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« Théorème de Morley » : différence entre les versions

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[[image:Morley triangle.svg|thumb]]
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En [[mathématiques]], et plus précisément en [[géométrie]] plane, le '''théorème de Morley''', découvert par [[Frank Morley]] en 1898, affirme que les intersections des [[trissectrice]]s des angles d'un triangle forment un [[triangle équilatéral]].
En [[mathématiques]], et plus précisément en [[géométrie]] plane, le '''théorème de Morley''', découvert par [[Frank Morley]] en 1898, affirme que les intersections des [[trissectrice]]s des angles d'un [[triangle]] forment un [[triangle équilatéral]].


Le triangle équilatéral ainsi défini par le théorème de Morley s'appelle le « triangle de Morley » du triangle de départ.
Le triangle équilatéral ainsi défini par le théorème de Morley s'appelle le « triangle de Morley » du triangle de départ.


== Démonstrations ==
== Démonstrations ==
Il existe de nombreuses démonstrations de ce théorème. Ci-dessous sont présentées trois démonstrations : une n'utilisant que des propriétés de géométrie élémentaire, les deux autres travaillant sur la trigonométrie ou les complexes offrant l'avantage de fournir la dimension du triangle équilatéral.
Il existe de nombreuses démonstrations de ce théorème. Ci-dessous sont présentées trois démonstrations : une n'utilisant que des propriétés de géométrie élémentaire, les deux autres travaillant sur la trigonométrie ou les complexes offrant l'avantage de fournir la dimension du triangle équilatéral<ref name=":0">{{Ouvrage|auteur1=Jean-Pierre Boudine|titre=L'appel des maths|tome=2|éditeur=Cassini|passage=264-270}}</ref>.

=== Démonstration en géométrie élémentaire ===
=== Démonstration en géométrie élémentaire ===
[[Image:Morley theorem.png|right|thumb|Triangle de Morley et son « tripode ».]]
[[Image:Morley theorem.png|droite|vignette|Triangle de Morley et son « tripode ».]]
Claude Frasnay<ref>Jean Aymès, ''[http://www.apmep.fr/IMG/pdf/La_trisection_de_l_angle_-_J_Aymes.pdf Ces problèmes qui font les mathématiques (la trisection de l'angle)]'', Publication de l'[[APMEP|A.P.M.E.P.]], {{n°|70}}, 1988, {{p.|54}}.</ref> propose une démonstration sans [[trigonométrie]] ni [[nombre complexe|nombres complexes]], utilisant uniquement les sommes des angles d'un triangle et les [[Similitude (géométrie)|similitudes directes]].
Claude Frasnay<ref>Jean Aymès, ''[http://www.apmep.fr/IMG/pdf/La_trisection_de_l_angle_-_J_Aymes.pdf Ces problèmes qui font les mathématiques (la trisection de l'angle)]'', Publication de l'[[APMEP|A.P.M.E.P.]], {{n°|70}}, 1988, {{p.|54}}.</ref> propose une démonstration sans [[trigonométrie]] ni [[nombre complexe|nombres complexes]], utilisant uniquement la [[somme des angles d'un triangle]] et les [[Similitude (géométrie)|similitudes directes]].

Pour tous réels strictement positifs <math>a, b, c</math> tels que <math>a+b+c =\frac{\pi}{3},</math> est appelé « dipode de pointure <math>(a, b),</math> » la figure <math>\mathrm{QARBP}</math> constituée d'un triangle équilatéral direct <math>\mathrm{QRP}</math> auquel on adjoint deux triangles de sens direct <math>\mathrm{QAR}</math> et <math>\mathrm{RBP}</math> tels que les angles de sommets <math>\mathrm{A}</math> et <math>\mathrm{B}</math> aient pour mesure en radians ''a'' et ''b'' et les angles de sommets <math>\mathrm{Q}</math> et <math>\mathrm{P}</math> aient pour mesure <math>\frac{\pi}{3} + c.</math> Par construction, deux dipodes de même pointure sont directement semblables.


Pour tous réels strictement positifs ''a'', ''b'', ''c'' tels que ''a'' + ''b'' + ''c'' = {{frac|π|3}}, est appelé « dipode de pointure (''a'', ''b'') » la figure ''QARBP'' constituée d'un triangle équilatéral direct ''QRP'' auquel on adjoint deux triangles de sens direct ''QAR'' et ''RBP'' tels que les angles de sommets ''A'' et ''B'' aient pour mesure en degré ''a'' et ''b'' et les angles de sommets ''Q'' et ''P'' aient pour mesure {{frac|π|3}} + ''c''. Par construction, deux dipodes de même pointure sont directement semblables.
De même est appelé « tripode de pointure <math>(a, b, c)</math> », la figure <math>\mathrm{QRPABC}</math> constituée de trois dipodes <math>\mathrm{QARBP}</math> de pointure <math>(a, b),</math> <math>\mathrm{RBPCQ}</math> de pointure <math>(b, c)</math> et <math>\mathrm{PCQAR}</math> de pointure <math>(c,a).</math> Par construction, deux tripodes de même pointure sont directement semblables.


