a été évoqué par Darwin pour expliquer en termes évolutionnistes le comportement social chez l'homme : ce comportement associe l'altruisme, où des personnes agissent à leurs dépens pour les membres de leur groupe, avec une attitude hostile à l'égard des autres groupes. Par exemple, un soldat qui se bat contre un ennemi au péril de sa vie pour protéger son pays, des supporters de football qui favorisent la « confiance intragroupe » et l'« agression défensive » envers les autres groupes. Des recherches montrent que ce comportement est corrélé au taux d'ocytocine cérébral[11].

L'altruisme pourrait avoir une composante génétique, la présence d'un allèle du gène COMT semblant être associé avec un comportement plus altruiste[12].

Notes et références

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  1. (en) « Altruism in Auguste Comte and Ayn Rand », sur campber.people.clemson.edu
  2. a b c et d Olivier Postel-Vinay, « L'altruisme, une invention française », Le Monde, no 22246,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  3. Raquel Capurro, Le positivisme est un culte des morts.
  4. C'est "l'égoïste inconscient" de Max Stirner ou le "décadent" de Friedrich Nietzsche dans Ainsi parlait Zarathoustra.
  5. James L.Walker explique dans son ouvrage La philosophie egoiste que l'altruisme est synonyme d'idéalisme. Il est un adepte de Max Stirner et reprend explicitement ses idées.
  6. "Un bon patriote, par exemple, porte son offrande sur l'autel de la patrie, et que la patrie soit une pure idée, cela ne fait pas de doute, car il n'y a ni patrie ni patriotisme pour les animaux, auxquels l'esprit est interdit, ou pour les enfants encore sans esprit. Celui qui ne se montre pas bon patriote décèle son égoïsme vis-à-vis de la patrie." (L'Unique et sa propriété, p. 37)
  7. "Comment se fait-il donc que l'égoïsme de ceux qui confessent et qui consultent en tout temps leur intérêt personnel succombe fatalement devant un intérêt sacerdotal ou pédagogique ? Leur personne leur semble à eux-mêmes trop mince, trop insignifiante (ce qu'elle est donc, en effet) pour oser prétendre à tout et pouvoir se réaliser entièrement." (L'Unique et sa propriété, p. 71-72)
  8. Bahram Elahi, « L’altruisme : entretien avec Bahram Elahi », sur e-ostadelahi.fr, .
  9. Philippe Kourilsky, Le Manifeste de l'altruisme, Odile Jacob, 2011 (ISBN 9782738126399), 231 p.
  10. Richard Dawkins, Le Gène égoïste, 1976.
  11. Carsten K. W. De Dreu, & al, « The Neuropeptide Oxytocin Regulates Parochial Altruism in Intergroup Conflict Among Humans », Science, (consulté le ), p. 1408-1411.
  12. Reuter M, Frenzel C, Walter NT, Markett S, Montag C, Investigating the genetic basis of altruism: the role of the COMT Val158Met polymorphism, Soc Cogn Affect Neurosci, 2010 doi:10.1093/scan/nsq083.

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Bibliographie

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  • Marc Augé, Le sens des autres, actualité de l'anthropologie, Paris, Fayard, 1994, (ISBN 978-2213591827), 199 p.
  • Christine Clavien, Je t'aide... moi non plus ; biologique, comportemental ou psychologique : l'altruisme dans tous ses états, Vuibert, 2010, (ISBN 978-2311000498), 192 p.
  • Christine Clavien, Trois sortes d'altruisme et le rapport à la morale, in Collectif sous la direction d'Alberto Massala et Jérome Ravat, La morale humaine et la science, Éditions Matériologiques, p. 141-168
  • Matthieu Ricard, Plaidoyer pour l'altruisme : La force de la bienveillance, Éditions Nil, 2013
  • Charles Darwin, La Filiation de l’Homme et la sélection liée au sexe, trad. sous la direction de P. Tort, coord. par M. Prum. Précédé de Patrick Tort, « L’anthropologie inattendue de Charles Darwin ». Paris, Champion Classiques, 2013

Articles connexes

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Liens externes

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