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Massacre d'Ambiky

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Massacre d'Ambiky

Informations générales
Date -
Lieu Ambiky, Madagascar
Issue Victoire française
Belligérants
Drapeau de la France France Drapeau de Madagascar Sakalaves

Le massacre d'Ambiky est un massacre qui eut lieu en 1897 sur l'île de Madagascar, pendant l'Expédition de Madagascar effectuée par les Français. Après le massacre, une insurrection générale commandée par Ingereza, frère et successeur de Toera, enflamme le Menabe jusqu’en 1902.

Circonstances

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Paul Vigné d'Octon dénonce le massacre à la Chambre des Députés en 1900[1] en désignant le commandant Augustin Gérard comme possible organisateur. Pour ce dernier, le nombre des victimes, évalués à 5000 par les uns, fut de 2500 pour les autres. Le rapport de Gérard indique 97 Sakalava tués sur le terrain et au moins 150 blessés (…) laissés dans les bois aux abords de la position. En outre, 450 prisonniers (dont deux tiers de femmes et d’enfants) sont restés entre nos mains.

La tête du roi Toera « disparait » des rapports officiels[2].

Version de Paul Vigné d'Octon à la Chambre des Députés

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Au mois d'août 1897, le général Joseph Gallieni envoie une colonne sous les ordres de son chef d'état-major, le commandant Gérard, pour pacifier le Menabe; la canonnière la Surprise attend sur la côte l'arrivée de la colonne; à la prière de son capitaine, M. Léo-Philippe Samat[3] bien vu des Sakalaves, particulièrement lié par la fraternité[4] du sang au chef du district d'Ambike, le roi Touere, l'agent des messageries maritimes à Morondava était venu à l'embouchure de la Tsiribihina. Samat, frère du roi Touere, se rendit à Ambike; l'enseigne de vaisseau Etienne Blot et quelques marins de la Surprise s'y rendirent en même temps par la Tsiribihine. Le roi Touere offrit une hospitalité empressée à ces messieurs, aux marins de la Surprise, aux porteurs et domestiques indigènes qui les accompagnaient. Pleinement confiant dans son frère Samat, il se concerta avec lui pour préparer une réception triomphale au commandant Gérard, dont l'approche lui était officiellement annoncée[5].

Le matin du 29 août, l'enseigne de vaisseau Blot et M. Samat, apprenant que la colonne française n'était plus qu'à deux heures de distance de Ambike ils allèrent à son campement[6]. Ayant joint le commandant Gérard, ils lui dirent les excellentes dispositions du pays. Le commandant, comme s'il ne les eût pas compris, prévint l'enseigne qu'il aurait le lendemain, avec ses marins, à prendre part à l'attaque.

Le général Galliéni, avait débuté en Imerina en frappant un grand coup, le commandant Gérard voulait affirmer par un grand coup sa prise de possession du Menabé. Blot et Samat se récrièrent, croyant à un malentendu[7]. Le roi Touere, lui-même, ne voyant pas revenir ses amis, vint à son tour demander à présenter ses hommages au commandant Gérard. M. Gérard refusa de le recevoir et lui fit répondre : « Je porterai moi-même mes ordres au chef-lieu. »

Au milieu de la nuit, les troupes se mirent en marche. Elles avancent inaperçues à travers les bois et les taillis qui précèdent la ville d'Ambike; elles l'investissent en silence. L'artillerie occupe une position d'où elle pouvait la foudroyer. Au point du jour, par six côtés à la fois, on entre dans la ville endormie. Les Sénégalais se ruent dans les maisons; le massacre commence. Surprise sans défiance, sans moyen de résister, la population entière est passée au fil de la baïonnette[8]. Le roi Touere, les personnages de marque, tous les habitants tombèrent sous les coups des tirailleurs dans cette matinée. Les tirailleurs n'avaient reçu l'ordre que de tuer les hommes ; mais, enivrés par l'odeur du sang, ils n'épargnèrent pas une femme, pas un enfant[9]. Quand il fit grand jour, la ville n'était plus qu'un affreux charnier dans lequel s'égaraient les hommes fatigués d'avoir tant frappé[10].

Bernard Schlemmer indique que le silence officiel voua cet épisode à l'oubli. Entre le récit de Paul Vigné d'Octon et celui officiel des militaires, le hiatus est énorme. Entre l'exagération évidente du parlementaire[11] et le silence qui entoure cet épisode, la vérité peu glorieuse est tombée dans l'oubli. Les écrits militaires confirment dans les grandes lignes le récit de Paul Vigné d'Octon indiquant la mort du roi Toera, de son ministre Vougorango, et d'autres chefs Sakalaves. Ce qui reste incertain est le nombre de victimes tués par le 3e régiment de tirailleurs sénégalais dirigé par le chef d'état-major de Joseph Gallieni :Augustin Gérard.