Pour un tripode <math>\mathrm{QRPABC}</math> donné de pointure <math>(a, b, c),</math> on construit ensuite le triangle <math>\mathrm{ABW'}</math> direct tel que les angles de sommet <math>\mathrm{A}</math> et <math>\mathrm{B}</math> mesurent <math>2a</math> et <math>2b.</math> On appelle <math>\mathrm{R'}</math> le point de concours des bissectrices de ce triangle et on construit un triangle équilatéral direct <math>\mathrm{Q'R'P'}</math> symétrique par rapport à <math>\mathrm{R'W'}</math> et tel que <math>\mathrm{P'}</math> et <math>\mathrm{Q'}</math> appartiennent respectivement à <math>[\mathrm{BW'}]</math> et <math>[\mathrm{AW'}]</math>. On démontre alors que <math>\mathrm{Q'AR'BP'}</math> est un bipode de pointure <math>(a, b).</math> Comme deux bipodes de même pointure sont directement semblables, les bipodes <math>\mathrm{QARBP}</math> et <math>\mathrm{Q'AR'BP'}</math> sont semblables et confondus, et les demi-droites <math>[\mathrm{AR})</math> et <math>[\mathrm{BR})</math> sont les bissectrices intérieures des angles <math>\mathrm{QAB}</math> et <math>\mathrm{ABP.}</math> En reprenant le même raisonnement sur <math>[\mathrm{BC}]</math> puis <math>[\mathrm{CA}]</math>, on démontre que les demi-droites <math>[\mathrm{AQ})</math>, <math>[\mathrm{AR})</math>, <math>[\mathrm{BR})</math>, <math>[\mathrm{BP})</math>, <math>[\mathrm{CP})</math> et <math>[\mathrm{CQ})</math> sont les trisectrices du triangle <math>\mathrm{ABC}</math> dont les angles aux sommets sont donc <math>3a, \, 3b, \, 3c.</math>
De même est appelé « tripode de pointure (''a'', ''b'', ''c'') », la figure ''QRPABC'' constituée de trois dipodes ''QARBP'' de pointure (''a'', ''b''), ''RBPCQ'' de pointure (''b'', ''c'') et ''PCQAR'' de pointure (''c'', ''a''). Par construction, deux tripodes de même pointure sont directement semblables.


Tout triangle <math>\mathrm{A'B'C'}</math> direct d'angles <math>3a, \, 3b, \, 3c</math> est directement semblable au triangle <math>\mathrm{ABC}</math> construit à partir du tripode de pointure <math>(a, b, c)</math> et ses trisectrices se coupent donc en formant un triangle équilatéral directement semblable au triangle <math>\mathrm{QRP}</math>.
Pour un tripode ''QRPABC'' donné de pointure (''a'', ''b'', ''c''), on construit ensuite le triangle ''ABW{{'}}'' direct tel que les angles de sommet ''A'' et ''B'' mesurent 2''a'' et 2''b''. On appelle ''R{{'}}'' le point de concours des bissectrices de ce triangle et on construit un triangle équilatéral direct ''Q{{'}}R{{'}}P{{'}}'' symétrique par rapport à (''R{{'}}W{{'}}'') et tel que ''P{{'}}'' et ''Q{{'}}'' appartiennent respectivement à [''BW{{'}}''] et [''AW{{'}}'']. On démontre alors que ''Q{{'}}AR{{'}}BP{{'}}'' est un bipode de pointure (''a'', ''b''). Comme deux bipodes de même pointure sont directement semblables, les bipodes ''QARBP'' et ''Q{{'}}AR{{'}}BP{{'}}'' sont semblables et confondus, et les demi-droites [''AR'') et [''BR'') sont les bissectrices intérieures des angles ''QAB'' et ''ABP''. En reprenant le même raisonnement sur [''BC''] puis [''CA''], on démontre que les demi-droites [''AQ''), [''AR''), [''BR''), [''BP''), [''CP'') et [''CQ'') sont les trisectrices du triangle ''ABC'' dont les angles aux sommets sont donc 3''a'', 3''b'', 3''c''.


Tout triangle ''A{{'}}B{{'}}C{{'}}'' direct d'angles 3''a'', 3''b'', 3''c'' est directement semblable au triangle ''ABC'' construit à partir du tripode de pointure (''a'', ''b'', ''c'') et ses trisectrices se coupent donc en formant un triangle équilatéral directement semblable au triangle ''QRP''.
=== Démonstration à l'aide de la trigonométrie ===
=== Démonstration à l'aide de la trigonométrie ===
La [[loi des sinus]] détermine la longueur de la plupart des segments à partir des côtés du triangle et le [[théorème d'Al-Kashi]] permet de déterminer les autres, notamment les trois côtés {{math|''PR''}}, {{math|''PQ''}} et {{math|''QR''}} du triangle rouge — celui qui est censé être équilatéral.
La [[loi des sinus]] détermine la longueur de la plupart des segments à partir des côtés du triangle et le [[théorème d'Al-Kashi]] permet de déterminer les autres, notamment les trois côtés {{math|PR}}, {{math|PQ}} et {{math|QR}} du triangle rouge — celui qui est censé être équilatéral.


On définit les angles {{math|''a''}}, {{math|''b''}} et {{math|''c''}} tels que :
On définit les angles <math>a</math>, <math>b</math> et <math>c</math> tels que :
* <math>\widehat {BAC} = 3 \times a,</math>
* <math>\widehat \mathrm{BAC} = 3 \times a,</math>
* <math>\widehat {ABC} = 3 \times b,</math>
* <math>\widehat \mathrm{CBA} = 3 \times b,</math>
* <math>\widehat {ACB} = 3 \times c.</math>
* <math>\widehat \mathrm{ACB} = 3 \times c.</math>


Puisque dans tout triangle on a :
Puisque dans tout triangle on a :
:<math>\widehat {BAC} + \widehat {ABC} + \widehat {ACB} = \pi,</math>
:<math>\widehat \mathrm{BAC} + \widehat \mathrm{CBA} + \widehat \mathrm{ACB} = \pi,</math>
le changement de variable ci-dessus donne :
le changement de variable ci-dessus donne :
:<math>a + b + c = \frac{\pi}3.</math>
:<math>a + b + c = \frac{\pi}3.</math>


De plus, pour simplifier les calculs, on adopte une unité de longueur telle que le rayon du cercle circonscrit au triangle est {{math|1}}. On a alors :
De plus, pour simplifier les calculs, on adopte une [[unité de longueur]] telle que le rayon du cercle circonscrit au triangle est {{math|1}}. On a alors :


*{{math|1=''AB'' = 2 sin(3''c'')}},
* {{math|1=AB = 2 sin(3''c'')}},
*{{math|1=''BC'' = 2 sin(3''a'')}},
* {{math|1=BC = 2 sin(3''a'')}},
*{{math|1=''AC'' = 2 sin(3''b'')}}.
* {{math|1=AC = 2 sin(3''b'')}}.


Dans le triangle {{math|''BPC''}}, d'après la [[loi des sinus]], on a :
Dans le triangle {{math|BPC}}, d'après la [[loi des sinus]], on a :
:<math>\frac {BP}{\sin (c)} = \frac {BC}{\sin (\pi - b - c)} = \frac {2 \sin (3a)}{\sin (b + c)} = \frac {2 \sin (3a)}{\sin (\frac{\pi}3- a)}</math>
:<math>\frac {\mathrm {BP}}{\sin (c)} = \frac {\mathrm {BC}}{\sin (\pi - b - c)} = \frac {2 \sin (3a)}{\sin (b + c)} = \frac {2 \sin (3a)}{\sin (\frac{\pi}3- a)}</math>
:<math>BP = \frac {2 \sin (3a) \sin (c)}{\sin (\frac{\pi}3- a)}.</math>
:<math>\mathrm {BP} = \frac {2 \sin (3a) \sin (c)}{\sin (\frac{\pi}3- a)}.</math>


On peut développer {{math|sin(3''a'')}} :
On peut développer {{math|sin(3''a'')}} :
Ligne 48 : Ligne 49 :
&=4\sin\left(\tfrac{\pi}3+a\right)\sin\left(\tfrac{\pi}3-a\right)\sin a,\end{align}</math>
&=4\sin\left(\tfrac{\pi}3+a\right)\sin\left(\tfrac{\pi}3-a\right)\sin a,\end{align}</math>


ce qui permet de simplifier l'expression de {{math|''BP''}} :
ce qui permet de simplifier l'expression de {{math|BP}} :
:<math>BP = 8 \sin(a) \sin(c) \sin\left(\tfrac{\pi}3+a\right).</math>
:<math>\mathrm {BP} = 8 \sin(a) \sin(c) \sin\left(\tfrac{\pi}3+a\right).</math>
On obtiendrait de même :
On obtiendrait de même :
:<math>BR = 8 \sin(a) \sin(c) \sin\left(\tfrac{\pi}3+c\right).</math>
:<math>\mathrm {BR} = 8 \sin(a) \sin(c) \sin\left(\tfrac{\pi}3+c\right).</math>


En appliquant alors le théorème d'Al-Kashi, qui s'écrit {{math|1=''PR''{{2}} = ''BP''{{2}} + ''BR''{{2}} – 2 ''BP BR'' cos(''b'')}}, on obtient :
En appliquant alors le théorème d'Al-Kashi, qui s'écrit {{math|1=PR{{2}} = BP{{2}} + BR{{2}} – 2 BP BR cos(''b'')}}, on obtient :
:<math>PR^2 = 64 \sin^2 (a) \sin^2 (c)\left[\sin^2\left(\tfrac{\pi}3+a\right)+\sin^2\left(\tfrac{\pi}3+c\right)-2\sin\left(\tfrac{\pi}3+a\right)\sin\left(\tfrac{\pi}3+c\right)\cos(b)\right].</math>
:<math>\mathrm {PR}^2 = 64 \sin^2 (a) \sin^2 (c)\left[\sin^2\left(\tfrac{\pi}3+a\right)+\sin^2\left(\tfrac{\pi}3+c\right)-2\sin\left(\tfrac{\pi}3+a\right)\sin\left(\tfrac{\pi}3+c\right)\cos(b)\right].</math>


Or
Or
:<math>\left(\tfrac{\pi}3+a\right)+\left(\tfrac{\pi}3+c\right)+ b = \tfrac{2\pi}3+ (a + b + c) = \pi.</math>
:<math>\left(\tfrac{\pi}3+a\right)+\left(\tfrac{\pi}3+c\right)+ b = \tfrac{2\pi}3+ (a + b + c) = \pi.</math>
Il existe donc un triangle ayant pour angles {{math|{{frac|π|3}} + ''a'', {{frac|π|3}} + ''c''}} et {{math|''b''}}, et dont le rayon du cercle circonscrit est {{math|1}}. Si on lui applique le théorème d'Al-Kashi, on a :
Il existe donc un triangle ayant pour angles <math>\tfrac{\pi}{3}+a, \; \tfrac{\pi}{3}+c, \text{ et } b,</math> et dont le rayon du cercle circonscrit est {{math|1}}. Si on lui applique le théorème d'Al-Kashi, on a :
:<math>\sin^2(b)=\sin^2\left(\tfrac{\pi}3+a\right)+\sin^2\left(\tfrac{\pi}3+c\right)-2\sin\left(\tfrac{\pi}3+a\right)\sin\left(\tfrac{\pi}3+c\right)\cos(b)</math>
:<math>\sin^2(b)=\sin^2\left(\tfrac{\pi}3+a\right)+\sin^2\left(\tfrac{\pi}3+c\right)-2\sin\left(\tfrac{\pi}3+a\right)\sin\left(\tfrac{\pi}3+c\right)\cos(b)</math>
donc
donc
:<math>PR=8\sin(a)\sin(c)\sin(b).</math>
:<math>\mathrm {PR}=8\sin(a)\sin(c)\sin(b).</math>
On obtiendrait de même
On obtiendrait de même
:<math>PQ=8\sin(a)\sin(b)\sin(c)\text{ et }QR=8\sin(b)\sin(c)\sin(a),</math>
:<math>\mathrm {PQ}=8\sin(a)\sin(b)\sin(c)\text{ et } \mathrm {QR}=8\sin(b)\sin(c)\sin(a),</math>
ce qui prouve que {{math|1=''PR = PQ = QR''}}. Le triangle {{math|''PQR''}} est donc bien équilatéral.
ce qui prouve que {{math|1=PR = PQ = QR}}. Le triangle {{math|PQR}} est donc bien équilatéral.