Réponse de Louis André, ministre de la Guerre

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Le 1er décembre 1900, Louis André, ministre de la Guerre, répond à la version de Paul Vigné. Il indique que les rapports officiels présentaient la région du Menabe comme le refuge des Sakalaves, comme un obstacle à la sécurité des routes, comme une perpétuelle menace pour le Betsileos et pour l'Imerina ; aucune troupe Hova n'avait pu y pénétrer. Le général Joseph Galliéni pensa que le moment était venu de réduire ces peuplades insoumises et guerrières et qu'il appartenait à nos troupes de faire ce que n'avaient osé tenter les faibles Hovas. C'est pourquoi la prise d'Ambiky fut décidée, et elle le fut, la veille au soir, dans un conseil de guerre composé de M. le commandant Augustin Gérard, qui était le chef de l'expédition, de M. le capitaine Détrie et de deux civils : Émile-Félix Gautier, directeur de l'enseignement primaire à Madagascar, qui était adjoint comme interprète à la colonne, et Léo-Philippe Samat. Il résulte de tous les documents officiels qui sont parvenus à l'administration, que les soldats français étaient, au contraire, constamment attirés dans des pièges, qu'ils étaient reçus partout à coups de fusil et que notamment le commandant Gérard avait perdu un quart de son effectif dans une embuscade. Il résulte du rapport de M. le général Galliéni, de celui du capitaine Détrie, daté d'Ambiky, le soir même du combat, et d'un télégramme envoyé à M. le général Galliéni, de Majunga, par le commandant de la Surprise, il résulte que le nombre des Sakalaves tués a été de 97 parmi lesquels on ne compte ni une femme ni un enfant. Et des mêmes sources il résulte encore que le soir de la prise d'Ambiky les esclaves ramassés depuis plusieurs années par les Sakalaves ont été rendus solennellement à la liberté et à leurs villages d'origine.

Le ministre indique le rapport du capitaine de vaisseau Augustin Le Dô, qui commandait la station navale de l'océan Indien : « En 1897, la Surprise mouillée devant la Tsiribihina depuis le 23 août s'était mise en communication avec l'intérieur par l'intermédiaire de M. Samat, le correspondant de la résidence générale. C'est M. l'enseigne de vaisseau Blot qui a été chargé de reconnaître l'embouchure du fleuve et de se porter au devant de la colonne. Dès le 25 août, le bruit de l'approche de nos soldats se répand dans le pays. Le commandant de la Surprise n'hésite pas à envoyer aussitôt M. Blot avec la vedette et le youyou portant des vivres et du charbon pour remonter le fleuve jusqu'à Ambiky afin de prendre contact avec le commandant Gérard et en même temps escorter M. Samat le long du fleuve. Ce petit détachement part le 26, mais ce n'est que le 29 et après une marche de plus de six heures à travers le pays que M. Blot rencontre enfin la Colonne. Elle avait été inquiétée fréquemment pendant sa marche par les gens de Toëra. Le commandant Gérard, sûr de l'hostilité, des menées sourdes de ce chef indigène, craignant d'autre part la fuite des guerriers et la disparition des armes, brusque l'attaque d'Ambiky qui est pris le 30 au matin et inflige à notre ennemi surpris des pertes considérables. M. Blot et ses hommes ont pris part à cette affaire. Quatre-vingt sept morts et plus de cent cinquante blessés restent sur le terrain, de nombreux prisonniers et une grande quantité d'armes tombent entre nos mains. » « Toëra, son ministre Vougorango et d'autres chefs sont parmi les morts. De notre côté, deux blessés dont un grièvement. « Cette rude leçon a eu un grand retentissement et la nouvelle de la prise d'Ambiky a été accueillie favorablement dans toute la région avoisinante. Toera était un chef redouté, son territoire était considéré comme le refuge de tous les malfaiteurs de la contrée. Protégés par le roi indigène, ils se livraient impunément au brigandage. On peut considérer maintenant le Ménabé comme tranquille et réduit à l'impuissance.

Notes et références

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  1. Journal officiel de la République française. Débats parlementaires. Chambre des députés : compte rendu in-extenso. 24 novembre 1900.
  2. [1]
  3. Agent, depuis de longues années établi dans le pays le connaissait et y était connu, en relations commerciales avec l'intérieur.
  4. A Madagascar, la fraternité du sang se consacre entre deux personnes par une cérémonie entourée de quelque solennité ; des incisions sont faites aux deux poitrines, le sang de l'une est mélangé au sang de l'autre ; les deux frères boivent du mélange : ils se doivent dès lors foi et dévouement mutuel. Les Malgaches respectent cet engagement et ne croient pas y pouvoir manquer sans forfaire.
  5. Afin de donner à l'événement plus d'importance, et à la fête plus d'éclat, il appela à Ambike tous les notables des districts et les plus considérables de ses voisins. Ceux-ci vinrent avec leurs étendards, et de nombreux musiciens jouant de la valihe et du tambour remplissaient la réunion d'entrain et de gaieté.
  6. Ils pensaient rentrer le soir même à Ambike et ils laissèrent leurs domestiques, leurs bourjanes et leurs bagages ainsi que leur petite installation.
  7. alors le commandant réitéra son ordre d'un ton qui n'admettait pas de réplique ; en outre il consigna au camp le négociant et l'officier de vaisseau pour les empêcher de retourner à la ville et d'avertir la population.
  8. Pendant une heure ceux qui n'avaient pas été tués du premier coup cherchent à fuir traqués par nos compagnies noires. On les voit, couverts de sang, courir affolés, atteints et frappés de nouveau, trébuchant sur les corps de leurs camarades ou allant donner contre les armes impitoyables des réserves postées aux issues.
  9. Les domestiques et porteurs indigènes de M. Samat, confondus parmi les habitants, partagèrent leur sort.
  10. Un certain nombre d'entre eux se sentaient étouffés de honte ; c'étaient les marins de la Surprise, coauteurs malgré eux du meurtre de leurs hôtes de la veille, et quelques officiers et soldats des troupes blanches habitués à la guerre cruelle, inégaux cependant au rôle qu'on venait de leur imposer.
  11. P.B. Ghensi, Le Gaulois, 19 mai 1900.

Bibliographie

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Articles connexes

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