=== Démonstration à l'aide des complexes ===
=== Démonstration à l'aide des complexes ===
Cette démonstration est basée sur un article d'[[Alain Connes]]<ref>{{article|lang=en|first=Alain|last=Connes|url=http://www.numdam.org/item?id=PMIHES_1998__S88__43_0|titre=A new proof of Morley's theorem|lien périodique=Publications mathématiques de l'IHÉS|revue=Publ. Math. IHES|vol=S88|year=1998|p.=43-46}}.</ref>. Elle utilise les nombres complexes et donne un calcul rapide de l'[[Plan complexe|affixe]] des sommets du triangle équilatéral.
Cette démonstration est basée sur un article d'[[Alain Connes]]<ref>{{article|lang=en|prénom=Alain|nom=Connes|url=http://www.numdam.org/item?id=PMIHES_1998__S88__43_0|titre=A new proof of Morley's theorem|lien périodique=Publications mathématiques de l'IHÉS|revue=Publ. Math. IHES|vol=S88|année=1998|p.=43-46}}.</ref>{{,}}<ref>{{Lien web |auteur=[[Alain Connes]] |titre=Une nouvelle preuve du théorème de Morley |url=http://denisevellachemla.eu/Alain-Connes-Theoreme-Morley.pdf}}</ref>{{,}}<ref>{{Lien web |auteur=Alain Connes |titre=Langage mathématique |url=https://www.college-de-france.fr/agenda/grand-evenement/langue-et-science-langage-et-pensee/langage-mathematique |site=[[Collège de France]]}}</ref>. Elle utilise les nombres complexes et donne un calcul rapide de l'[[Plan complexe|affixe]] des sommets du triangle équilatéral.


Plaçons-nous dans le plan euclidien orienté que nous pourrons ultérieurement identifier au corps des complexes. Désignons par ''P'', ''Q'' et ''R'' les trois intersections de trisectrices dont on veut montrer qu'elles forment un triangle équilatéral. En outre plaçons les points ''P{{'}}'', ''Q{{'}}'' et ''R{{'}}'' symétriques de ''P'', ''Q'' et ''R'' respectivement par rapport à ''BC'', ''CA'', ''AB'' (voir figure ci-contre). Désignons enfin respectivement par <math>\quad \alpha,\beta,\gamma </math> la détermination principale (comprise entre –π et π) des angles <math> \widehat {(\overrightarrow {AB},\overrightarrow {AC})},\;\widehat{(\overrightarrow {BC},\overrightarrow {BA})},\;\widehat{(\overrightarrow {CA},\overrightarrow {CB})} </math>.
On se place dans le [[plan euclidien]] orienté qu'on pourra ultérieurement identifier au corps des complexes. On désigne par P, Q et R les trois intersections de trisectrices dont on veut montrer qu'elles forment un triangle équilatéral. En outre, on place les points P{{'}}, Q{{'}} et R{{'}} symétriques de P, Q et R respectivement par rapport à BC, CA, AB (voir figure ci-contre). On note enfin comme précédemment <math>3a,\;3b,\;3c</math> les angles <math>\widehat {\mathrm{BAC}}, \; \widehat {\mathrm{CBA}}, \; \widehat {\mathrm{ACB}}</math>.
[[Image:Morleypd.png|thumb]]
[[Image:Morleypd.png|vignette]]


Soient maintenant ''f'', ''g'', ''h'' les rotations de centres respectifs ''A'', ''B'', ''C'' et d'angles respectifs <math> 2\alpha/3,\;2\beta/3,\;2\gamma/3 </math>.
Soient maintenant {{mvar|f}}, {{mvar|g}}, {{mvar|h}} les rotations de centres respectifs A, B, C et d'angles respectifs <math>2a,\;2b,\;2c</math>.
On observe alors que :
* (i) P (resp. Q, R) est le [[point fixe]] de <math>g \circ h</math> (car il est centre de cette rotation) (resp. <math> {h\circ f ,\; f \circ g}</math> ).
*: En effet ''h'' transforme P en P{{'}} et ''g'' transforme P{{'}} en P. Il en est de même pour Q et R.
* (ii) <math> f^3 \circ g^3 \circ h^3 = I </math> ([[application identité]]).
*: En effet la somme des angles des rotations composantes est {{math|2π}} et on obtient donc une translation. Mais A est invariant puisque ''h''{{3}} (rotation de centre C et d'angle <math>2\widehat \mathrm{ACB}</math>) transforme A en A{{'}} symétrique de A par rapport à BC, ''g''{{3}} transforme A{{'}} en A et finalement ''f''{{3}} laisse A invariant. Par suite cette translation est l'application identité.


Ainsi, on peut désormais travailler dans le corps des complexes en conservant les notations que nous avons introduites.
*(i) ''P'' (resp. ''Q'', ''R'') est le point fixe de <math> g\circ h</math> (centre de cette rotation) (resp. <math> {h\circ f ,\; f \circ g}</math> ).
On définit simplement les rotations {{mvar|f}}, {{mvar|g}}, {{mvar|h}} par
*:En effet ''h'' transforme ''P'' en ''P{{'}}'' et ''g'' transforme ''P{{'}}'' en ''P'' (immédiat : voir figure). Il en est de manière analogue pour ''Q'' et ''R''.
:<math>f(z)=a_1z+b_1 </math>
*(ii) <math> f^3 \circ g^3 \circ h^3 = I </math> ([[application identité]]).
:<math>g(z)=a_2z+b_2 </math>
*:En effet la somme des angles des rotations composantes est 2π et on obtient donc une translation. Mais ''A'' est invariant puisque ''h''{{3}} (rotation de centre ''C'' et d'angle 2γ) transforme ''A'' en ''A{{'}}'' symétrique de ''A'' par rapport à ''BC'', ''g''{{3}} transforme ''A{{'}}'' en ''A'' et finalement ''f''{{3}} laisse ''A'' invariant. Par suite cette translation est l'application identité.
:<math>h(z)=a_3z+b_3</math>

avec <math>a_1,a_2,a_3</math> égaux respectivement à <math>{\rm e}^{2{\rm i}a},{\rm e}^{2{\rm i}b},{\rm e}^{2{\rm i}c}</math>.
Il est tout à fait remarquable que les seules propositions (i) et (ii) ci-dessus sont suffisantes pour en déduire le caractère équilatéral du triangle ''PQR''.

Ainsi, nous allons désormais travailler dans le corps des complexes en conservant les notations que nous avons introduites.

Nous définissons simplement les rotations ''f'', ''g'', ''h'' par
:<math> \quad f(x)=a_1 x+b_1 </math>
:<math> \quad g(x)=a_2 x+b_2 </math>
:<math> \quad h(x)=a_3 x+b_3 \qquad (a_1=e^{2i\frac{\alpha}3},a_2=e^{2i\frac{\beta}3},a_3=e^{2i\frac{\gamma}3})</math>.


Un calcul rapide montre que (i) équivaut à
Un calcul rapide montre que (i) équivaut à
:<math> \quad P=(a_2b_3+b_2)/(1-a_2a_3) </math>
:<math>\mathrm{P} =\frac{a_2b_3+b_2}{1-a_2a_3}</math>
:<math> \quad Q=(a_3b_1+b_3)/(1-a_3a_1) </math>
:<math>\mathrm{Q} =\frac{a_3b_1+b_3}{1-a_3a_1}</math>
:<math> \quad R=(a_1b_2+b_1)/(1-a_1a_2) </math>
:<math>\mathrm{R} =\frac{a_1b_2+b_1}{1-a_1a_2}.</math>


Quant à (ii) on montre aisément l'équivalence avec
Quant à (ii) on montre l'équivalence avec


* (iii)&nbsp;
*(iii)&nbsp; <math>\begin{cases} (a_1a_2a_3)^3=1 \\ (a_1^2+a_1+1)b_1+a_1^3(a_2^2+a_2+1)b_2+a_1^3a_2^3(a_3^2+a_3+1)b_3=0 \end{cases}</math>
**<math>(a_1a_2a_3)^3=1</math> ;
**<math>(a_1^2+a_1+1)b_1+a_1^3(a_2^2+a_2+1)b_2+(a_1a_2)^3(a_3^2+a_3+1)b_3=0</math>.
Le complexe <math>\mathrm j:=a_1a_2a_3</math> est différent de 1 donc est l'une des deux [[racine de l'unité|racines cubiques primitives de l'unité]]. On a alors
:<math>\mathrm{P}=\frac{a_1(a_2b_3+b_2)}{a_1-\mathrm j}</math>
:<math>\mathrm{Q}=\frac{a_2(a_3b_1+b_3)}{a_2-\mathrm j}</math>
:<math>\mathrm{R}=\frac{a_3(a_1b_2+b_1)}{a_3-\mathrm j}.</math>


Ces trois égalités sont bien définies car le triangle n'est pas plat, donc aucun des angles <math>3a,3b,3c</math> ne vaut {{math|±π}}.
Comme <math>a_1a_2a_3 \ne 1</math> , on voit que <math> \quad a_1a_2a_3 = j </math> ou <math>\quad j^2 </math>. Supposons pour fixer les idées que <math> \quad a_1a_2a_3 = j</math> (cela correspondra dans l'application à un triangle ''ABC'' de sens positif). On a alors


On peut alors vérifier que <math>\mathrm R+j\mathrm P +j^2 \mathrm Q=0</math>, ce qui est une caractérisation classique du caractère équilatéral du triangle PQR.
:<math> \quad P=(a_2 b_3+b_2)a_1/(a_1-j)\qquad (a_1\neq j \quad \mathrm {sinon}\quad a_1^3=1 ~ \mathrm{et} ~ |\alpha|=\pi ~ ! )</math>
:<math> \quad Q=(a_3 b_1+b_3)a_2/(a_2-j)\qquad (a_2\neq j \quad \mathrm {idem})</math>
:<math> \quad R=(a_1 b_2+b_1)a_3/(a_3-j)\qquad (a_3\neq j \quad \mathrm {idem})</math>


{{Démonstration/début | titre=Démonstration de <math>\mathrm R+j\mathrm P+ j^2 \mathrm Q=0</math>}}
On peut alors vérifier que <math>P+jQ+j^2R=0</math>, ce qui est une caractérisation classique du caractère équilatéral direct du triangle ''PQR''.
On développe <math>(\mathrm R+j\mathrm P+j^2 \mathrm Q)(a_1-\mathrm j)(a_2-\mathrm j)(a_3-\mathrm j)</math>, en utilisant que le complexe <math>\mathrm j:=a_1a_2a_3</math> vérifie <math>1+\mathrm j+\mathrm j^2=0.</math>


Le coefficient de {{math|''b''{{ind|1}}}} dans l'expression ci-dessus est
:<math>a_3(a_1-\mathrm j)[a_2-\mathrm j+\mathrm j^2a_2(a_3-\mathrm j)]=a_3(a_1-\mathrm j)(-\mathrm j+1/a_1)=-\frac{\mathrm ja_3}{a_1}(a_1^2+a_1+1)
</math>.


Le coefficient de {{math|''b''{{ind|2}}}} est
{{Démonstration/début | titre=Démonstration de <math>P+jQ+j^2R=0 </math>}}
:<math>a_1(a_2-\mathrm j)[a_3(a_1-\mathrm j)+\mathrm j(a_3-\mathrm j)]=\mathrm ja_1(a_2-\mathrm j)(-\mathrm j+1/a_2)=-\frac{\mathrm j^2a_1}{a_2}(a_2^2+a_2+1)</math>.
Un premier calcul donne
:<math>P+jQ+j^2R=\frac {a_1(a_2-j)(a_3-j)(a_2 b_3+b_2)+ja_2(a_3-j)(a_1-j)(a_3 b_1+b_3)+j^2 a_3 (a_1-j)(a_2-j)(a_1 b_2+b_1)}{\Pi} </math>


Enfin, le coefficient de {{math|''b''{{ind|3}}}} est
avec <math>\Pi=(a_1-j)(a_2-j)(a_3-j)</math>
:<math>a_2(a_3-\mathrm j)[\mathrm ja_1(a_2-\mathrm j)+\mathrm j^2(a_1-\mathrm j)]=\mathrm j^2a_2(a_3-\mathrm j)(-\mathrm j+1/a_3)=-\frac{a_2}{a_3}(a_3^2+a_3+1)</math>.


Finalement,
Le coefficient de ''b''{{ind|1}} dans le numérateur de l'expression ci-dessus est <math>~ja_2(a_3-j)(a_1-j)a_3+j^2a_3(a_1-j)(a_2-j)</math>
:<math>
\begin{align}
(R+j\mathrm P+ j^2 \mathrm Q)(a_1- j)(a_2- j)(a_3- j)&\\
=&-\frac1{ ja_1^2a_2}[(a_1^2+a_1+1)b_1+a_1^3(a_2^2+a_2+1)b_2+(a_1a_2)^3(a_3^2+a_3+1)b_3]=0\quad \text{ (cf. (iii))}
\end{align}
</math>.


{{Démonstration/fin}}
:<math>=j(a_1-j)a_3[a_2(a_3-j)+j(a_2-j)]~=~j(a_1-j)a_3(a_2a_3-j^2)~=~ja_3(a_1-j)(\frac j {a_1}-j^2)~=~j^2\frac{a_3}{a_1}(a_1-j))(1-ja_1)</math>
:<math>=\frac{a_3}{a_1}(a_1-j)(j^2-a_1)=\frac{a_3}{a_1}(-a_1^2+j^2 a_1+j a_1-1)=-\frac{a_3}{a_1}(1+a_1+a_1^2)</math>


== Autres propriétés du triangle de Morley ==
Le coefficient de ''b''{{ind|2}} dans le même numérateur est <math>~ a_1(a_2-j)(a_3-j)+j^2a_3(a_1-j)(a_2-j)a_1</math>
=== Longueur des côtés ===
:<math>=a_1(a_2-j)[a_3-j+j^2 a_3(a_1-j)]~=~a_1(a_2-j)(-j+j^2a_3a_1)~=~\frac{a_1}{a_2}(a_2-j)(-ja_2+1)</math>
Chaque côté du triangle de Morley mesure :
:<math>=~\frac{a_1}{a_2}(-ja_2^2+j^2a_2+a_2-j~=~-j\frac{a_1}{a_2}(1+a_2+a_2^2)</math>
:<math>8 R \sin \frac{\widehat{A}}3 \sin \frac{\widehat{B}}3\sin \frac{\widehat{C}}3,</math>
:où <math>\widehat{A},\widehat{B},\widehat{C}</math> désignent les angles en ''A,B,C'' du triangle et où <math>R</math> désigne le rayon du cercle circonscrit.


=== Orientation du triangle de Morley ===
Enfin le coefficient de ''b''{{ind|3}} dans le même numérateur est <math>a_1(a_2-j)(a_3-j)a_2+ja_2(a_3-j)(a_1-j)</math>
* Orientation par rapport au triangle de départ : le côté <math>(B'C')</math> du triangle de Morley situé le plus près du sommet ''A'' fait avec le côté <math>(BC)</math> du triangle de départ un angle égal à <math>{\widehat{C}-\widehat{B}}\over3</math>.
<math> =a_2(a_3-j)[a_1(a_2-j)+j(a_1-j)]~=~a_2(a_3-j)(a_1a_2-j^2)~=~\frac{a_2}{a_3}(a_3-j)(j-j^2a_3)~=~j\frac{a_2}{a_3}(a_3-j)(1-ja_3)</math>
* Orientation par rapport à la deltoïde de Steiner : le triangle (équilatéral) formé par les points de rebroussement de la [[deltoïde de Steiner]] et le triangle (équilatéral) de Morley, ont leurs côtés parallèles.


== Centres de Morley ==
<math>=j\frac{a_2}{a_3}(a_3-ja_3^2-j+j^2a_3)~=~-j^2\frac{a_2}{a_3}(1+a_3+a_3^2)</math>
[[File:FirstMorleyCenter.svg|thumb|300px]]
[[File:SecondMorleyCenter.svg|thumb|300px]]


On appelle '''centres de Morley''' deux [[Centre du triangle|centres du triangle]] points de Morley. Ils portent les [[Nombre de Kimberling|nombres de Kimberling]] X{{ind|356}} (''premier centre de Morley'', le centre de gravité du triangle de Morley) et X{{ind|357}} (''deuxième centre de Morley'', ''premier centre de Morley–Taylor–Marr'', ou point de concours des droites AP, BQ, CR)<ref name=ETC>{{lien web|lang=en|nom=Kimberling|prénom=Clark|titre=X(356) = Morley center|url=http://faculty.evansville.edu/ck6/encyclopedia/ETC.html|encyclopedia=Encyclopedia of Triangle Centers|consulté le=16 June 2012}}</ref>{{,}}<ref name=Wolfram>{{mathworld|titre=Morley Centers|url=MorleyCenters}}</ref>.
Finalement, en utilisant ces résultats et en remplaçant ''j'' par ''a''{{ind|1}}''a''{{ind|2}}''a''{{ind|3}} on obtient


<math>P+jQ+j^2R~=~-\frac{a_3}{\Pi a_1}~[(1+a_1+a_1^2)b_1+a_1^3(1+a_2+a_2^2)b_2+a_1^3a_2^3(1+a_3+a_3^3)b_3] ~=~0 \quad \text{ (cf. (iii))}</math> .


=== Coordonnées trilinéaires ===
{{Démonstration/fin}}


Les [[coordonnées trilinéaires]] du premier centre de Morley sont
Naturellement si le triangle ''ABC'' est de sens rétrograde, on devra prendre <math>\quad a_1a_2a_3=j^2</math> et on obtient ''PQR'' équilatéral de sens rétrograde.
:<math>\cos ( A/3 ) + 2 \cos (B/3 ) \cos (C/3 ) : \cos ( B/3 ) + 2 \cos (C/3 ) \cos (A/3 ) : \cos ( C/3 ) + 2 \cos (A/3 ) \cos (B/3 ).</math>
Les coordonnées trilinéaires du deuxième centre de Morley sont
:<math>\sec( A/3 ) : \sec ( B/3 ) : \sec ( C/3 ).</math>


{{clr}}
Dans le cas où ''ABC'' est de sens direct, on a en fait
:<math> \quad f(z)=e^{2i \alpha /3}(z-A)+A \qquad g(z)=e^{2i \beta /3}(z-B)+B \qquad h(z)=e^{2i \gamma /3}(z-C)+C </math>

et donc <math> \quad a_1=e^{2i \alpha /3} \quad b_1=(1-e^{2i \alpha /3})A </math> et expressions analogues pour ''a''{{ind|1}}''b''{{ind|1}}''a''{{ind|2}}''b''{{ind|2}}''a''{{ind|3}}''b''{{ind|3}}. Il est donc très aisé de déterminer ''P'', ''Q'' et ''R''.

== Triangle de Morley ==
=== Longueur des côtés ===
Chaque côté du triangle de Morley mesure :
:<math>8 R \sin \frac{\alpha}3 \sin \frac{\beta}3\sin \frac{\gamma}3,</math>
où ''R'' désigne le rayon du cercle circonscrit au triangle de départ.

=== Orientation du triangle de Morley ===
* Orientation par rapport au triangle de départ : le côté ''B{{'}}C{{'}}'' du triangle de Morley situé le plus près du sommet ''A'' fait avec le côté ''BC'' du triangle de départ un angle égal à (''C – B'')/3, où ''C'' et ''B'' désignent les angles ''BCA'' et ''ABC''.
* Orientation par rapport à la deltoïde de Steiner : le triangle (équilatéral) formé par les points de rebroussement de la [[deltoïde de Steiner]] et le triangle (équilatéral) de Morley, ont leurs côtés parallèles.


== Historique ==
== Historique ==


Après la découverte de ce théorème par Frank Morley à la fin du {{s|XIX}}, les collègues de ce dernier trouvaient le résultat si beau qu'ils lui ont donné le nom de « miracle de Morley ». Comme l'écrit Richard Francis : {{Citation|Apparemment ignoré par les géomètres antérieurs ou hâtivement abandonné en raison d'incertitudes liées à la trisection et à la constructibilité, le problème n'apparut réellement qu'il y a un siècle.}} Par ailleurs, même si Morley a proposé une solution au problème, la preuve rigoureuse du théorème a été plus tardive<ref>{{ouvrage |prénom1=Clifford |nom1=Pickover |lien auteur1=Clifford Pickover |titre=Le Beau Livre des Maths |sous-titre=De Pythagore à la {{57e}} dimension |éditeur=Dunod |lien éditeur=Éditions Dunod |année=2010 |passage=296 |isbn=978-2-10-054640-4 }}</ref>.
Après la découverte de ce théorème par Frank Morley à la fin du {{s|XIX}}, les collègues de ce dernier trouvaient le résultat si beau qu'ils lui ont donné le nom de « miracle de Morley ». Comme l'écrit Richard Francis : {{Citation|Apparemment ignoré par les géomètres antérieurs ou hâtivement abandonné en raison d'incertitudes liées à la trisection et à la constructibilité, le problème n'apparut réellement qu'il y a un siècle.}} Par ailleurs, même si Morley a proposé une solution au problème, la preuve rigoureuse du théorème a été plus tardive<ref>{{Ouvrage |langue=fr |langue originale=en |prénom1=Clifford |nom1=Pickover |lien auteur1=Clifford Pickover |titre=Le Beau Livre des Maths |sous-titre=De Pythagore à la {{57e}} dimension |lieu=Paris |éditeur=[[Éditions Dunod|Dunod]] |année=2010 |pages totales=527 |passage=296 |isbn=978-2-10-054640-4}}</ref>{{,}}<ref name=":0" />.


== Notes et références ==
== Notes et références ==
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== Lien externe ==
== Lien externe ==
[http://www-cabri.imag.fr/abracadabri/GeoPlane/Classiques/Morley/Morley1.htm Théorème de Morley] sur le site [http://www-cabri.imag.fr/abracadabri/ abracadabri] (associé à [[Cabri Géomètre]])
* [http://www-cabri.imag.fr/abracadabri/GeoPlane/Classiques/Morley/Morley1.htm Théorème de Morley] sur le site [http://www-cabri.imag.fr/abracadabri/ abracadabri] (associé à [[Cabri Géomètre]]) ; on y verra décrits 18 triangles équilatéraux avec des sommets sur des trisectrices généralisées issues des 3 sommets du triangle et 36 triangles avec des sommets sur des trisectrices issues de 2 sommets du triangle.
* {{Youtube|langue = anglais|titre = Math is Illuminati confirmed (PART 2): Morley's Miracle|id = gjhmh3yWiTI|chaîne = [[Mathologer]]}}, une preuve géométrique animée du théorème de Morley, due à [[John Horton Conway|John Conway]].


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[[Catégorie:Théorème de géométrie|Morley]]
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[[Catégorie:Géométrie du triangle]]
[[Catégorie:Géométrie du triangle]]

Dernière version du 17 août 2024 à 12:14

En mathématiques, et plus précisément en géométrie plane, le théorème de Morley, découvert par Frank Morley en 1898, affirme que les intersections des trissectrices des angles d'un triangle forment un triangle équilatéral.

Le triangle équilatéral ainsi défini par le théorème de Morley s'appelle le « triangle de Morley » du triangle de départ.

Démonstrations

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Il existe de nombreuses démonstrations de ce théorème. Ci-dessous sont présentées trois démonstrations : une n'utilisant que des propriétés de géométrie élémentaire, les deux autres travaillant sur la trigonométrie ou les complexes offrant l'avantage de fournir la dimension du triangle équilatéral[1].

Démonstration en géométrie élémentaire

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Triangle de Morley et son « tripode ».

Claude Frasnay[2] propose une démonstration sans trigonométrie ni nombres complexes, utilisant uniquement la somme des angles d'un triangle et les similitudes directes.

Pour tous réels strictement positifs tels que est appelé « dipode de pointure  » la figure constituée d'un triangle équilatéral direct auquel on adjoint deux triangles de sens direct et tels que les angles de sommets et aient pour mesure en radians a et b et les angles de sommets et aient pour mesure Par construction, deux dipodes de même pointure sont directement semblables.

De même est appelé « tripode de pointure  », la figure constituée de trois dipodes de pointure de pointure et de pointure Par construction, deux tripodes de même pointure sont directement semblables.

Pour un tripode donné de pointure on construit ensuite le triangle direct tel que les angles de sommet et mesurent et On appelle le point de concours des bissectrices de ce triangle et on construit un triangle équilatéral direct symétrique par rapport à et tel que et appartiennent respectivement à et . On démontre alors que est un bipode de pointure Comme deux bipodes de même pointure sont directement semblables, les bipodes et sont semblables et confondus, et les demi-droites et sont les bissectrices intérieures des angles et En reprenant le même raisonnement sur puis , on démontre que les demi-droites , , , , et sont les trisectrices du triangle dont les angles aux sommets sont donc

Tout triangle direct d'angles est directement semblable au triangle construit à partir du tripode de pointure et ses trisectrices se coupent donc en formant un triangle équilatéral directement semblable au triangle .

Démonstration à l'aide de la trigonométrie

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La loi des sinus détermine la longueur de la plupart des segments à partir des côtés du triangle et le théorème d'Al-Kashi permet de déterminer les autres, notamment les trois côtés PR, PQ et QR du triangle rouge — celui qui est censé être équilatéral.

On définit les angles , et tels que :

Puisque dans tout triangle on a :

le changement de variable ci-dessus donne :

De plus, pour simplifier les calculs, on adopte une unité de longueur telle que le rayon du cercle circonscrit au triangle est 1. On a alors :

  • AB = 2 sin(3c),
  • BC = 2 sin(3a),
  • AC = 2 sin(3b).

Dans le triangle BPC, d'après la loi des sinus, on a :

On peut développer sin(3a) :

ce qui permet de simplifier l'expression de BP :

On obtiendrait de même :

En appliquant alors le théorème d'Al-Kashi, qui s'écrit PR2 = BP2 + BR2 – 2 BP BR cos(b), on obtient :

Or

Il existe donc un triangle ayant pour angles et dont le rayon du cercle circonscrit est 1. Si on lui applique le théorème d'Al-Kashi, on a :

donc

On obtiendrait de même

ce qui prouve que PR = PQ = QR. Le triangle PQR est donc bien équilatéral.

Démonstration à l'aide des complexes

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Cette démonstration est basée sur un article d'Alain Connes[3],[4],[5]. Elle utilise les nombres complexes et donne un calcul rapide de l'affixe des sommets du triangle équilatéral.

On se place dans le plan euclidien orienté qu'on pourra ultérieurement identifier au corps des complexes. On désigne par P, Q et R les trois intersections de trisectrices dont on veut montrer qu'elles forment un triangle équilatéral. En outre, on place les points P', Q' et R' symétriques de P, Q et R respectivement par rapport à BC, CA, AB (voir figure ci-contre). On note enfin comme précédemment les angles .

Soient maintenant f, g, h les rotations de centres respectifs A, B, C et d'angles respectifs . On observe alors que :

  • (i) P (resp. Q, R) est le point fixe de (car il est centre de cette rotation) (resp. ).
    En effet h transforme P en P' et g transforme P' en P. Il en est de même pour Q et R.
  • (ii) (application identité).
    En effet la somme des angles des rotations composantes est et on obtient donc une translation. Mais A est invariant puisque h3 (rotation de centre C et d'angle ) transforme A en A' symétrique de A par rapport à BC, g3 transforme A' en A et finalement f3 laisse A invariant. Par suite cette translation est l'application identité.

Ainsi, on peut désormais travailler dans le corps des complexes en conservant les notations que nous avons introduites. On définit simplement les rotations f, g, h par

avec égaux respectivement à .

Un calcul rapide montre que (i) équivaut à

Quant à (ii) on montre l'équivalence avec

  • (iii) 
    •  ;
    • .

Le complexe est différent de 1 donc est l'une des deux racines cubiques primitives de l'unité. On a alors

Ces trois égalités sont bien définies car le triangle n'est pas plat, donc aucun des angles ne vaut ±π.

On peut alors vérifier que , ce qui est une caractérisation classique du caractère équilatéral du triangle PQR.

Autres propriétés du triangle de Morley

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Longueur des côtés

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Chaque côté du triangle de Morley mesure :

désignent les angles en A,B,C du triangle et où désigne le rayon du cercle circonscrit.

Orientation du triangle de Morley

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  • Orientation par rapport au triangle de départ : le côté du triangle de Morley situé le plus près du sommet A fait avec le côté du triangle de départ un angle égal à .
  • Orientation par rapport à la deltoïde de Steiner : le triangle (équilatéral) formé par les points de rebroussement de la deltoïde de Steiner et le triangle (équilatéral) de Morley, ont leurs côtés parallèles.

Centres de Morley

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On appelle centres de Morley deux centres du triangle points de Morley. Ils portent les nombres de Kimberling X356 (premier centre de Morley, le centre de gravité du triangle de Morley) et X357 (deuxième centre de Morley, premier centre de Morley–Taylor–Marr, ou point de concours des droites AP, BQ, CR)[6],[7].


Coordonnées trilinéaires

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Les coordonnées trilinéaires du premier centre de Morley sont

Les coordonnées trilinéaires du deuxième centre de Morley sont

Après la découverte de ce théorème par Frank Morley à la fin du XIXe siècle, les collègues de ce dernier trouvaient le résultat si beau qu'ils lui ont donné le nom de « miracle de Morley ». Comme l'écrit Richard Francis : « Apparemment ignoré par les géomètres antérieurs ou hâtivement abandonné en raison d'incertitudes liées à la trisection et à la constructibilité, le problème n'apparut réellement qu'il y a un siècle. » Par ailleurs, même si Morley a proposé une solution au problème, la preuve rigoureuse du théorème a été plus tardive[8],[1].

Notes et références

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  1. a et b Jean-Pierre Boudine, L'appel des maths, t. 2, Cassini, p. 264-270
  2. Jean Aymès, Ces problèmes qui font les mathématiques (la trisection de l'angle), Publication de l'A.P.M.E.P., no 70, 1988, p. 54.
  3. (en) Alain Connes, « A new proof of Morley's theorem », Publ. Math. IHES, vol. S88,‎ , p. 43-46 (lire en ligne).
  4. Alain Connes, « Une nouvelle preuve du théorème de Morley »
  5. Alain Connes, « Langage mathématique », sur Collège de France
  6. (en) Clark Kimberling, « X(356) = Morley center » (consulté le )
  7. (en) Eric W. Weisstein, « Morley Centers », sur MathWorld
  8. Clifford Pickover (trad. de l'anglais), Le Beau Livre des Maths : De Pythagore à la 57e dimension, Paris, Dunod, , 527 p. (ISBN 978-2-10-054640-4), p. 296

Lien externe

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